L

una n'avait jamais été sujette au stress, loin s'en faut. Elle faisait toujours preuve d'un calme presque surnaturel face à toutes les épreuves qui se présentaient à elle, au point que l'on pouvait se demander si elle prenait vraiment conscience des faits. En vérité oui, on pouvait lui attribué des défauts qu'elle n'avait pas, comme une candeur extrême, tant elle semblait bien souvent déconnectée de la réalité, mais la jeune femme était loin d'être bête, elle percevait la même chose que les autres, elle faisait seulement le choix de les percevoir différemment. Et par conséquent, elle n'ignorait pas quel danger la guettait dans les temps à venir, elle n'ignorait pas ce qu'elle et les autres voyageurs devraient affronter, à présent que la situation avait dépassé un nouveau seuil de dangerosité, et elle savait tout aussi bien ce qu'allait être son rôle l'année suivante, et combien le moindre faux-pas pouvait être décisif pour tous (et elle en avait déjà fait plus d'un, déjà, force lui était de le reconnaître)... Alors il y aurait de quoi être stressé... Mais elle ne le ressentait pas... Du moins, elle ne le ressentait pas de la même manière que tous les autres, puisqu'elle avait la manie de ne rien appréhender comme tout le monde. Mais elle devait tout de même les ressentir, même inconsciemment, cette angoisse, cette pression, car elle y réagissait à sa manière à elle. Et d'une façon ce qu'il y a de plus singulière, c'est le moins que l'on puisse dire. Depuis deux jours, elle éternuait à peu près toutes les deux minutes, son nez était pris, un vrai nid de nargoles, sa gorge grattait comme si on y avait planté un champ d'orties, et ses yeux globuleux larmoyaient, piqués à vif par ce qui n'était ni plus ni moins qu'un rhume. Oui, Luna avait tout simplement attrapé la crève. En plein mois de juillet. Rien de grave, donc, même si un coup de froid tel que celui-ci devait se reconnaître, sans doute, une origine un rien somatique. Peu importe, le rhume, ça avait l'avantage de guérir facilement, encore fallait-il avoir à sa disposition le remède adéquat. et c'est donc dans l'optique d'en acquérir que Luna avait négligé ses pantoufles (roses) et le plaid qu'elle ne lâchait pas depuis plusieurs jours, d'une inutilité flagrante vis à vis de ses camarades d'infortunes, pour reprendre du poil du ronflak. Alors qu'elle recherchait la potion spécifique que lui récupérait toujours son père dans des moments comme celui-là, espérant que les quelques mornilles qu'elle traînait dans sa besaces suffiraient à ses achats, elle reconnut une voix familière. Elle se retourna et un sourire s'afficha sur son visage en reconnaissant Athena, une élève de Poufsouffle. La bleue et bronze ne la connaissait pas tant que cela, mais elle l'appréciait. C'était le genre de personnes qu'il ne fallait pas connaître depuis bien longtemps pour savoir qu'elle était quelqu'un de bien, ça se lisait sur son visage.

-Bonjour Athena. répondit-elle, sa voix naturellement cristalline rendue quelque peu rauque par sa légère maladie. J'ai comme des fourmis dans la tête. répondit-elle tranquillement, ce qui était sa manière à elle de dire qu'elle avait mal au crâne, et qu'elle n'était donc pas au meilleur de sa forme, même si le trouble n'était jamais que physique. Mais je vais bien. Et toi ? Tu passes de bonnes vacances ?

Elles venaient à peine de commencer, mais cela n'avait pas besoin de les empêcher d'être bonnes, non ? Et Luna posait cette question avec grande sincérité. La jeune femme se disait que rien ne pouvait plus être curatif qu'une conversation simple, au final, et éloignée de considérations lourdes et devenues trop habituelles.

code by Mandy

U

n sourire rayonnant étira les lèvres de Luna quand son interlocutrice lui dit espérer que son état de santé allait vite s'améliorer. Un sourire d'une réelle reconnaissance, parce que, tout simplement, quand quelqu'un semblait se soucier si sincèrement d'elle, elle ne pouvait que l'en remercier. Cela n'arrivait pas si souvent que cela. Il y avait peut-être une part de politesse dans son propos, mais même de politesse, Athéna n'avait pas besoin de faire preuve. Elle était tout simplement généreuse, gentille et sociable, et force était de constater que les personnes comme elle ne couraient pas les rues, si bien que des réflexions comme celles-ci devaient être entendues à leur juste valeur et appréciées. C'est l'avantage, quand on a l'habitude des quolibets et d'être raillé, on sait apprécier la considération que l'on nous porte, on ne la considère pas comme innée ou acquise. Et quand cette considération, comme à cet instant, était désintéressée, il fallait plus encore en apprécier la valeur.

Luna était ravie d'apprendre que, pour sa part, Athéna allait bien, même si, apparemment, elle considérait déjà ses vacances trop longues. Sans doute parce que ses amis commençaient déjà à lui manquer. Luna n'avait pas ce genre de problèmes. Les vacances, au contraire, lui permettraient d'apprécier davantage la présence des autres voyageurs temporels, alors que leurs différences de classe et de maison l'année précédente n'avaient pas vraiment aidé l'année passé... Et surtout, elle savait qu'il fallait qu'elle apprécie ces vacances avec d'autant plus de valeur que, l'année suivante, étant donné la décision qu'elle avait prise, allait être plus compliquée et solitaire encore. Elle appréhendait, évidemment, même si c'était à sa manière. Et qu'elle s'exprimait donc majoritairement par l'intermédiaire d'un rhume complètement carabiné. Elle ne perdit pas son sourire quand, pour sa part, Athéna lui souhaita de passer de meilleures vacances par la suite.

-Oh mais ce n'est pas grand chose. Quand le coeur a la santé, le corps est un malade imaginaire. répondit-elle avec sa douceur habituelle. Et son coeur se portait bien, pour l'instant du moins. Malgré l'appréhension et les conflits, malgré les doutes et les craintes. Parce qu'elle n'était pas seule, malgré ces nouvelles vacances à affronter loin de son père. Avant d'ajouter, tout en s'emparant de quelques ingrédients. Mon père a une recette très efficace. Elle libère les narines et chasse les joncheruines.

Ceux qui, elle en étaient de plus en plus sûre, s'agitaient dans son cerveau. Les fourmillements au creux de son cerveaux ressembleraient fortement au tapotement de leurs pattes contre sa boîte crânienne. Ce serait logique, en tous cas. Cela justifierait que ses pensées soient particulièrement embrumées. Oui, c'était ça ou les événements récents. Et les événements récents avaient de quoi tisser un nid particulièrement propice pour eux. Dans tous les cas, cette bonne vieille recette de famille devrait rapidement la remettre d'aplomb, même si elle ferait certainement moins bien que son père.

-Qu'est-ce que tu es venue acheter, toi ? demanda-t-elle avec une très grande curiosité. Elle ne s'attendait pas à croiser l'une de ses camarades à cet endroit, pas si tôt durant les vacances. Ce n'était pas le moment encore d'acheter ses fournitures scolaires.

code by Mandy

L

una se disait que, à quelques fantaisies près (qu'elle ne considérait bien sûr pas comme des fantaisies pour sa part), leurs philosophies de vie, à elle et à Athena, n'étaient pas si différentes. Ce devait être pour cela que, malgré toutes les singularités qu'on lui reprochait très régulièrement, elle venait vers elle sans porter immédiatement sur elle un jugement désagréable, et lui parler avec douceur et gentillesse. Luna était quasiment certaine que son interlocutrice n'approuvait pas son propos uniquement pour lui faire plaisir. Bien sûr, il pouvait s'agir d'une malice quelconque. Ce ne serait pas la première fois qu'on tenterait de la manipuler (ni la première fois que l'on y parviendrait, d'ailleurs), mais elle était incapable de discerner la moindre mauvaise intention dans l'attitude de la jaune et noir. Au contraire, c'était plutôt l'inverse, et pour la voyageuse temporelle, il était vraiment plaisant que de pouvoir mener une conversation légère, loin des heurts du quotidien, qui devaient bouleverser presque toutes ses conversations avec ses plus grands amis, qui étaient également ses camarades d'infortune. On pouvait vaincre beaucoup de choses, tant que notre coeur battait la chamade. Une chance que le coeur de Luna n'ait jamais été inactif, parce que pour ce qui était d'affronter des épreuves dans la vie, elle savait déjà pertinemment qu'elle allait être servie. Et un rhume, en comparaison, ce n'était effectivement rien. Une simple broutille. Ça, ça s'arrangerait très vite, en effet, à grands renforts de remèdes familiaux, il n'y avait malheureusement aucune potion, par contre, qui pouvait guérir en un clin d'oeil les maux causés par un ennemi de plus en plus puissants, et que ces prochains mois se mettraient à confondre.

-Les plus beaux voyages, les plus belles rencontres, on les trouve entre deux pages, parfois.

C'était sans doute un discours qui pouvait sembler misanthrope et nihiliste, ce n'était pas de cette manière que Luna l'entendait, mais elle affectionnait la lecture. Elle accordait un pouvoir véritable et une vertu sincère à ce don adressé à l'humanité seule qui était celui de l'imagination. Luna serait la dernière à blâmer Athéna de lire beaucoup et de sortir trop peu. Et puis, les rencontres romanesques, au fil des pages, étaient parfois moins épiques, et moins douloureuses aussi, que ne savaient être celles de la vie réelle. Même si certaines rencontres valaient le coup de mettre le nez dehors. Comme sa rencontre avec Athéna, bien sûr.

-Qu'est-ce que tu lis, en ce moment ? demanda-t-elle avec une curiosité des plus sincères.

Peut-être qu'Athéna ne voulait pas que la conversation se prolonge. Peut-être préfèrerait-elle que la discussion soit écourtée pour faire ses achats, et retourner à ses livres, justement, mais Luna était contente, elle, d'être en présence amie, et de pouvoir oublier un temps les tracas qui la rongeaient au-delà de ce qui est acceptable, tolérable. Alors elle aimait l'idée de parler simplement, même de sujets légers, surtout de sujets légers. Comme les livres qu'elle pouvait bien dévorer. Un goût que Luna était très bien placée pour comprendre et partager.

code by Mandy

L

una et Athena se comprenaient mieux encore que ce qu'elles auraient pu soupçonner l'une comme l'autre. Elles n'avaient pas forcément les mêmes réactions au quotidien (en même temps, il fallait se lever de bonne heure pour avoir les mêmes réactions que Luna, et ce n'était pas forcément une situation enviable, loin s'en faut, à la vérité), mais elles avaient des appréhensions du monde plutôt semblables. Quand la jaune et noir affirmait qu'on en apprenait souvent bien plus sur soi-même par le biais des autres, la voyageuse temporelle ne pouvait absolument pas désapprouver, elle ne pouvait que penser la même chose, et elle considérait que toute instruction apportée par le contact aux autres étaient bonnes à prendre, même si l'on en tirait pas toujours les leçons les plus agréables, Luna, en sa qualité de paria, en savait quelque chose. Mais mieux valait, après tout, être constamment rabrouée que de ne pas exister du tout au regard de qui que ce soit, et même les leçons les plus amères avaient une valeur pour le moins précieuse. Comme leurs modes de pensées parvenaient à se recouper, leurs façons d'être également. C'était la première fois que la bleue et bronze entendait quelqu'un lui parler de plusieurs lectures simultanées, mais Luna était bien placée pour entendre et appréhender les choses de la même manière, puisqu'elle aussi préférait généralement se concentrer sur plusieurs sujets à la fois que de ne se focaliser que sur un seul. L'exercice était plus passionnant ainsi. C'était comme avoir face à soi les portes de plusieurs univers et de décider de n'en ouvrir qu'une, attendre d'avoir tout scrupuleusement visité avant de passer à la suivante. Voilà qui ne convenait pas du tout à Luna. Elle préférait largement, vraiment, ouvrir toutes les portes en même temps, et explorer au gré de ses envies. Il n'était d'ailleurs pas rare qu'elle commence un livre en son milieu, ou même entame sa lecture par la fin, et cela n'entachait pas le moins du monde son plaisir, au demeurant. Les sujets de lecture que lui présentait Athéna était très variés. Visiblement, elle avait des goûts très éclectiques. Le livre sur les sortilèges informulés devait être passionnant, Luna savait que, étant donné les circonstances, elle allait sans doute devoir se concentrer sur ce genre d'ouvrages, plus que sur les récits romanesques d'Austen (auteure que Luna, sorcière pure souche qu'elle était, bien qu'attentive et respectueuse de la culture moldue, ne connaissait pas) ou... les sombrals. Sujet qui, évidemment, accapara toute l'attention de la jeune femme, dont on put voir les grands yeux bleus ciel s'agrandir.

-Tu aimes les sombrals ?

On peut être curieux de tout mais avoir une passion plus spécifique. Celle de Luna, sans nul doute, concernait les créatures magiques. Les créatures inexistantes, diraient les mauvaises langues, songeant à son intérêt tout particulier pour les nargoles, les joncheruines et les ronflaks cornus, mais le fait est que toutes les créatures l'intéressaient, la moindre d'entre elles. Si son attention se focalisaient sur celles que l'on considérait comme des chimères (sauf que les chimères existaient bel et bien), c'était seulement parce que leur rareté leur conférait une aura fascinante. Parmi les créatures à l'existence avérée, néanmoins, les sombrals étaient ses favorites, plus encore depuis son entrée à Poudlard, quand elle les avait découvert pour la première fois. Et son vol à dos de sombral jusqu'au ministère, avant leur voyage, juste avant leur voyage, ne pouvait qu'avoir renforcé son intérêt pour ces créatures en particulier.

code by Mandy

O

n lit parfois des livres par simple curiosité, sans savoir si le sujet va véritablement nous intéresser, surtout quand, comme dans le cas d'Athéna, on est capable de s'intéresser à autant d'ouvrages à la fois. Luna n'aurait pas été vraiment étonnée si son interlocutrice lui avait appris n'avoir jeté qu'un oeil à l'ouvrage et ne s'être pas davantage intéressée au sujet. Les sombrals étaient, après tout, des créatures mésestimées. Et c'était normal. On a toujours peur de ce qu'on ne comprend pas, ou du moins l'on s'en méfie. Au panthéon de ce qui échappe à la compréhension humaine, il y a la mort, et le fait que  ces créatures ne puissent être vues que lorsqu'on avait assisté au décès de quelqu'un n'était pas anodin, on ne pouvait qu'associer les deux, d'autant que ces pégases d'ombre n'avaient pas non plus un aspect très engageant. Ces pauvres bêtes n'y étaient pour rien, en effet, mais Luna, comme bien souvent, comprenait le consensus sans y adhérer, et était satisfaite d'entendre que son interlocutrice n'y adhérait pas davantage. La bleue et bronze ne pouvait qu'approuver entièrement le propos de son interlocutrice. Elles étaient décidément sur la même longueur d'onde. C'était agréable, pour une fois, d'avoir un vraie dialogue, et de sentir une compréhension totale de la part de son interlocutrice, sans qu'il ne s'agisse de sidération dissimulée.

-Je suis d'accord avec toi. reconnut-elle dans un brillant sourire, penchant légèrement la tête de côté. C'est difficile d'admettre l'inadmissible, et encore moins quand on nous en donne la preuve. dit-elle comme si de rien n'était. Beaucoup ont besoin de voir pour croire. Et Luna en savait quelque chose, même si elle n'appartenait clairement pas à cette catégorie d'individus. Elle n'avait jamais eu besoin de voir de joncheruines pour croire en leurs existences. Et ceux qui voient... sont obligés de croire à ce qu'ils n'ont pas envie de croire.

Elle haussa doucement les épaules. Une fois de plus, elle n'appartenait pas à cette catégorie de personnes, mais elle savait que c'était fréquent, et elle comprenait cela très bien. Parfaitement bien, même. C'était difficile d'avoir face à soi une créature vivante certes, mais preuve flagrante d'un épisode douloureux. Luna regarda la jaune et noir avec curiosité. D'autant plus de curiosité qu'elle pensait avoir deviné, décelé quelque chose, mais elle se trompait peut-être.

-Tu peux les voir, toi ?

Cela justifierait d'autant plus sa fascination pour ces créatures en particulier. Bon nombre de sorciers ignoraient l'existence des sombrals. Il faut dire que ces créatures, même si Poudlard en possédait plusieurs, n'étaient pas si courantes. La grande majorité des élèves de l'école de magie pensait tout simplement que les diligences avançaient toutes seules, sans monture, rien d'autre, Luna aurait sans doute pensé la même chose si elle n'avait pas été frappée par le drame si jeune, et surtout éduquée par un homme tel que Xenophilius Lovegood. Si Athéna savait, et s'intéressait qui plus est, il était fort probable qu'elle soit capable de les voir, elle aussi. Ce qui signifierait donc, dans ce cas, qu'elle avait perdu quelqu'un, elle aussi, ce qui donnerait dès lors à leur conversation une teneur et une valeur complètement différente.

code by Mandy

L

una avait bien conscience d'aborder un sujet très délicat en discutant pas tant des sombrals que de ce qu'ils représentaient, et donc de la perte de quelqu'un qui nous est cher. La bleue et bronze avait bien deviné les choses, son interlocutrice avait perdu quelqu'un, elle ne s'était pas contentée de le perdre, elle avait assisté à sa mort. Une expérience extrêmement difficile à vivre et à gérer. La jeune femme en savait quelque chose. La mort de sa mère restait l'événement le plus douloureux dont elle ait jamais été témoin. Aux quelques personnes avec lesquelles elle abordait le sujet, elle parlait toujours avec la plus grande des légèretés, comme si ce n'était rien du tout, comme s'il n'y avait pas le moindre problème à tout cela. La vérité, c'est que cela avait été vraiment très très difficile pour elle, elle avait cristallisé sa douleur et les épreuves traversées d'une façon que le commun des mortels n'employait généralement pas. La méthode avait fonctionné, c'est vrai, mais la douleur d'avoir perdu sa mère, et la beauté de son souvenir seraient toujours des sentiments bien présents, et évidemment indissociables. Athéna avait apparemment vécu une expérience similaire. Bon, elle avait le "mérite" d'avoir vécu cela très jeune, elle ne devait pas bien s'en souvenir. Même si ces expériences traumatisantes laissaient en vous une empreinte complètement indélébile. Son oncle avait décliné sous ses yeux. Bon, si elle s'était au moins épargnée une mort violente et terrible, c'était déjà ça... Même s'il était difficile d'accepter un départ, prématuré ou non.

-Oui. fit Luna, très calme, quand son interlocutrice lui demanda si elle pouvait les Sombrals. Ma... elle voulut bien sûr parler de sa mère, dont elle ne faisait jamais un sujet tabou. Elle ne voyait pas l'intérêt de considérer cette-dernière comme telle puisqu'elle avait été si importante, si indispensable à sa vie. Il était hors de question qu'elle dénigre son importance sous le prétexte de remuer de vieux souvenirs, qui pour certains étaient atroces, cela n'aurait pas été rendre justice à la femme qui l'avait mise au monde, et elle s'y refusait. Mais elle ne pouvait pas parler de sa mère pour autant. Tout simplement parce qu'elle avait prétendu auprès de tous que sa mère était encore bel et bien vivante. Celle de Luna ne l'était plus depuis longtemps, non (quoi qu'elle n'était techniquement pas née), mais celle de Aulne respirait encore, dans son imaginaire du moins. ...tante aimait les expériences. Mais un jour, ça a mal tourné. dit-elle sans perdre pour autant son sourire et son ton léger.

Les choses étaient ce qu'elles étaient, pas facile, pas surmontable (comme si le deuil avait nécessité d'être surmonté), juste acceptable. Et puis, cette histoire remontait à il y a de nombreuses années, maintenant. Non pas qu'il y ait de dates de prescriptions pour cela, mais il y en avait sans doute pour ce qui était d'attirer la compassion d'autrui, et elle ne voulait en provoquer aucune chez son interlocutrice, juste lui parler de ce qui était, même si, au nom de son secret, elle était bien obligée de modifier ne serait-ce qu'un peu la vérité. Mais ce n'était pas cette vérité-là qui importait dans la situation présente.

code by Mandy

L

una adressa à son interlocutrice un léger sourire accompagné d’un simple haussement d’épaules quand cette-dernière lui dit être désolée pour sa tante (et donc pour sa mère), cette simple attitude pouvait être comprise, en somme, comme un « ce n’est rien » silencieux. Non pas que la mort d’un être cher puisse n’être rien du tout. Sur elle comme sur son père, cette épreuve avait sans nul doute engendré d’insurmontables séquelles, mais elle choisissait de tirer le meilleur parti possible de cet épisode douloureux. Se tourner sans cesse vers le passé n’était d’aucune utilité et ne ramenait pas à vous les êtres qui vous étaient chers. Luna préférait de très loin souhaiter le meilleur à sa mère, d’où qu’elle se trouve à présent. Elle avait beaucoup appris à son contact, elle apprenait beaucoup dans son absence. Non pas la résignation mais le respect et l’inspiration. Sa mère était une femme exceptionnelle, Luna n’en avait plus grand souvenir, mais elle se fiait sans mal à l’opinion de son père, et elle voulait bien s’en faire un modèle, un guide du quotidien, sans pour autant s’appesantir sans cesse sur son sort, ce n’était pas comme si cela était susceptible de la faire revenir, après tout. Pour ce qui était de cette ultime expérience et des fruits qu’elle avait pu porter, le fait est qu’elle était demeurée sans résultats. La bleue et bronze ne savait même pas exactement ce que sa mère avait bien pu chercher à accomplir quand cette expérience ratée avait mis fin à ses jours dans de violentes conditions. Elle s’était faite à l’idée de ne jamais savoir… N’avait jamais, à la vérité, eu l’envie de savoir. Ce n’était pas faute d’être curieuse, pourtant. Mais cette information en particulier n’avait pas dû lui paraître importante. Ne lui était toujours pas importante à ce jour, d’ailleurs. D’aucuns pourraient penser que, de fait, Mrs Lovegood était morte en vain, c’était une chose à laquelle la blondinette ne songeait guère. Chacun connaissait une heure qui lui était propre, il fallait vivre fort de ce constat, et ne pas en avoir peur. L’heure de sa mère était venue ce jour là, voilà tout.

-Le plus important n’est pas la destination, c’est le chemin. Répliqua-t-elle à cela avec son habituelle douceur et cette philosophie qui lui était proche.

Et en effet, une fois à destination, n’avait-on pas toujours envie d’un autre voyage, d’une destination plus belle que la précédente ? Si, bien sûr. La nature humaine était ainsi faite. Éternelle insatisfaite. Athéna proposa ensuite qu’elles aillent trouver le vendeur ensemble, à moins qu’elle ait besoin d’autres ingrédients. Non, elle avait tout ce qu’il lui fallait. Les fioles de potion qu’elle tenait à la main sauraient parfaitement faire l’affaire. Elle esquissa un fin sourire et hocha la tête. Vraiment, la jaune et noir n’était pas comme les autres. Avec elle, du moins. La plupart des gens préférait écourter les instants passés en sa compagnie plutôt que de les prolonger. Elle, elle n’était pas contre passer plus de temps avec Athéna, elle lui était vraiment sympathique.

-J’ai tout ce qu’il me faut. Approuva-t-elle en désignant ses fioles avant de se diriger d’un pas décidé vers la caisse.

code by Mandy

L

una attendit patiemment qu'Athéna ait réglé ses propres articles, à sa manière bien à elle, c'est à dire le plus distraitement du monde, le nez en l'air, regardant autour d'elle, balayant des yeux les rayonnages et les quelques clients comme si elle savait en distinguer une facette invisible au reste du monde, la voix d'Athéna fut d'abord comme un écho lointain avant que la bleue et bronze ne s'extirpe pour de bon de sa rêverie et ne garde ses grands yeux globuleux fixés sur la jaune et noir. Son sourire s'agrandit, d'une oreille à l'autre, quand Athéna lui affirma avoir été heureuse de parler avec elle. C'était parfaitement réciproque, à vrai dire. Toutes deux ne se connaissaient finalement que peu, mais il ne leur fallait pas beaucoup de temps de conversation pour s'entendre et se comprendre (et étant donné quelles difficultés cela pouvait représenter que de comprendre Luna Lovegood, cela tenait finalement d'une certaine forme de miracle). Rares étaient ceux qui se satisfaisaient d'une conversation avec elle, plus rares encore étaient ceux qui le lui affirmaient et souhaitaient réitérer l'expérience, alors, forcément, rien ne pouvait faire plus plaisir à Luna que de l'entendre.

-C'est gentil. Elle allait ajouter qu'elle appartenait au sous-nombre de personnes qui lui adressaient la parole et qui appréciait cela, mais au moment de rouvrir la bouche, elle fut perturbé par le raclement de gorge du vendeur qui attendait qu'elle dépose ses articles sur le comptoir. Elle s'exécuta donc, d'un geste pour le moins distrait. Bien sûr, je serais contente de te revoir, affirma-t-elle très sincèrement avant que le vendeur ne lui annonce le montant de ses emplettes.

La demoiselle fouilla le (maigre) contenu de son porte-monnaie quand Athéna, pour sa part, écrivait son adresse sur un morceau de papier. Elle déposa les quelques noises dues au vendeur, qu'elle gratifia d'un grand sourire, avant de s'emparer de la note miraculeuse. Une nouvelle preuve qu'Athéna était parfaitement de bonne foi et appréciait - par allez savoir quel miracle - sa compagnie. De quoi mettre du baume au coeur de la jeune femme, qui relut plusieurs fois ces annotations, toujours le même sourire aux lèvres, avant de le plier jusqu'à ce que le bout de papier devienne minuscule et de le ranger dans le porte-monnaie délesté à présent de plusieurs pièces. La fortune de Luna n'était pas bien grande et s'amenuisait de jour en jour (c'était déjà miraculeux qu'elle en ait possédé une quelconque à son arrivée dans cette époque), mais pour elle, ce genre de présent était bien plus précieux que n'importe quel gallion.

-Merci beaucoup ! Je t'écrirai.

Et si elle paraissait sincère et enthousiaste, c'était tout simplement qu'elle l'était en effet. Sincèrement enthousiaste de ce qui ressemblait aux prémisses d'une amitié parfaitement honnête. Certes, il ne faut jamais se fier aux apparences, ça, elle n'était pas sans le savoir. Mais là, les apparences semblaient tout simplement belles. Cela changeait agréablement de d'habitude, où tout était sans cesse sombre et difficile, à faire douter même les plus optimistes. Et Luna en savait quelque chose. Elle avait douté.

code by Mandy