Je sais bien que tu ne recevras jamais cette lettre. D'ailleurs, je n'ai même pas l'intention de l'envoyer. Je le sais bien, comme toutes les autres, elle ne trouverait pas de destinataire. J'avais seulement envie d'écrire, c'est tout. Et t'avoir pour destinataire me donne le sentiment d'une démarche moins vaine que si je noircissais de mon écriture un journal intime. Ça ne change rien en soi, mais j'aurais de toute façon plus de facilités à me confier à toi qu'à un morceau de papier. Parce que j'ai vraiment besoin de me confier, je crois. Mais je n'y arrive pas. Je n'ai sans doute jamais été aussi entourée de toute mon existence, mais ça n'y change rien. Souvent, je me demande comment je vais faire pour réussir, j'ai continué sans toi parce qu'il le fallait, mais il me manque tout ce que tu avais. Quelle légitimité ai-je pour ainsi mener tout le monde ? Je sais ce que je vaux, je sais de quoi je suis capable, je ne le nie pas, j'ignore juste si cela suffira.

Je me sens dépassée, Miyria, comme s'il existait à présent un fossé entre qui je suis et ce que l'on attend de moi. Comment pourrais-je être une Auror digne de ce nom, une résistante investie... et un être humain aussi ? Je me sens fatiguée... J'aimerais n'avoir aucun souci de me sentir à la hauteur. Tout serait plus simple. Mais tout serait un leurre, aussi. J'aurais tant besoin de tes lanternes, maintenant ! Ou juste de te revoir... Je crois que tu ne me reconnaîtrais pas. Parfois, je ne me reconnais pas moi-même.

À toi je peux le dire, et j'en ai presque honte. Je suis amoureuse. Je n'avais pas envie d'aimer, et je n'ai pas le temps d'aimer. Je n'ai pas réussi à l'empêcher... Tu vas te moquer, peut-être. Ou qui sait, si tu étais là, peut-être que tu aurais les mots pour me remettre les idées en place et m'aider à me focaliser sur ce qui compte vraiment. Au fond, je suis heureuse, je crois. Et quelque part, j'ai peur aussi. En fait, je n'ai plus les idées claires. Moi ! Tu situes le problème... Tu avais confiance en moi, je le sais. Mais je doute de le mériter aujourd'hui. Ou de l'avoir mérité un jour.

Je sais que tu ne reviendras pas, je ne l'attends plus, mais je veux l'écrire quand même : aujourd'hui, tout me semblerait plus simple si tu étais là. (Je sais que tu ne m'as pas forcément connue si sentimentale, preuve en est que ton absence a une mauvaise influence sur moi).

Tu me manques.

Pomona.