Agrippine en est intimement convaincue, même ses parents n'ont jamais manqué de lui affirmer le contraire : ils auraient voulu avoir un fils. Pour quelles raisons ? Là encore, elle n'a que des suppositions, mais elle est sûre et certaine du fait que Mr et Mrs Tuft n'auraient été que trop ravis d'avoir au sein de leur foyer un Ignatius bis, cet enfant qui leur apportait tant de bonheur et de fierté... sauf que non, elle était juste... elle-même, et elle dut bien vite se rendre à l'évidence, pour ses parents, ça ne finirait jamais. Enfant négligée, elle a toujours vécu dans l'ombre de son frère. Quoi qu'elle ait pu faire, ce n'était jamais assez bien, et pour cause, son frère faisait toujours mieux. Et même si l'on mettait de côté leur différence d'âge, elle était toujours la comparée. Ignatius avait su marcher plus tôt, ses pouvoirs s'étaient manifesté bien avant les siens, il avait su lire très tôt, il avait toujours eu d'excellente note. Pas elle. Elle, elle n'était pas aussi brillante ou précoce, elle, elle était peut-être même un peu... en retard ? Et plus on lui faisait remarquer qu'il ne lui ferait pas de mal de prendre exemple sur son aîné, moins elle faisait d'efforts... Quand Ignatius rejoignit Poudlard, elle crut enfin qu'elle aurait l'occasion de s'affirmer auprès de ses géniteurs... ce ne fut pas le cas. C'est à cette période, en vérité, que les choses s'envenimèrent... En l'absence de son frère, et dès l'instant où sa mère partait au travail, son père la punissait de la moindre insolence, de la moindre erreur, de la moindre maladresse, avec une violence inouïe... Elle ne sut dès lors que nourrir une haine profonde et viscérale à l'égard de ses géniteurs... Son père pour le mal qu'il lui avait infligé, sa mère parce qu'Agrippine était convaincue qu'elle savait, pourtant, elle fermait les yeux, faisait mine de rien. Quant à son frère ? Eh bien... étonnamment, elle l'aime bien, beaucoup, même, elle le considère lui aussi comme une victime de leurs parents, à sa manière, à toujours vouloir tout faire pour suivre leurs traces et les satisfaire... et elle aimerait bien lui faire entendre raison.

Recevoir sa lettre pour Poudlard fut pour elle un ravissement, pour ses parents un soulagement. Mais le soulagement fut de courte durée. La jeune fille fut envoyée à Serpentard, et ravie que cla décision du choixpeau incommode à ce point ses parents. Pour le reste... elle fut une élève insupportable, et aucun de ses professeurs n'aurait su lui trouver des circonstances atténuantes : dissipée, insolente, impolie, l'inverse de travailleuse... le cauchemar de tout enseignant. Mr et Mrs Tuft recevaient régulièrement des courriers d'avertissement de la part de l'école de magie, et un jour, alors qu'elle venait à peine de fêter ses quinze ans, le couperet tomba : on la renvoya de Poudlard. Ses parents l'accueillirent avec tout le rejet qui s'impose. Sa mère tenta bien de lui faire l'école à la maison, mais Agrippine prenait un malin plaisir à ne rien retenir ni écouter.

Quand elle fut majeure, ses parents n'eurent pas à la mettre à la porte - elle était convaincue qu'ils en rêvaient -, elle partit d'elle-même. Après d'âpres négociations, elle trouva un premier job et un premier appartement sur l'allée des embrumes. Depuis, le canard boiteux de la famille Tuft a fait du chemin... dans son propre domaine. Versée dans nombre de trafics illégaux, elle sait gagner raisonnablement sa vie.

Quand elle a apprit la mort de son père, elle est restée de marbre et n'a pas pris la peine de se pointer à l'enterrement. Quand sa mère a été nommée ministre de la Magie, elle est tombée des nues et s'applique depuis à ruiner la réputation de sa mère à son échelle. Ne lui reste plus qu'un objectif : ranger Ignatius de son côté.