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était une véritable épreuve pour Cenlyn que ces visites à Sainte-Mangouste. À chaque fois, elle se sentait partagée entre l'envie de fuir ce moment aussi vite que possible et celle de se rendre immédiatement au chevet de sa mère, pour être la plus proche possible d'elle. C'était une épreuve redoutable, car à chaque fois, elle se voyait confrontée à la vision de sa mère, entre la vie et la mort, et la peur prenait le pas sur tout le reste... Leur présence semblait vaine, comme tout le reste, comme s'ils cherchaient à tout prix à se préserver de la sinistre réalité, comme s'ils cherchaient à se convaincre que leur mère allait se remettre pour ne pas affronter un constat bien plus rude : elle ne reviendrait peut-être jamais. Partagée entre ces différentes émotions désagréables et inconfortables, Cenlyn traînait quelque peu les pieds tandis qu'elle rejoignait cette chambre qu'elle avait fini par beaucoup trop bien connaître. Heureusement que Rhian était à ses côtés, sans lui, elle aurait sans doute rebroussé chemin le tout pour le regretter presque aussitôt. Elle prit une grande inspiration avant de faire un pas à l'intérieur. Elle ressentait, comme toujours, ce léger espoir, chaque fois plus douloureux, celui d'entrer et de voir sa mère en pleine forme, capable de la serrer dans ses bras et de rentrer chez eux. Ce n'était jamais le cas. Ce ne serait pas davantage le cas cette fois ci. Mais cette fois ci serait malgré tout différente. Car Purdey n'était pas seule, il y avait quelqu'un dans sa chambre. Un homme de taille imposante, qui les salua avec chaleur. Malgré ce ton amène et agréable, Cenlyn, sans savoir pourquoi, sentit un frisson traverser son échine. Cette voix... Sans qu'elle en comprenne les raisons, elle lui glaçait le sang, et ne put être qu'avec défiance qu'elle lui adressa la parole.

-Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

Bon, au vu de son uniforme, il travaillait là, mais il ne faisait pas partie des médicomages qu'elle avait déjà croisés. Non, elle ne l'avait jamais vu... ou ne pensait pas l'avoir déjà vu, du moins. Et pourtant, quelque chose en lui lui était familier. Et pas familier dans le bon sens du terme, familier dans un sens désagréable et perturbant. Comme si elle avait entendu cette voix dans ses cauchemars et qu'elle devait à présent les affronter en temps réel. Ce n'était pas explicable, c'était totalement irrationnel, et pourtant c'était là. Cenlyn tourna son regard vers son frère. Elle espérait lire chez lui quelque chose capable de la rassurer, susceptible de lui faire admettre qu'elle était simplement secouée par tout ce qui leur tombait dessus dernièrement et qu'il en résultait d'absurdes névroses, qui n'avaient pas l'ombre d'un fondement.

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enlyn était bien incapable de déterminer ce qui avait d'un seul coup augmenté la tension qu'elle éprouvait alors que l'homme venait d'entrer dans la pièce. Peut-être était-ce simplement le fait qu'il y avait un intrus dans cette pièce à ses yeux, alors qu'elle ne voulait la présence de personne d'autre si ce n'est celle de sa mère et de son frère. Ce type, là, était forcément de trop... Ce n'était peut-être que ça... Ou quelque chose de plus insidieux, peut-être. Elle n'en savait rien, pour le moment, elle cherchait à se rassurer comme elle le pouvait, alors forcément, elle s'accrochait au premier point d'ancrage qui lui venait, le plus sûr d'entre tous, Rhian, donc, qui perçut sans doute son malaise, puisqu'il serra sa main dans la sienne. La jeune femme se sentit aussitôt rassurée. Pas totalement quiète, bien sûr, mais déjà un peu mieux. Même s'il suffit à l'homme de reprendre la parole pour qu'elle sente à nouveau mieux.

L'homme se présenta. Et il se présentait comme un homme de confiance. Le docteur McFersen, qui non seulement s'occupait de Purdey, mais assurait aussi la direction du département où ils se trouvaient tous les deux. Autant dire que le type semblait digne de confiance. Il n'y avait pas la moindre raison... en apparence, du moins... Alors pourquoi le malaise ne disparaissait pas ? Elle devrait se sentir rassurée, ce n'était pas le cas, elle avait toujours le même nœud à l'estomac, le même froid qui lui traversait la colonne vertébrale. C'était impossible à expliquer, oui, mais quoi qu'il en soit, c'était là, bien présent. Ça ne la lâchait pas... Et c'était insupportable. La jaune et noir ne savait comment réagit aux propos du médecin. En soi, le fait qu'elle ne souffre pas était effectivement une bonne nouvelle, mais à quoi cela servirait-il si elle devait réseter indéfiniment dans le coma ?

-Mais elle va se réveiller, pas vrai ? demanda Cenlyn, qui tenta de poser son regard sur McFersen avant de le détourner presque aussitôt, toujours mal à l'aise.

Ce n'était pas la question la plus simple ni la plus enthousiasmante à poser, mais la jeune femme avait besoin d'exprimer le fond de sa pensée, même si celui-ci devait renfermer des considérations bien moins que positives.

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a question de Rhian surprit un peu Cenlyn, non pas parce qu'elle n'était pas légitime, bien au contraire, et s'il y avait une réponse concrète à lui apporter, la demoiselle tenait réellement à l'entendre, mais parce qu'elle n'aurait pas songé à la poser elle-même. Elle savait que parfois, en certaines circonstances, certaines personnes s'endormaient et ne se réveillaient jamais, malgré tous les soins possibles administrés par les médicomages. C'était comme ça et ce n'était de la faute de personne... mais bien sûr, c'était un état de fait toujours plus facile à accepter quand on n'était pas directement concerné que lorsque quelqu'un qui nous était proche était concerné. C'est sûr, Cenlyn se le demandait aussi à certains moments. Est-ce qu'on faisait vraiment tout ce qu'il fallait pour leur mère ? C'est vrai que la plupart du temps, quand ils lui rendaient visite, il n'y avait qu'elle, allongée dans son lit, quand ils préfèreraient voir des dizaines de professionnels de santé pour veiller sur elle et chercher à tout prix à la réveiller. Est-ce que les médicomages faisaient tout ce qu'il fallait ? Peut-être pas, qui sait, mais quand bien même ce serait bel et bien le cas, ce n'était pas pour autant que leur interlocuteur leur répondrait. Le type était directeur de Sainte-Mangouste, sous le prétexte qu'on lui demandait si son travail avait été bien fait, il n'allait pas pour autant s'exprimer clairement. Ou revenir sur ce qu'il venait tout juste de dire.

D'ailleurs, en effet, il leur expliqua, très posément, que leur mère avait été sonnée. Aux yeux de la jaune et noir, ces mots ne signifiaient pas grand-chose, pour tout dire. Sonné, ça avait peut-être une consonance, un sens particulier, dans le jargon médical, mais aux oreilles de Cenlyn, cela résonnait de manière si... abstraite... Elle n'avait pas été victime d'un enchantement (quoique si, en partie), elle avait été victime du choc qui avait succédé au combat qu'elle avait mené (alors qu'elle avait promis de baisser les armes.. si seulement elle avait tenu cette promesse). Donc en somme, il se pouvait qu'elle se réveille, mais allez savoir quand ni comment. Voilà qui ne les aidait pas du tout, en gros.

-Donc, en gros, si elle ne se réveille pas pour l'instant, c'est de sa faute, c'est ça ? interpréta-t-elle un peu froidement...

C'était à son tour d'être un peu sonnée, maintenant.

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enlyn, sans complètement se l'expliquer, sentit un large frisson lui traverser l'échine quand le médicomage déposa une main sur son épaule. Le geste se voulait certainement rassurant, et peut-être même qu'il tenait sincèrement à l'être, mais ça n'avait pas cet effet-là sur la jaune et noir. Au contraire, elle se sentait, pour la peine, ultra-tendue. Il était possible, oui, que sous l'effet de l'angoisse et de la pression, elle ait totalement interprété de travers les propos de son interlocuteur, après tout, c'était lui le médecin et elle la pauvre gamine dont la mère était entre la vie et la mort. Ce qui ne l'empêchait pas, malgré tout, de ne pas se sentir mieux, même quand le docteur McFersen cherchait à les rassurer. Elle n'aimait pas franchement le ton qu'il employait avec elle. En fait, elle détestait que l'on veuille jouer avec elle un rôle qui n'appartenait pas à la personne qui se l'appropriait. C'est pourquoi elle n'aimait pas du tout que Caelan joue les mamans de substitution et qu'elle n'aimait pas l'attitude paternelle de cet homme. D'un autre côté, c'était un peu dans les habitudes de tout le monde, de les considérer comme de pauvres oisillons abandonnés... Peut-être parce qu'ils l'étaient un peu, oui. Mais elle refusait de les proclamer comme tels, bien entendu.

Elle devait quand même reconnaître que le propos de son interlocuteur était plutôt rassurants, en soi, parce qu'il semblait réellement croire que leur mère allait en effet se réveiller, et elle avait vraiment besoin d'entendre ça. C'était juste... Trop flou, trop vague, et pour la peine, ça ne la soulageait d'aucune peine. Elle aurait aimé avoir des certitudes, tout simplement, et à la place, elle n'avait que des doutes, des doutes et rien d'autre. Elle poussa finalement un soupir et tourna son regard vers Rhian. Elle avait besoin de se retrouver seule avec lui, loin de cette chambre d'hôpital, elle trouvait l'atmosphère oppressante, comme si l'oxygène y manquait, elle préférait par conséquent s'en aller d'ici, et elle voulait croire que son frère serait de son avis, lui aussi.

-D'accord, répondit-elle alors, simplement, et rien d'autre. Je crois qu'on va y aller.

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