Concentre-toi. Naie pas peur, va au bout de tes idées, et surtout, surtout, ne lâche jamais rien.

C'est la deuxième fois, du haut de mes tout récents vingt-quatre ans, que je me tiens face au Magenmagot. Je me sens moins intimidée que la première fois, mais certaines choses me trahissent quand même. J'ai les mains moites, mon cœur bat la chamade, et ma respiration s'est accélérée. La tête haute, je reste tout de même digne. Je n'ai pas pris d'avocat, ce serait peine perdue dans mon cas, et une contrainte financière que je ne peux pas me permettre. J'ai donc préparé mon argumentaire seule, dans la chambre de bonne mal charpentée que je loue une misère à un vieux moldu à la grande âme qui me rémunère pour que je lui tienne compagnie, paye ses factures et fasses ses courses. Mes mains tremblent un peu quand je me saisis du parchemin où mon écriture en pattes de mouches à inscrit mon plaidoyer. Allez, on inspire, on expire. Au pire, je ferai un deuxième séjour à Azkaban. Je sais bien que je vais y avoir des entrées privilégiées. Je compte plaider ma cause coûte que coûte. Réussir à faire entendre ma voix, ne serait-ce qu'à une de ces personnes, ce sera un début non négligeable. D'accord, j'ai fait léviter multitude d'article du marché d'une allée commerçante pour exposer la magie aux yeux des moldus, mais quoi ? Le crime, ce n'est pas ce que j'ai fait, c'est que tous ces moldus aient ensuite été oubliettes. Allez, on respire et on se lance.

"Mes parents sont des moldus. Ma mère est Africaine. Elle a donc souffert de deux formes de ségrégation, il a fallu ma naissance pour qu'elle prenne conscience de la seconde d'entre elles. C'est là l'ampleur de notre hypocrisie. Le racisme dont ma mère a souffert, et dont j'ai pu souffrir aussi, est inadmissible, mais il a le mérite de ne pas prétendre être autre chose. En dissimulant au monde notre existence, en refusant aux sorciers et aux moldus d'être mis sur un pied d'égalité, vous agissez en xénophobes avertis qui derrière des réglementations pompeuses sapent la liberté de chaque individu. Mes parents sont moldus, je suis une sorcière, et dès lors qu'ils ont découvert l'existence de mes pouvoirs, ils ont dû cacher à ma famille, à leurs amis, à tout leur entourage, ce que j'étais, pas parce qu'ils me considéraient comme une tare, non, mais par obligation. Quand je suis rentrée à Poudlard, mes parents ont prétendu m'avoir envoyée en pension. Quand j'ai été admise à Gryffondor, j'ai voulu qu'ils soient fiers de moi, mais ils ne comprenaient pas vraiment. Parce que personne n'a pris le temps de leur expliquer.

Aujourd'hui, mes parents sont morts. Ils ont été assassinés par des sorciers qui, respectant le clivage que VOTRE politique a instauré, ont considéré que les moldus n'étaient pas nos égaux, mais des êtres inférieurs, à éliminer. En nous distinguant, VOUS avez autorisé les massacres, la méconnaissance, la mauvaise considération, VOUS avez accordé à la haine un terrain privilégié. Je tente de rétablir l'équilibre. Je répare vos erreurs. Oui, j'ai fait usage de la magie en présence de moldu, oui, j'ai exposé notre monde au leur, parce que ces deux mondes ne devraient être qu'un. Et je recommencerai encore, jusqu'à ce que nul n'ignore VOTRE erreur."

Mon nom est Carlotta Pinkstone et, depuis sept ans maintenant, je lutte activement pour la révélation de l'existence des sorciers aux moldus. Et je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour que cette cause soit reconnue. Et appliquée.