D

e l'orphelinat, Tom ne souhaitait conserver aucun souvenir. Il exécrait cet endroit, de tout son être, pas seulement parce qu'il le rappelait à sa condition d'orphelin (il avait su se trouver une bien assez noble descendance pour passer finalement l'épreuve), mais surtout parce qu'il incarnait tout ce qu'il haïssait et souhaitait détruire. Ne plus avoir à retourner dans cet endroit avait été pour lui ce que l'on peut concevoir de plus satisfaisant, et il n'avait pas la moindre envie de revenir sur ce pan de son passé qu'il comptait bien faire oublier aux quelques-uns qui en sauraient trop à ce sujet (tout comme il comptait bien, à long terme, faire oublier jusqu'à ses nom et prénom, ces nom et prénom hérités d'un moldu imbécile qui était finalement mort comme il avait vécu, sans dignité ni panache). Mais poser un voile sur certains pans de votre passé ne l'empêche pas d'exister, et Tom ne put qu'en avoir conscience quand ce passé se rappela à lui sans qu'il en ait décidé quoi que ce soit, sous la forme d'un courrier à son intention.

Ce courrier était signé de la main d'une certaine Amy Benson, et quand bien même ce nom l'avait longtemps indifféré, il était bien contraint d'y accorder un intérêt plus particulier. Amy Benson, c'était bien cette fille qu'il avait "mise à l'épreuve" lors de cette sortie scolaire qui devait engendrer en elle le plus impitoyable traumatisme que l'on puisse imaginer, non ? S'il n'avait pas de bons souvenirs de l'orphelinat, il en avait de cet épisode. C'était la première fois qu'il avait vraiment pris la mesure de ses pleins pouvoirs, et de celui qu'il pouvait avoir sur les autres. Il avait repensé à cette grotte, d'ailleurs. Même si la possibilité de créer de nouveaux horcruxes se voyait contrariée par le vol de son journal, il ne renonçait pas à cette possibilité, et à ce titre, ce lieu semblait idéal. Et s'il fallait pousser plus loin le symbole, pourquoi ne pas faire d'Amy sa victime de choix pour l'occasion.

En tout cas, sa missive l'avait suffisamment intrigué pour qu'il accepte de se rendre au rendez-vous. Un rendez-vous avec une moldue dans un café moldu... autant dire que ça ne lui ressemblait que trop peu... mais la fin pouvait, à titre exceptionnel, justifier certains moyens, parfois. Elle était déjà présente quand il se présenta à elle, et il comprit bien vite qu'elle était... apeurée ? Convaincu d'avoir aisément l'ascendant sur elle (il l'avait de base, elle était moldue, après tout), il était convaincu de pouvoir tirer parti de ce petite tête-à-tête.

-Amy, ça faisait longtemps ! dit-il avec aux lèvres le sourire de celui qui est ravi de retrouver une vieille amie d'enfance. Alors, comme ça, tu voulais me voir ?

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L

e seigneur des ténèbres autoproclamé pourrait, par facilité, chercher les informations directement à la source, s'abreuver de ses pensées égarées, mais il n'était pas nécessaire d'aller si loin pour deviner quelle était l'émotion dominante de la jeune femme. On ne voyait qu'elle. Cette peur qui déformait les traits de son visage, faisait trembler sa voix, grincer son timbre et la faisait balbutier. Elle était terrifiée. Et c'était tant mieux. C'était là une émotion que le jeune homme appréciait inspirer, car c'est en attisant la peur que l'on domine, du moins était-ce là la méthode qu'il avait choisi d'adopter, et pour l'heure, elle lui avait toujours fièrement servi. En l'occurrence, la jeune femme avait d'excellentes raisons d'avoir peur, bien plus qu'elle n'avait de raisons d'avoir demandé à le revoir. Cette conversation pourrait bien être leur dernière, elle avait été singulièrement téméraire en organisant ce rendez-vous, et il était certain qu'elle le payerait très cher, car il ne pourrait qu'avoir de sévères conséquences. Il aurait pu l'oublier, si elle n'avait pas refait surface, mais c'était à présent le cas, et l'Héritier n'avait pas l'intention de l'épargner, tout au contraire. Elle voulait revenir sur ce qui s'était passé dans les grottes, ce jour-là, grave erreur de sa part. Si cet événement avait de l'importance pour l'un comme pour l'autre (mais pour des raisons différentes, il aurait malgré tout été préférable qu'elle se résigne à se taire.

-De ce que je t'ai fait ? répondit le jeune homme d'un ton faussement incrédule mais qui se voulait aussi convaincant que possible. Tu vas devoir te montrer plus précise, je ne vois pas du tout de quoi tu parles.

Bien sûr qu'il voyait de quoi elle parlait, et c'était bien parce que cet événement avait eu lieu qu'il avait pris la peine de se déplacer. A présent, il prenait un malin plaisir à mesurer l'impact psychologique que cet événement avait pu avoir sur la jeune femme, de toute évidence fragilisée mentalement, dorénavant. Elle ferait une victime idéale. Bien que quelque part presque trop... facile ? Il n'empêche qu'elle l'invitait quelque part à cultiver son penchant pour la mise en scène. Il voulait entendre la situation avec ses mots. Son destin était scellé, ça n'y changerait rien, mais ce pourrait être assez... instructif.

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I

l savait très bien oui, il était convaincu en effet d’avoir une idée plus que précise de ce que la jeune femme avait à lui reprocher et de l’événement auquel elle faisait référence (qui avait eu de l’importance aussi bien pour l’un que pour l’autre, mais pour des raisons bien différentes cela étant), mais ce n’était pas pour autant qu’il allait fournir plus d’efforts pour lui accorder ce qu’elle avait voulu. En venant à sa rencontre, elle avait signé son arrêt de mort. Il n’était jamais bon de chercher à déterrer le passé, et encore moins lorsque l’on était jamais qu’une minable moldue comme elle. Elle pouvait bien chercher à se prouver quelque chose en allant à sa rencontre, mais la vérité, c’est que dans tous les cas, elle serait perdante. Ce serait toujours lui qui gagnerait à la fin. Il l’avait emporté sur elle il y a bien longtemps, et il n’avait pas l’intention de voir cela changer de sitôt… La curiosité et l’opportunité, peut-être, d’en savoir plus sur celle qui s’était désignée d’elle-même et sans le savoir pour être sa prochaine victime l’avaient décidé à la revoir, mais elle ne devait pas s’attendre à quoi que ce soit de sa part. Il jouerait avec elle une carte qui ne lui avait déjà que trop bien servi par le passé, à savoir celle de l’innocence, et il ne dériverait pas de cette position, quoi qu’il puisse advenir, c’était même parfaitement hors de question. Elle commença à résumer la situation. Elle évoqua ce voyage absurde organisé par la directrice de l’orphelinat, ce moment où il avait suggéré à deux innocents du groupe de s’éloigner, de visiter ces grottes à flanc de mer qui semblaient pourtant aussi dangereuses qu’inaccessibles. Ils avaient été deux, en effet… d’ailleurs, il faudrait sans doute également que le mage noir s’intéresse tout autant au deuxième larron, qui était peut-être parfaitement au courant de cette rencontre, d’ailleurs.

-Ah oui, je me souviens, répondit-il d’un ton vague comme s’ils ne faisaient qu’évoquer un épisode anecdotique de leur enfance. Quelque part ce n’était pas loin de l’être. Même si Tom y accordait tout de même un minimum d’importance, mais c’était avait avant tout été une question d’ego, pas vraiment de rapport avec le vrai traumatisme qui avait en revanche déterminé le tempérament et l’existence de sa jeune interlocutrice. Dennis aurait dû venir lui aussi, je suis sûr qu’il aurait apprécié d’assister à ces petites retrouvailles. Oui, il la provoquait, c’était aussi simple que cela. Et d’un autre côté, il était curieux de savoir ce que pouvait devenir ce jeune homme… En revanche, je serais curieux de connaître la suite de ta petite histoire. Tu ne m’en voudras pas, j’espère, mais mes souvenirs de cette époque sont assez flous.

Toujours le même sourire en apparence charmant aux lèvres, il poursuivait sur son petit jeu de provocation, sans l’ombre d’un scrupule.

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T

om, contrairement à ce qu'il prétendait, se souvenait très précisément de l'épisode des grottes. Certes, il n'était qu'un enfant, encore, alors, mais ce souvenir était fondateur, car c'était là, au moment précis où ces deux jeunes moldus s'étaient retrouvés sous son emprise, en proie à la plus vive douleur et aux visions les plus cauchemardesques, qu'il avait pris conscience de ses pouvoirs et de tout ce qu'il pourrait accomplir. Bien sûr, à l'époque, il ne contrôlait que très partiellement les choses et était encore moins à même de les comprendre, mais cela n'ôtait rien à la valeur de ce moment.

Un épisode exaltant pour lui, traumatisant pour la jeune Amy Benson qui en faisait à présent le récit sous le regard attentif et dénué de compassion du mage noir. Plus d'une décennie s'était écoulée et elle était encore là, à ressasser ce moment, à en éprouver de la souffrance au point que les larmes lui montaient aux yeux et qu'elle n'était pas capable d'en parler posément, avec recul. A la grande satisfaction de Tom au passage qui, loin de compatir au sort de son interlocutrice, était ravi de découvrir une telle détresse chez elle... entièrement de son ressort. Peut-être avait-elle voulu le voir pour se sortir du cauchemar dans lequel il l'avait embourbée. Mauvais calcul de sa part. Il comptait bien l'y enfoncer pour de bon, dans ce cauchemar. Un cauchemar duquel elle ne se relèverait jamais plus.

-Amy, répondit-il d'un ton compatissant, la regardant avec la condescendance de ceux qui considère d'un coup d'oeil ces personnes en proie à un profond désordre psychiatrique. Qu'est-ce que tu racontes ? On avait sept ans, qu'est-ce que j'aurais bien pu vous faire ? Son ton était doux, presque concerné, comme s'il prenait seulement maintenant conscience de la fragilité émotionnelle de son interlocutrice et que, loin d'y voir un filon à exploiter, il le considérait comme quelque chose dont il était nécessaire, crucial même, de s'alarmer. Il ne s'est rien passé, là-bas. On s'est éloigné du groupe, et c'est vrai, ces grottes n'étaient pas rassurantes, mais... Il prit soin de capter son regard, quand bien même il était convaincu du fait qu'elle ne voulait pas qu'il la regarde dans le blanc des yeux. Tu es sûr que ce n'est pas dans ta tête, tout ça ?

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