I'm only a crack in your castle of glass

Je sors de mon bureau très tard, pour ne pas changer, alors que la nuit est tombée depuis des heures. J'aimerais pouvoir aller me coucher mais il me reste quelque chose à faire. Au diable les médicomages qui m'ont conseillé un maximum de repos après la semaine que j'ai eue, je ne pourrais pas fermer les yeux en sachant que quelqu'un, en ville, attend des nouvelles de cette affaire que je viens de boucler. Il m'aura fallu du temps, des efforts, des risques et de la sueur pour venir à bout de ces criminels, mais je suis heureux de savoir qu'ils croupissent à présent dans les pires cellules d'Azkaban, en attendant d'être condamnés à mort par le baiser des détraqueurs. Cette fois, ils n'échapperont pas à la justice. Londres compte ce soir deux adeptes de Grindelwald en moins. Mes pas m'emmènent une fois de plus dans ce quartier moldu et sombre où vit Andrew Cornwell. Cet écrivain alcoolique et bourru ne sort presque jamais de chez lui et ne dort que très occasionnellement, uniquement de jour. Je ne pense pas que je vais le réveiller, mais le déranger, ça c'est sûr. Je doute qu'il y ai un moyen de lui rendre visite sans le déranger. Je grimpe les marches en saluant le gardien de l'immeuble. Heureusement, cet homme moustachu me reconnait depuis le temps et ne m'arrête pas. Il sait où je vais et il n'a pas du tout envie de m'y accompagner. Je pense qu'il ne comprend même pas comment je fais pour ressortir vivant de mes visites. Andrew a une mauvaise réputation, certes, mais justifiée. Cet homme est aussi tendre et aimable qu'un épouvantard.

Me voici donc à nouveau devant la porte impeccable de son appartement. Les gens frappent si peu dessus que la peinture fait neuve malgré les années passées. C'est bon de voir que certaines choses ne changent jamais...sauf peut-être le bouton de porte. Autrefois, je pouvais deviner l'alcoolisme de l'habitant grace aux rayures laissées par la clé hésitante sur la poignée. Je souris en remarquant que les marques sont vieilles. Déjà lors de ma dernière visite, il me semblait qu'Andrew essayait de freiner sa consommation d'alcool. Je serais d'avis de constater de mes propres yeux l'amélioration de son mode de vie. J'espère que la nouvelle que je lui apporte lui donnera la paix intérieure dont il a terriblement besoin pour se reconstruire. Mes doigts se referment et j'entrechoque mes phalanges délicatement sur la surface en bois lisse. Toc toc. Des bruits de pas répondent à mon appel et s'approchent de plus en plus jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par ceux mélodieux des multiples verrous en train d'être défaits. Mon éternel sourire s'étire sur mes lèvres avec sincérité. Je suis content de revoir cet ours mal léché. Je ne sais pas du tout pourquoi, ceci-dit.

« Bonsoir, monsieur Cornwell. Puis-je entrer ? »

“ A crack in your castle of glass”

Malgré l’heure tardive, Andrew ne dormait pas, quelques lampes étaient allumées dans ce salon un peu en foutoir et dont le cendrier débordait de vieux mégots. Il travaillait sur un manuscrit, face à sa vieille machine à écrire. Une pile de page posé à côté, et pas mal de boulettes de papier froissé par terre autour de la corbeille t.
Cigarette au coin de la lèvre, les doigts pianotant sur le clavier de fer, les bruits secs des touches frappant le papier, le rouleau grinçant légèrement, il mettait noir sur blanc une scène et des répliques palpitantes.
Il menait une vie tellement décalée du reste du monde, vivant la nuit, dormant le jour, ne sortant que peu, où juste quand il n’avait pas d’autre choix, sautant souvent des repas et comblant sa faim avec le tabac et un peu moins souvent avec un verre de whisky pur feu.
Il souffrait un peu moins d’insomnie, ainsi que ses violentes crises d’alcoolisme se manifestaient bien moins souvent. Mais de là à dire qu’il était guéri, présentable. Vivable ? Il y avait encore du chemin, il était encore très asocial, très ours mal léché, mais au moins il ne finissait plus ivre mort dans le bar du coin ou au fond de son vieux canapé sentant le renfermé.

Il termina une ligne, le rouleau grinça une ultime fois en revenant à la ligne. Andrew tira sur son bout de clope, expira un long nuage de fumée et se frotta le menton mal rasé. Il fronça ses sourcils broussailleux soulignant son regard brun qui se baladait sur les mots, pour une rapide relecture de ce qu’il avait écrit. Difficile de savoir chez lui s’il était satisfait, mais au moins il n’avait pas frénétiquement arraché la page pour la froisser en boule impitoyablement pour la jeter parmi ses consœurs sur le sol. Il soupira et enfonça son dos dans le dossier de son vieux fauteuil, sauf qu’il ne put se « poser » longtemps ainsi, car on toqua doucement à sa porte mais avec insistance.
Andrew tourna son visage vers l’entrée, se redressa et s’avança vers la porte. Sans plus autre forme de prudence ou de procès, il l’ouvrit, en même temps vu sa carrure et son caractère assez abrupt, il était rare qu’on lui cherche des poux.
La lumière orangée de son salon, vint éclairer un visage juvénile où était accroché directement un sourire brillant et doux.

« Bonsoir, monsieur Cornwell. Puis-je entrer ? »

Il reconnaissait ce gamin, c’était Sunny, le jeune auror qui s’était chargé de retrouver les meurtriers de son petit frère y a des années de ça.
Andrew fixa le jeunot sans sourire, ne montrant pas plus de douceur dans ses manières.

- Tiens donc le petit Sherlock… Il s’écarta un peu et lui fit signe d’entrer d’un geste vague de la main. Une fois le gamin passé la porte, il referma et le suivit au salon.
petite visite de courtoisie ou alors tu as des choses à m’annoncer d’important. Vu l’heure je pense que c’est pour la deuxième option. Il désigna le canapé un peu plus dégagé que la dernière fois.
café ou thé ? proposa-t-il de sa voix neutre et un peu brute, mais au moins il tentait de mieux recevoir, c’était une petite amélioration de sa part.

I'm only a crack in your castle of glass

Pas besoin d'être un génie pour comprendre que ma présence n'éveille pas chez mon interlocuteur une profonde bonne humeur, mais je m'y suis habitué avec le temps. En tant qu'auror et fouineur professionnel, il est rare que les gens sautent de joie en me trouvant derrière leur porte. Surtout à cette heure-ci. Mais avec Andrew Cornwell, c'est encore différent, lui il est comme ça avec tout le monde. C'est probablement cela qui rend son aspect grincheux moins désagréable à mes yeux. Il n'a rien contre moi. Il est juste fâché avec le monde entier, et je respecte ça, même si je trouve que c'est dommage. En revanche, je suis agréablement surpris par l'accueil que me fait l'écrivain. Presque aucune insulte n'est évoquée et il me laisse entrer sans que je sois obligé de marchander. Il y a des progrès, c'est indéniable. J'entre dans le logement sans inquiétude et sans cérémonies, sachant à quoi m'attendre. L'endroit est toujours bordélique, mais je dois admettre qu'il y a du mieux. Je peux presque distinguer le divan sous l'amas de papiers froissés. La dernière fois, je n'étais même pas certain qu'il y ai eu à proprement parler un canapé dans cette pièce. C'est un pas en avant, en quelque sorte.

« Vous pensez correctement, Andrew. Je ne serais pas venu vous déranger si je n'avais pas une bonne raison de le faire, naturellement. » Dis-je en hochant la tête.

J'écarte quelques papiers pour pouvoir m’asseoir et extirpe un dossier de ma mallette. Ce n'est pas n'importe lequel. Il s'agit du meurtre du frère de mon client. Le drame était arrivé il y a si longtemps que nous n'étions pas sûrs de pouvoir obtenir justice, mais j'ai travaillé d'arrache-pied, fouiné comme jamais auparavant, et je suis heureux à présent de pouvoir me rendre ici, afin d'annoncer la bonne nouvelle. Mon sourire lumineux réapparaît, car je suis heureux de constater que l'écrivain ne propose plus du whisky pur feu, mais des boissons chaudes. Et de plus, presque de façon aimable.

« Un thé me ferait très plaisir. Merci. » Je réponds.

“ A crack in your castle of glass”

Tiens donc sur le pas de sa porte, le blondinet du pub et de l’autre fois. C’était son truc à lui de venir comme ça, sans invitation et sans prévenir. Mais bon ce n’est pas comme si l’écrivain était ultra sociable et donc qu’il recevait régulièrement des amis. Des amis et de la famille, il en avait quasiment plus. Il vivait relativement coupé du monde, comme un marginal. Le contact social se limitait à son éditeur et quelques commerçants qui le connaissaient.
La mort de son frère, avait bousillé totalement sa vie, ses relations. Il avait viré tout le monde de sa vie, se renfermant sur lui-même et ne laissant que sa plume exprimer tout ce qu’il avait à l’intérieur de lui.
Mais bon pour le moment il avait mini-sherlock sur son palier et il semblait impatient de lui parler. Andrew le laissa entrer, presque de meilleure grâce que la première fois.

« Vous pensez correctement, Andrew. Je ne serais pas venu vous déranger si je n'avais pas une bonne raison de le faire, naturellement. »

Ha donc c’était bien pour des nouvelles importantes, lesquelles . Il l’ignorait encore mais il était bien là pour lui en faire l’étalage. Pour l’instant l’écrivain un peu bourru mais moins saoul et désagréable que la dernière fois, proposa à son invité improvisé une boisson chaude.
Il laissa le jeune blond prendre ses aises, et surtout prendre place sur le canapé mieux nettoyé depuis quelques semaines.

« Un thé me ferait très plaisir. Merci. »

Ses yeux sombres sondèrent ce visage souriant d’une oreille à l’autre, sourire qu’il ne lui rendit pas. On ne changeait pas un ours mal léché depuis quinze ans en quelques jours et après deux brillants sourire juvéniles. Mais il le recevait un peu mieux que la dernière fois en tout cas.
À sa réponse, il hocha la tête et se déplaça vers la petite cuisine de l’autre côté du salon. Il n’usait plus de sa baguette depuis des années, comme si la mort de son frère, l’avait quasi dégoûté de pratiquer la magie. Il ignorait même où elle se trouvait, quelque part dans cet appartement. Certainement dans un des tiroirs ou dans un carton surchargé de bric-à-brac qui s’entassaient dans l’un des placards. C’est donc de façon moldu qu’il s’occupa de remplir la bouilloire en fer cabossé et qu’il posa sur le feu allumé avec une simple allumette. Il la laissa chauffer doucement, cherchant chope et théière, puis la boîte à thé.

Il revint avec deux muges dépareillés et l'un ou l'autre un peu ébréché sur le bord. Il posa les deux objets sur une pile de livres trônant sur la petite table basse. La bouilloire se mit rapidement à siffler, il retourna en cuisine la chercher, verser l’eau bouillante dans la théière où il avait ajouté la boule de thé dedans.
- Tu prends comment ton thé sherlock ? avec du sucre ? du lait ? S’enquit-il de sa cuisine terminant le petit plateau pour transporter la bouilloire ce qu’il fallait en plus selon les goûts de son invité.
Il revint ensuite dans le salon, déposa avec le reste sur les bouquins servant de repose plate et verres.
Et commença à verser le thé qui avait bien infusé, prenant une belle teinte ambrée dans les chopes.

Alors ? Il présenta le muge très chaud à Sunny rempli de la boisson selon ses goûts. Puis quand il le récupéra, saisit le sien et se laissa tomber assez lourdement dans le vieux fauteuil élimé en face.

je t’écoute petit, tu as toute mon attention, comme tu peux le voir je suis sobre en ce moment, je carbure au café et au thé.