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ifficile pour Queenie de se remettre à l'ouvrage après les quelques jours qu'elle venait de passer avec sa famille. TOUTE sa famille. Ces retrouvailles n'avaient pas été de tout repos, mais si on le lui permettait, Queenie n'hésiterait pas la moindre seconde et ne demanderait qu'à revivre ce réveillon une nouvelle fois, parce qu'ils étaient tous là, et tout paraissait alors, de fait, possible. Non pas que le champ des possibles ait été bien manifeste non plus, mais elle était d'un tempérament optimiste, et elle avait envie de croire qu'avec du temps et beaucoup de patience, tout finirait par s'arranger. Cette première étape tumultueuse était seulement un passage obligatoire, mais cela finirait par passer, il fallait bien que ça passe... En attendant, la vie devait suivre son cours, et il était temps pour Queenie de retourner au Chaudron baveur. Oui, se remettre au travail n'était pas des plus simples, mais elle n'avait, après tout, pas vraiment le choix. Alors tant pis...

En soi, son travail ne la dérangeait pas complètement. Par moments, cela lui permettait même de faire des rencontres intéressantes, et elle avait hâte de venir. Mais tout de même, sachant que cet emploi n'était décidément que temporaire, elle avait bien du mal à se sentir totalement investie... Elle avait envie d'accélérer le temps, d'en venir à l'instant où la situation serait apaisée, où elle pourrait quitter son emploi pour travailler avec Jacob, où Adrian lui accorderait son pardon (elle avait tout de même envie de croire que ça finirait par se produire, à un moment ou à un autre)... mais ce n'était pas pour tout de suite... Et en cette période des fêtes, elle devait reconnaître que tout ça se révélait beaucoup plus difficile que prévu... Elle avait bien du mal à ne pas capter au vol les pensées des uns et des autres, et pour ceux qui venaient s'enfermer ici une fois Noël passé, il s'avérait que les pensées étaient rarement positives. Faire abstraction était par conséquent une véritable épreuve. Mais elle avait tenu bon, et c'était à présent l'heure de la fermeture. Heureusement, elle n'était pas seule à s'en charger, ce soir-là. Elsa était elle aussi présente.

-Longue soirée, hein ? dit-elle à l'adresse de sa collègue dans un sourire en débarrassant une table.

Puisqu'elles étaient ensemble dans cette galère, autant se serrer les coudes et faire la conversation.

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ueenie n'avait pas encore eu l'occasion de bien connaître aucun de ses collègues, même si elle se familiarisait avec eux au fil du temps... et au fond, elle était presque un peu triste de se dire qu'elle n'aurait sans doute pas le temps de mieux se familiariser avec eux, du moins dans le contexte de leur travail... Et il y avait des personnes, comme Elsa, qu'elle ne croiserait peut-être jamais dans aucun autre contexte. Et pour cause, la jeune femme avait presque l'âge d'Adrian, Queenie n'était clairement pas le genre de personnes avec lesquelles elle devait apprécier de traîner en temps normal... Ce qui n'empêchait pas la jeune femme de se montrer très familière avec elle. Au point de finir par se le reprocher. Queenie adressa un sourire à son interlocutrice afin de la rassurer, elle n'avait pas la moindre raison de s'excuser, vraiment pas.

-Tu n'as pas à être désolée, au contraire, je préfère que tu me tutoies, j'ai moins l'impression d'être une vieille chose, lui répondit-elle dans un clin d'oeil.

Dans ces moments-là, elle appréciait de pouvoir lire en substance les pensées de tout un chacun (même si elle ne devrait sans doute pas en abuser à ce point), cela lui permettait de mieux comprendre les personnes qui l'entouraient et de mieux savoir comment les rassurer si besoin était... et en l'occurrence, c'était d'autant plus utile que si elle n'avait pas un rien triché, elle n'aurait pas vraiment compris pourquoi Elsa s'excusait, exactement. Elle était la première à avoir tendance à se montrer familière même avec les personnes qu'elle connaissait à peine, alors quand elle reconnaissait cette attitude chez les autres, elle ne s'en plaignait pas. Encore moins de la part d'une collègue. Si tout ne lui plaisait pas dans son poste de serveuse, Elsa pourrait faire partie de ces raisons qui la pousseraient à rester... Sauf qu'elle avait de meilleures raisons encore de partir, de quitter son poste.

-Je suis contente de savoir que je me débrouille bien, je n'avais jamais fait ça avant. Enfin si, quand elle travaillait encore au MACUSA, elle était habituée à servir le café, beaucoup, beaucoup de café (à croire que certains avaient de la caféine pure dans leurs veines), mais on ne pouvait pas dire que ce soit exactement la même chose, en l'occurrence. Malheureusement, je ne suis pas sûre que je vais avoir le temps de m'y habituer, ajouta-t-elle alors, le déplorant presque pour la première fois, alors qu'elle s'était réjouie toutes les autres fois.

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e sourire de Queenie s'agrandit quand Elsa lui affirma qu'elle était rayonnante, elle sentait qu'elle le pensait, et elle appréciait d'autant plus le compliment qu'il était sincère. Elle n'allait pas la contredire ni se lamentait, on le lui disait souvent, qu'elle rayonnait, et elle aimait que l'on pense cela d'elle, surtout si elle pouvait communiquer un peu de son optimisme autour d'elle. C'est sûr, les années passaient. La preuve, son fils avait fêté ses seize ans, rien que ça, mais il s'agissait de bien vieillir plus que de vieillir, et au vu de tout ce qu'elle vivait dernièrement, elle était plutôt heureuse, en fait, d'arriver à cet âge de sa vie... qui ne lui interdisait pour autant aucun projet, bien au contraire. Elle n'en avait jamais eu autant, même, et elle n'avait pu s'empêcher de s'en réjouir à voix haute, sans se douter que sa révélation pourrait blesser son interlocutrice. Et elle s'en voulut aussitôt d'avoir prononcé ces mots sans y mettre suffisamment les formes. Une fois de plus, elle fouillait des pensées qui ne la regardaient pas, mais elle n'avait pas eu besoin de fouiller très loin pour y découvrir de la déception, et un certain sentiment d'abandon.

Elsa ne lui demanda pas pourquoi, ni si elle avait d'autres ambitions à l'esprit, apparemment, elle supposait seulement que Queenie cherchait à fuir son poste au plus vite, ce qui n'était pas le cas. Certes, ce n'était définitivement pas le métier de ses rêves, et ce ne le serait jamais, mais elle n'avait jamais vraiment travaillé par passion... Ce serait une première. Elle s'était découvert un rêve à saisir. Une situation plus stable, il n'était pas dit qu'elle la trouverait si facilement tant le projet dans lequel elle se lançait avait de nombreuses chances d'aboutir à un véritable fiasco, mais au moins, elle serait heureuse, et ça elle en était certaine. Même si maintenant, elle éprouvait des scrupules à s'en aller en laissant son interlocutrice.

-Rien ne t'en empêche, tu sais, répondit-elle dans un sourire, n'ayant pas envie d'en rajouter une couche en évoquant ses projets de boulangerie avec Jacob. Inutile de lui mettre le moral à zéro non plus. Qu'est-ce que tu aimerais vraiment faire ?

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a question de Queenie ne devait pas être une question piège, mais manifestement, elle donnait pas mal de fil à retordre à Elsa, qui semblait bien indécise quant à la manière d'y répondre. En même temps, c'était compréhensible, elle était encore bien jeune. A cet âge, même si l'on attendait de vous que vous rentriez dans les rangs, que vous participiez activement à la vie dite d'adultes, difficile de savoir ce que ça peut impliquer précisément, et encore plus de déterminer ce que l'on désire vraiment faire alors que nos désirs et centres d'intérêt sont encore en plein façonnage. Ceci dit, si Queenie pouvait inviter sa collègue à ne serait-ce qu'essayer de commencer à réfléchir même un tout petit peu à la question, elle n'aurait pas le sentiment d'avoir perdu son temps.

Elsa lui parla alors de sa soeur, du rôle qu'elle avait tenu, des sacrifices qu'elle avait faits pour prendre soin d'elle, et irrésistiblement, Queenie ne put s'empêcher de songer à la façon dont Tina s'était occupée d'elle après la mort de leurs parents. Certes, elle n'avait pas renoncé à ses études et avait pu les poursuivre de sorte de devenir Auror, mais cela n'empêchait pas le fait qu'elle avait fait beaucoup de sacrifices et fait montre d'une immense abnégation pour elle, et tout comme Elsa, Queenie s'était sentie la nécessité de trouver un travail, pour que son aînée n'ait pas à tout assumer seule. Elle hésita à lui parler de son histoire, de lui faire comprendre qu'elle pouvait sans difficulté se mettre à sa place, mais Elsa avait déjà embrayé, lui demandant ce qu'elle allait faire une fois qu'elle ne travaillerait plus ici.

-Mon fiancé - Le plaisir d'appeler Jacob ainsi, sans cesse renouvelé. Encore qu'il serait plus agréable de l'appeler "mon mari", mais pour cela, il fallait faire preuve d'un peu de patience, encore - et moi, on compte ouvrir une boulangerie, à Pré-au-Lard.

Le projet n'était pas encore abouti, et il leur restait encore de nombreuses choses à faire, mais ils toucheraient au but et le mèneraient à terme d'une manière ou d'une autre, c'était bien trop important pour eux.

-Il faudra que tu viennes, les pâtisseries de Jacob sont à se rouler par terre... Elle marqua une légère pause. Il y aura aussi un espace salon de thé, aussi. Il se pourrait bien qu'on ait besoin d'une serveuse... sur le long terme, ajouta-t-elle d'un ton sans équivoque.

Même si passer d'un job de serveuse à un autre job de serveuse n'était pas ce que l'on pourrait qualifier d'accomplissement professionnel.

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ueenie avait fait sa proposition à Elsa sur l'impulsion du moment, sans y avoir préalablement réfléchi, simplement parce que, sur le moment, ça lui avait semblé assez... évident. La boulangerie était encore en cours d'installation, il leur restait beaucoup de choses à faire avant l'ouverture officielle, et ils n'avaient pas pris le temps de réfléchir aux employés qu'ils embaucheraient. Tant qu'à faire, Queenie préférait s'adresser à des personnes de confiance, qu'elle connaissait bien et dont elle connaissait la qualité du travail. Elsa remplissait évidemment tous les critères. Malgré tout, la proposition reçut un accueil un peu mitigé, ce qui était sans doute normal, étant donné les circonstances, elle ne s'attendait évidemment pas à se voir offrir un job au détour d'une de leurs conversations quotidiennes. Ceci dit, sa réponse n'était pas négative non plus, elle avait juste besoin d'un peu de temps, et c'était parfaitement compréhensible évidemment... Sans compter qu'il y avait aussi la soeur d'Elsa, et une fois encore, Queenie était bien placée pour comprendre qu'elle n'ait pas envie de la laisser. Elle hocha doucement la tête. Elle aurait le temps d'y réfléchir à tête reposée et de se décider, de toute façon.

-Bien sûr, répondit Queenie avec le sourire. Rien ne presse, je te le rappellerai en temps voulu.

Ce n'est pas comme si elle attendait de la part d'Elsa un "oui" définitif et immédiat alors que l'idée même de l'engager à la boulangerie venait tout juste d'émerger dans son esprit... et ce n'est pas non plus comme si elle cherchait à tout pris à débaucher le personnel du Chaudron baveur... Sans compter que, l'air de rien, avant de prenre une décision du genre, il semblait tout de même logique qu'elle consulte Jacob à ce sujet et que ce dernier se fasse sa propre opinion sur la question, c'était même la base, en réalité. Elle ne penserait pas qu'il s'y opposerait en quoi que ce soit, mais dans tous les cas, c'était bien la preuve qu'Elsa avait tout le temps qu'elle voulait devant elle... Inutile de développer, cependant. Les mots que la jeune femme venait de prononcer n'avaient que trop bien su titiller sa curiosité. Elle ne s'y attendait pas, à celle-là.

-Quelqu'un dans les parages ? répéta-t-elle, n'hésitant pas à exprimer toute sa curiosité.

De toute évidence, la jeune femme devait avoir un nom à l'esprit (même si Queenie ne sut l'y lire directement). Peu avant, elle lui parlait de cet homme qui avait volé son premier baiser et avait disparu comme un voleur, et voilà maintenant qu'elle évoquait ce... quelqu'un... De toute évidence, il lui manquait une information cruciale.

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ueenie répondit par un sourire sincère à son interlocutrice quand cette dernière affirma que sa proposition lui allait droit au coeur et qu'elle avait l'intention d'y réfléchir. C'était bien souvent le genre de mots que l'on prononçait quand on ne souhaitait pas froisser autrui et que l'on choisissait de décliner doucement sans se montrer trop désagréable. Mais Queenie avait cette chance que beaucoup ne possédaient malheureusement pas : elle avait le pouvoir de lire entre les lignes, et elle en découvrait suffisamment pour savoir qu'Elsa était quelque part tentée par son offre. Elle était seulement arrêtée par d'autres considérations, d'autres obligations qui n'étaient effectivement pas négligeables, loin de là. Queenie comprenait tout à fait... il était trop tôt de toute manière. Il leur serait toujours possible d'en reparler plus tard quoi qu'il en soit. Il y avait peut-être un sujet bien plus important à aborder à l'heure actuelle dans tous les cas. Bien plus important, et donc bien plus épineux, car même si Queenie ne parvenait toujours pas à identifier le bel inconnu susceptible de réparer les morceaux de coeur brisé que Angus avait laissé derrière lui.

Malheureusement, il y avait une chose que Queenie lisait très distinctement dans l'esprit de son interlocutrice (en même temps, il n'y avait clairement pas besoin d'être legilimens pour avoir conscience de cela), et c'était l'absence totale de confiance en elle et un évident défaitisme... qui l'un comme l'autre serraient le coeur de la serveuse (en passe de ne plus l'être). Parce que Elsa valait bien mieux que ce qu'elle pensait.

-Qu'est-ce que tu racontes ? dit-elle d'un ton concerné. Elle n'allait certainement pas l'écouter affirmer des choses en lesquelles pour sa part elle était bien incapable de croire. Personne ne devrait penser de cette manière. C'était bien trop... triste. Et elle était si jeune. Elle avait tout le temps de réaliser à quel point elle se trompait... Et le plus tôt serait le mieux, à vrai dire. Si tu ne t'ouvres pas aux autres, si tu as constamment peur d'être déçue, ou si tu te poses trop de questions, tu vas passer à côté de très belles histoires. C'est normal d'être déçu de temps en temps, ce n'est pas une raison pour renoncer à tout ce qui pourra t'arriver de mieux par la suite. Elle s'exprimait avec la plus totale sincérité. Comme elle tenait à Elsa, elle ne voulait pas la voir s'égarer inutilement. Et crois-moi, tu en intéresses plus d'un, ce n'est pas parce qu'ils ne disent rien qu'ils n'en pensent pas davantage.

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ueenie esquissa un léger sourire en entendant la réponse de son interlocutrice. Elle savait que quand cette dernière affirmait qu'elle avait raison, elle ne prononçait pas ces mots uniquement pour lui faire plaisir, mais parce que c'était une chose qu'elle pensait réellement. En dépit du pessimisme que les circonstances l'avaient sans doute contrainte à adopter, elle n'avait pas complètement envie de perdre espoir, et cela se ressentait. C'était une excellente chose : l'espoir était une vertu fondamentale, qu'il serait dommageable de négliger.

Tout le monde traversait des moments difficiles, des périodes où aucune éclaircie ne voulait bien se laisser entrevoir. Mais il fallait réussir à dépasser cela, c'était d'une importance pour le moins capitale. Elsa était si jeune encore, bien trop jeune pour se lamenter sur son propre sort, et Queenie gageait que la vie aurait tôt fait de lui faire comprendre cela. Bien souvent, il suffisait simplement de tomber sur les bonnes personnes. Et en l'occurrence, il se pourrait bien que la bonne personne, elle l'ait déjà rencontrée, sans accepter de la considérer comme telle, sans tolérer qu'elle puisse elle aussi être la bonne personne de quelqu'un d'autre.

-Tu trouveras quelqu'un pour remettre de l'ordre dans tout ça, je ne me fais pas le moindre soucis pour toi, répondit Queenie avec douceur.

Elle avait capté les pensées de son interlocutrice, qui s'étaient instinctivement tournées vers Gidéon, et elle comprit mieux. Une part d'elle, instinctivement, avait envie de lui parler concrètement et très directement de Gidéon, de lui révéler ce qu'elle avait pu cerner dans les pensées du jeune homme... Mais si elle n'avait rien contre le fait de forcer un peu le destin en jouant les discrètes entremetteuses, elle ne voulait mettre ni Elsa, ni Gidéon dans l'embarras...

Elle les appréciait énormément, aussi bien l'un que l'autre, c'était donc bien la dernière chose qu'elle puisse souhaiter. D'autant qu'elle ne pensait pas réellement que ces deux-là aient besoin de son aide en vérité. Ils s'étaient déjà trouvés. Il s'en faudrait sans doute de peu pour qu'ils en prennent pleinement conscience. Un soupçon de courage, un rien... et pour ça, son aide n'avait rien d'indispensable.

-Parfois, tu sais, il y a bien plus d'attrait à trouver dans ce qui n'est pas cousu de fil blanc.

Et ça aussi, elle le disait en sachant de quoi elle parlait. A quel point un homme pouvait bouleverser votre vie tout entière en un temps record, elle le savait. Elle l'avait vécu. Et elle n'en regrettait plus rien aujourd'hui.

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