Toujours pas de nouvelles de Ginny... En soi, ce n'était pas ce qui devait empêcher Tina de faire convenablement son travail, mais elle s'inquiétait de plus en plus de l'absence de la jeune femme, et cela impactait forcément sur le travail qu'elle fournissait. Elle peinait, il faut dire, à être à cent pour cent productive à l'heure actuelle, entre ces histoires de mic-mac temporel, le séjour de Jacob et le retour de Queenie, toutes ces formalités administratives, qui étaient loin d'être les plus passionnantes au monde quel que puisse être le contexte où elles s'exerçaient, lui passaient véritablement au-dessus de la tête.

Pour cette raison, elle n'eut pas vraiment de scrupule à demander un jour de congé ce jour-là, elle avait besoin de se remettre les idées au clair, et elle avait de toutes façon prévu de s'octroyer quelques temps de congé quand Jacob serait là, afin de pouvoir profiter de sa présence et réciproquement. Elle comme Norbert n'avaient pas totalement pu se départir de leurs obligations professionnels, mais ils n'avaient pas dans l'intention de le laisser seul. Et vu ce qui arrivait quand ils le laissaient seuls, ce n'était sans doute pas une résolution inappropriée.

Après avoir fait acte de présence à son bureau le matin même, sans être réellement productive, elle avait donc choisi de rentrer chez elle. Et en ouvrant la porte, elle tomba nez à nez avec Jacob, seul. Norbert avait sans doute dû repartir. Ce n'était sans doute pas plus mal, ils auraient donc l'occasion de parler seul à seul... c'était finalement assez rare (même si elle appréciait énormément Jacob, il était l'ami de Norbert avant d'être le sien), mais sûrement nécessaire vues les circonstances.

« Oh, bonjour Tina. Tu vas bien ? »

Si elle allait bien... La question était vaste et épineuse. À vrai dire, elle était bien trop préoccupée, pour trop de motifs différents, pour se sentir véritablement bien... Non, elle avait déjà été bien mieux. Elle n'allait pas rigoureusement bien, mais elle ne voulait pas laisser ses propres états d'âme influer sur ceux de Jacob, qui l'intéressaient bien plus que les siens.

Elle hocha donc la tête, tout en étant fermement décidée à ne pas rentrer dans les détails.

"Je vais bien. J'ai pris mon après-midi.", lui apprit-elle dans un sourire afin de lui laisser comprendre qu'elle était donc toute disposée à passer du temps avec lui, et même qu'elle y tenait, même si sa compagnie était sans aucun doute possible moins fantasque que celle de son époux.

Elle regarda un moment Jacob dans les yeux. Elle aurait aimé pouvoir lire en lui comme Queenie le faisait si facilement avec tout le monde. Ce serait plus simple pour elle de savoir quelle attitude adopter sans éprouver le sentiment (fondé) de foncer naïvement dans le tas.

"Et toi, comment tu vas ?"

Elle hésita à faire un instant comme si de rien n'était, mais ce ne lui semblait vraiment pas juste.

"Queenie m'a dit... que vous vous êtes vus..."

« On s'est vus oui. Nous avons beaucoup parlé. »

Ça, Tina le savait déjà, elle avait même connaissance d'à peu près l'intégralité de la conversation qu'ils avaient eu tous les deux, car Queenie avait eu besoin de s'épancher sur le sujet.

Elle en avait parfaitement conscience, et ce n'était pas la réponse qu'elle espérait entendre. Elle aurait voulu qu'il réponde à sa question, qu'il lui dise comment il allait... même si c'était pour lui dire que son moral n'était pas au beau fixe, d'ailleurs, juste pour le laisser exprimer ce qu'il ressentait si cela pouvait lui faire du bien. Mais elle n'avait pas forcément mérité de recueillir ses états d'âme. Après tout, elle aussi avait eu un rôle à jouer dans cette histoire, et qui avait son importance.

De toute façon, il n'avait pas besoin d'exprimer clairement ce qu'il ressentait pour que Tina le sente bouleversé. Elle voyait bien qu'il était perturbé par tout ça, et c'était normal, on le serait pour bien moins que ça. Le problème, c'était que Tina ne savait pas trop quoi faire maintenant pour l'aider et le rassurer, et elle n'était même pas certaine que Jacob puisse vouloir de ses soutiens et de ses conseils, à présent qu'il savait.

« Ça n’a pas dû être évident de garder le secret toutes ces années. »

Tina se mordit légèrement la lèvre inférieure. C'était l'une des choses qu'elle avait appréhendé, mais en même temps, c'était une bonne chose qu'ils en parlent, et une plus excellente encore qu'ils puissent se parler de la situation. Durant des années, elle n'avait pas été complètement vraie et honnête avec Jacob parce qu'elle détenait un secret primordial dans son existence. Maintenant que le voile était levé, les choses ne seraient pas plus simples, non, mais au moins plus transparentes.

Elle hocha la tête. Jacob était décidément quelqu'un d'exceptionnel, d'autres auraient été en colère, auraient fait payer leur silence à leurs amis, auraient refusé de comprendre. Mais lui ne donnait même pas vraiment l'air de leur en vouloir. Pourtant, leur conduite n'avait pas été irréprochable, au contraire.

Elle prit une grande inspiration avant de prendre soin de lui répondre.

"Je suis désolée... On ne voulait pas te mentir mais... on ne savait pas quoi faire d'autre." Elle marqua une pause avant de reprendre la parole. "Peut-être que tu as des questions, des choses que tu voudrais savoir..."

Au point où ils en étaient, et puisque la vérité avait été dévoilée, il était sans doute temps de mettre cartes sur table et de faire preuve envers Jacob de toute l'honnêteté dont ils n'avaient pas pu faire preuve jusqu'alors. Et le plus simple, pour ça, c'était sûrement d'interroger le principal concerné, même si elle n'était pas sûr que tout ça suffirait à le soulager.

« Je comprends. »

Il le disait, et elle sentait bien que les mots qu'il prononçait étaient sincères, mais ça ne la rassurait pas pour autant. D'accord, elle préférait l'entendre dire qu'il comprenait les raisons pour lesquelles ils lui avaient menti tout ce temps, mais elle ne pensait vraiment pas qu'elle aurait été capable de réagir de la même manière à sa place.

C'était une partie du problème, d'ailleurs, elle était incapable de se mettre à sa place, de prendre la mesure de ce qu'il ressentait et de la manière dont il vivait les choses, et comme elle en était incapable, elle l'était tout autant de le rassurer, de l'aider à accepter sa situation. C'est que ce n'était pas une simple épreuve à traverser, c'était une information qui allait le poursuivre toute sa vie.

Comment pouvait-on apprendre qu'on avait un enfant et, dans la foulée, accepter de prétendre que ça ne faisait pas de différences ? Certaines personnes, indifférentes, en étaient peut-être capables. Mais ces personnes-là n'étaient pas comme Jacob.

« Je crois que Queenie m’a tout dit. Je ne pense pas avoir besoin d’en savoir plus. »

Tina n'était pas sûre de ça, même si sa sœur n'avait pas vraiment été capable de lui détailler sa conversation avec Jacob dans sa totalité, mais elle ne pensait pas qu'elle ait pu répondre à toutes les questions que devait se poser Jacob maintenant, ne serait-ce que parce qu'il n'avait pas forcément eu le temps de décanter encore.

Tina se trompait, mais elle avait le sentiment que les questions que son ami se posaient étaient bien plus nombreuses que ce qu'il voulait bien admettre. C'était seulement qu'il ne voyait sans doute pas l'intérêt d'en savoir plus.

Car en savoir plus sur Adrian, ce serait le rendre plus réel, et puisque Jacob n'envisageait pas de revenir dans la vie de Queenie (et réciproquement) et donc de son fils...

Tina n'arrivait pas à être insensible à cette situation, c'était plus simple avant, et c'était facile de reprocher à sa sœur d'avoir tout avoué au no-maj, mais maintenant que c'était fait, que la donne avait changé...

« Je ne vous en veux pas. Et ça ne change rien. »

Oui, elle appréciait d'entendre Jacob lui affirmer qu'il ne leur en voulait pas, pour elle bien sûr, mais surtout pour Norbert, dont Jacob était l'un des rares et surtout le meilleur ami. Mais il ne pouvait pas dire que ça ne changeait rien.

Même si elle pensait deviner où il voulait en venir, il ne pensait pas avoir le droit de revenir dans la vie de Queenie et de son fils après tout ce temps, mais ce n'était pas parce que la situation ne devait pas changer (et encore, est-ce qu'elle ne le devait vraiment pas ?) qu'elle ne changerait pas pour Jacob.

"Comme tu veux", répliqua-t-elle sans vraiment le penser. "Mais pour moi, ça change quelque chose." Et pour Norbert aussi, pour Queenie, pour Hyppolite, pour Adrian. Pour tout le monde, directement ou indirectement. "Mais si tu ne veux pas en parler, je comprends."

« Ce n’est pas vraiment que je ne veux pas en parler. Je ne veux pas en savoir trop, parce que… je sais déjà que je vais avoir du mal à rentrer maintenant, je ne veux pas compliquer plus les choses. »

Elle comprenait. Bien sûr qu'elle comprenait. Il devait avoir mille et une question, les pensées devaient se bousculer dans sa tête, mais il était possible effectivement que plus il en saurait, plus ça lui ferait du mal, parce qu'il était décidé dans tous les cas à repartir, à reprendre le fil de sa vie.

C'était de là que venait réellement le problème. Tina découvrait que cette situation était douloureuse pour lui, elle savait qu'elle faisait clairement souffrir sa sœur, et elle, prise entre deux feux, n'avait pas la moindre idée de comment s'y prendre afin d'apaiser un tant soit peu la douleur de ces deux personnes qui comptaient tant pour elle, et qui s'aimaient finalement au point de se faire du mal, beaucoup de mal.

Qu'est-ce qu'elle pouvait répondre à cela ? Tina était convaincue du fait que parler ferait du bien à Jacob, elle voulait qu'il se confie à elle, mais peut-être qu'elle n'était pas la mieux placée, ou juste qu'il avait raison, que le mieux était de rester dans l'ignorance. Mais elle se sentait, par conséquent, impuissante. Jacob était son ami, il vivait quelque chose de difficile, même si sa situation était particulière, parce qu'elle était la sœur de Queenie, elle voulait l'aider. Et il n'y avait peut-être rien à faire pour l'aider, malheureusement, et ça ne lui plaisait pas.

"Je comprends", répondit-elle, résignée. Elle ne pouvait pas le forcer à se confier non plus, surtout que ça pourrait peut-être lui faire plus de mal que de bien. Mais quand même, elle n'avait vraiment pas l'impression de faire une bonne amie en de telles situations. "Désolée" , ajouta-t-elle. Elle s'en voulait un peu d'avoir insisté.

Après tout, ce n'était pas elle que ça concernait, elle n'avait pas son mot à dire. Le truc, c'est que ce qui concernait Queenie l'avait toujours concernée elle, et elle tenait sincèrement à Jacob. Même si elle ne pourrait pas s'empêcher de mettre son grain de sel.

"Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voudrais faire, cet après-midi ? Je pourrais peut-être t'emmener dans des endroits sorciers que tu n'as pas encore visités ?"

Puisqu'il ne voulait pas en parler, elle allait procéder autrement. Elle s'interdisait de le voir se morfondre. Elle voulait qu'il profite encore du temps qu'il pourrait passer en Angleterre, afin qu'il garde tout de même un bon souvenir de ses vacances... même s'il devait finir par s'en aller sans savoir quand il reviendrait.

« Ça serait super ! »

L'enthousiasme de Jacob faisait plaisir à voir. Bon, Tina savait que l'enthousiasme faisait partie du tempérament naturel de son ami, lui qui était si jovial et de manière générale optimiste (même s'il cachait certaines blessures sous ses atours joyeux).

Mais tout de même, elle appréciait de le voir sourire et se réjouir des choses simples (encore que pour le no-maj, découvrir le monde des sorciers n'était pas si simple que ça), elle voulait qu'il profite le plus possible de ses vacances, malgré le tour particulier qu'elles avaient fini par prendre, et qui avait totalement dépassé le couple Dragonneau.

Elle sourit à son tour. Au fond, c'était sans doute Jacob qui avait raison, il valait mieux qu'ils parlent d'autre chose et que l'homme ne regrette pas totalement d'avoir traversé l'Atlantique pour les rejoindre et passer du temps avec eux, et parmi les sorciers, bien sûr.

« Est-ce que tu pourrais m’emmener voir les boutiques sorcières ? »

Tina hocha la tête dans un sourire, elle trouvait que c'était une excellente idée, d'autant plus que ça allait permettre à son ami de peut-être ramener un ou deux souvenirs magiques de son voyage. Et si on voulait voir la magie à l'œuvre, il n'y avait clairement rien de mieux que de se rendre dans les rues commerçantes des secteurs sorciers de Grande-Bretagne. Oui, c'était une excellente idée.

"Bien sûr", affirma-t-elle, alors, emballée par cette perspective. "Norbert t'a déjà conduit sur le chemin de traverse ?" demanda-t-elle ensuite.

Quitte à faire les boutiques sorcières, autant se rendre à un endroit où Norbert n'aurait pas encore l'occasion d'emmener leur ami commun. Elle se disait que le chemin de traverse serait une excellente option. Déjà, ils pourraient s'y rendre via la poudre de cheminette, ce qui serait l'occasion pour Jacob de découvrir une nouvelle technique sorcière, ensuite, ils pourraient faire un détour par Gringotts pour que Jacob y échange un peu d'argent, ce qui pourrait être assez mémorable aussi pour lui.

Enfin, les boutiques étaient si nombreuses et variées sur le chemin de traverse qu'il devrait très facilement trouver son bonheur. La magie était présente partout, sur le chemin de traverse. Tina, habituée, n'y faisait pas vraiment attention, mais elle savait que Jacob, lui, y serait sensible.

Après, s'il connaissait déjà l'endroit et ne voulait pas y retourner, ils trouveraient bien, en cherchant bien, on trouvait toujours, surtout que la magie, quand on ouvrait l'œil, était déjà partout.

« Je ne crois pas non. »

Peut-être que si, et qu'il n'avait pas retenu le nom du Chemin de traverse. C'était possible. Si ces lieux fantastiques faisaient partie du quotidien de Tina et qu'il lui semblait naturel de connaître cet endroit, Jacob, lui, devait assimiler beaucoup de choses d'un coup, il serait assez normal, par conséquent, qu'il ne se soit pas souvenu du nom de la rue commerçante.

Mais même si, par hasard, Norbert l'y avait déjà emmené, ils n'avaient sans doute pas fait le tour de toutes les boutiques, et Jacob, en familiarisation constante avec la magie, aurait sans doute plaisir à vaquer au milieu des sorciers, dans un lieu résolument magique.

Dans tous les cas, elle se disait que sortir ne leur ferait pas de mal. Malgré les circonstances, qui avaient un peu échappé à tout le monde, elle voulait que son ami profite au maximum du temps qu'il devait passer avec eux, d'autant qu'elle se doutait que pour lui, le retour à New York et à son quotidien n'allait pas être des plus simples. Autant lui changer les idées.

« Ça me dit bien d’y aller. On peut y aller maintenant ? »

Tina hocha la tête. L'enthousiasme et l'optimisme de Jacob étaient parmi les qualités qu'elle préférait chez lui. Rien ne donnait l'impression de l'atteindre. Oh, elle savait parfaitement que c'était faux, mais au moins, il n'était pas de mauvaise volonté, au contraire, même, et lui faire découvrir ou redécouvrir son univers, c'était comme une redécouverte pour elle aussi.

"Bien sûr", approuva-t-elle dans un sourire. Rien ne leur ferait sans doute plus de bien pour le moment que d'aller faire quelques boutiques, de changer de cadre et de ne plus aborder les sujets qui les tarauderaient forcément, mais qu'ils avaient tout intérêt à garder pour eux.

Elle avait de toute façon pris son après-midi dans l'optique non seulement de ne pas laisser Jacob seul, mais de lui permettre de profiter au maximum de ses vacances, ce malgré la tournure, on peut le dire, inattendue qu'elles avaient fini par prendre.

Elle prit ses affaires, invita Jacob à faire de même, et lui tendit son bras. Elle pensait que le message serait on ne peut plus clair pour Jacob qui avait été habitué au transplanage faute de l'être complètement au monde de la magie. Autant qu'ils y aillent de cette façon, ce serait bien plus pratique.