C

es passages réguliers par la case ministère commençaient vraiment à l'agacer, car à chaque fois, cela semblait vain. Il n'y avait pas une once de progrès dans les recherches de Hoover, l'homme chargé de trouver la solution miracle afin de rentrer chez eux (étant donné qu'il était secondé par Caleb Lestrange, qu'Hermione observait comme un mangemort avéré, ce n'était pas surprenant outre mesure, au final), et la rouge et or finissait par véritablement perdre autant espoir que patience. Elle ne savait même pas pourquoi elle s’infligeait régulièrement ces visites, alors que rien ne l’y obligeait concrètement. Parce qu’elle cultivait l’espoir qu’il y ait, à un moment ou à un autre, un progrès quel qu’il soit. Bien sûr, comme on n’avait de cesse de le lui répéter, s’il y avait une avancée, même minime, elle serait prévenue, et qu’elle pouvait bien écrire… sauf qu’on ne lui répondait jamais quand elle écrivait. Elle avait besoin d’avoir un contrôle sur ce qui se passait. Le fait est qu’elle n’en avait pas le moindre, alors elle s’en inventait un, faute de mieux. Le résultat restait le même. Le ministère n’arrivait rien, et ils étaient résolument coincés dans cette époque. Quelque part, ce n’était peut-être pas le moment pour eux de rentrer de toute manière, ils étaient allés loin, très loin, et leur intention première de rester en retrait pour ne pas modifier le futur n’avait pas tardé à se métamorphoser en actes beaucoup plus impliqués que prévus… Il n’y avait pas qu’eux en jeu, il y avait l’ensemble de la résistance, également, et tous ceux qu’ils avaient mis en danger collatéralement, comme les grands-parents de Harry, par exemple, qui n’étaient pas en âge de se défendre contre la menace qui plânait sur eux… Partir maintenant, c’était laisser un immense foutoir derrière eux… Ceci dit, au-delà de toutes ses considérations, un rien d’espoir quant à l’avenir qui devrait être leur présent n’aurait pas été de refus. Ne serait-ce que pour la suite, alors que l’incertitude se trouvait une place de choix dans son esprit. Tant pis. Manifestement, ce ne serait pas pour cette fois.

Elle quitta donc le ministère de la magie, agacée et renfrognée. Elle venait de remettre un pied dans ces rues londoniennes, qui n’avaient pas conscience de ce qui se déroulait en-deçà d’elles, finalement, et ne prit pas vraiment garde à où elle mettait les pieds. Elle avait été décidée, de toute manière, à courir un peu les rues de Londres, marcher pour penser et se défouler un peu, avant de retrouver Poudlard, qu’elle avait déserté sans vergogne (et sans autorisation, cela va de soi). La nuit commençait à doucement tomber sur Londres, il ne faudrait sans doute pas qu’elle tarde… mais ça lui était égal, au fond. Ne faisant pas attention, elle heurta un passant de plein fouet sans le vouloir. Et sans avoir conscience du fait, bien sûr, qu’ils venaient en fait du même endroit.

-Désolée… dit-elle en levant le regard vers l’inconnu qui risquait fort de ne plus l’être sous peu.

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C

ette rencontre aurait pu être anodine, tout aurait pu s'arrêter là, elle aurait continué son chemin après s'être rapidement excusée, l'homme en face d'elle serait reparti de son côté, et il n'y aurait rien eu de plus à en dire. Mais cette rencontre n'était pas faite pour être anodine. Hermione, qui avait pensé qu'au "Ce n'est rien" de l'homme face à elle allait succéder un "bonne journée" au mieux, ou tout simplement un silence de circonstances tandis que l'un et l'autre reprendraient leur route, fut un peu surprise d'entendre l'homme qu'elle avait accidentellement percuté lui demandait si elle allait bien. Physiquement, elle ne devait pas donner l'air de se porter mal. Le choc, quand ils s'étaient bousculés, avait plus été lié à la surprise qu'à une douleur quelconque, mais il ne parlait peut-être pas de cela. Elle était préoccupée, c'est une certitude, et agacée et frustrée par la même, cela s'observait peut-être sur son visage. Elle avait tendance à réprimer ses pensées sombres pour ne pas infliger sa mauvaise humeur constante et ses tracas à son entourage (qui en patissaient tout de même, malgré tout) mais n'ayant pas, à cet instant, cherché à faire illusion, elle n'avait peut-être pas très bonne mine. Elle leva les yeux pour soutenir le regard de son interlocuteur. Ce regard la mettait un peu mal à l'aise, comme s'il cherchait à l'analyser... Et en fait, ce visage lui disait quelque chose.

-Ça va. avait-elle répliqué plus par réflexe qu'autre chose. Aux inconnus qui lui demandaient comment elle allait, elle répondait toujours de la même manière. Elle n'allait pas, après tout, s'épancher sur ses problèmes avec un type qu'elle venait tout juste de rencontrer, déjà que d'ordinaire, c'était surtout Ron et Harry qui avaient la primeur de ses doutes, de sa frustration et de son exaspération, à moins qu'ils ne soient en réunion entre voyageurs... ou entre membres de la résistance. Elle allait s'en aller... puis finalement... il lui sembla remettre ce visage. Elle affabulait peut-être, mais elle avait le sentiment qu'elle l'avait croisé lors de ses allers et venues au ministère... Ils se croisaient à quelques pas seulement de l'une de ses sorties, ce serait logique, non ? Excusez-moi mais... vous ne travailleriez pas au Ministère, par hasard ?

Elle avait évité d'ajouter un "de la magie" pour un raison plutôt évidente, c'est néanmoins ce qu'elle pensait, ce qui était compliqué, et ce qu'il comprendrait s'il n'était pas un simple moldu. Et dans le cas contraire ? Eh bien au pire, un étranger croisé par hasard qu'elle avait percuté par inattention la trouverait sans doute un peu étrange, et cela s'arrêterait là. Ça n'aurait rien de bien dramatique. S'il était ce qu'elle présumait, en revanche... Puisque tous ses contacts au ministère refusaient obstinément de lui donner la moindre information concernant l'avancement du projet qui la concernait, l'homme n'aurait pas plus de raisons de se montrer bavard si elle cherchait à en savoir plus auprès de lui. Mais après tout, sait-on jamais ? Elle n'aurait peut-être pas fait le déplacement pour rien.

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I

l était sans doute assez imprudent que d'interroger ainsi un inconnu dans les rues londoniennes sous prétexte de le supposer venir du ministère de la magie alors qu'il pouvait bien s'agir d'un moldu comme un autre qui trouverait sa tentative d'approche bien hasardeuse... Il n'était pas dans le caractère d'Hermione d'être imprudente comme cela. Par contre, il était bel et bien dans son caractère d'aller au bout de ses intuitions et de se cantonner à ses objectifs quand elle avait quelque chose en tête. Et là, vraiment, elle n'avait rien d'autre dans la tête, elle était incapable de réfléchir à autre chose. Elle le savait, à force de se concentrer sur ses préoccupations, elle passait pour le moins à côté de sa vie, mais elle s'en fichait, il y avait plus urgent, un point c'est tout. En l'occurrence, avoir fait tout ce chemin jusqu'au ministère pour affronter le silence rebutant des langues de plomb du département des mystères avait été tout sauf pour l'enchanter, et elle devait reconnaître que si quelque chose, n'importe quoi, pouvait d'une manière ou d'une autre lui donner le sentiment de n'avoir pas fait le déplacement pour rien, et surtout de progresser, de ne pas stagner comme elle avait le sentiment de bien trop le faire, et cela depuis beaucoup trop longtemps. Son interlocuteur lui donna finalement la confirmation de ce qu'elle avait présumé : son interlocuteur travaillait bel et bien au ministère. Mieux encore, il était Auror. Cela ne signifiait en rien qu'il pouvait lui apporter les réponses qu'elle recherchait, mais elle devait tenter le coup.

-Je reviens du ministère. J'ai... des questions auxquelles j'attends qu'on me réponde. Et des réponses qu'on me refuse. admit-elle, même si elle savait bien qu'elle n'était pas particulièrement explicite, et que son interlocuteur n'allait sans doute pas comprendre...

En même temps, elle se voyait mal lui expliquer qu'elle était une voyageuse temporelle qui attendait qu'on lui apprenne avoir trouvé un moyen de la ramener dans son époque. Elle savait qu'ils étaient plusieurs à savoir, pour les voyageurs temporels, et, qui sait, son interlocuteur était peut-être dans la confidence, puisque plusieurs Aurors, notamment ceux qui avaient travaillé sur le meurtre de Morgan, avaient été au courant de toute l'affaire, mais elle ne pouvait pas le présumer sans prendre le risque de se tromper lourdement. Ceci dit, il y avait un moyen d'être potentiellement fixée, et de savoir si cet homme, qui avait le mérite de lui accorder de son temps alors qu'elle n'était qu'une rencontre fortuite au beau milieu de la rue, était susceptible de l'aider.

-Je m'appelle Hermione Granger.

Oui, elle avait donné son vrai nom, pas le pseudonyme. Il pouvait sembler étrange qu'elle se présente à ce stade de la conversation, alors même que rien n'indiquait que la conversation doive se prolonger, mais elle pensait que c'était sans doute le meilleur moyen de savoir s'il avait pu au moins entendre parler d'elle. Non pas qu'elle soit présomptueuse au point de croire que son nom puisse marquer n'importe quel esprit, mais une histoire de voyage temporel et d'adolescents venus du futur, par contre... Cela avait davantage de quoi rester en mémoire, alors peut-être son identité lui parlerait-elle ?

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S

eth Beresford... Non, ce nom ne disait rien à Hermione. Certes, elle ne pouvait pas se targuer de connaître l'identité de tous ceux qui travaillaient au Ministère de la magie, encore plus à cette époque-ci, mais elle pensait connaître les noms de tous les membres du ministère qui, de près ou de loin, devaient avoir connaissance de l'affaire des voyageurs temporels. Malheureusement, le jeune homme n'était pas dans cette liste, et à en juger par sa réaction quand elle lui avait donné son nom et son prénom, qui ne lui disaient rien, visiblement, elle se disait qu'il ne devait définitivement pas être au courant. Dommage. La jeune femme avait voulu croire en un semblant d'espoir en croisant par hasard un employé du ministère. Et du bureau des Aurors, en plus ! Il aurait tout à fait pu entendre parler de l'affaire. Tant pis. À présent qu'elle avait engagé la conversation plutôt que de passer son chemin, elle ne pouvait pas vraiment se permettre de tracer sa route de nouveau, comme si de rien n'était, alors tant pis. Après tout, cette rencontre pourrait avoir de l'intérêt pour autant.

D'autant que son interlocuteur lui inspirait un sentiment singulier, ou plutôt, elle avait le sentiment que le regard qu'il lui adressait n'était pas de ceux qu'un oeil inconnu aurait tendance à lui accorder, au point qu'elle se sentait contradictoirement confiante et mal à l'aise en même temps. En tous cas, il y avait quelque chose dans cette rencontre qui la rendait singulière, et elle avait envie de comprendre de quoi il pouvait bien s'agir exactement. Même si ça ne devait avoir aucun rapport avec les raisons qui l'avaient poussée de prime abord à se rendre jusqu'à Londres en premier lieu.

-C'est une affaire un peu délicate. répondit-elle en secouant légèrement la tête, sa manière à elle de lui apprendre qu'elle ne pouvait pas dire grand chose de plus. En lien avec le département des mystères, je n'ai pas vraiment le droit d'en parler.

Elle n'en avait pas du tout le droit, non, d'en parler. Et même si elle en avait eu le droit, elle ne l'aurait sans doute pas fait. Décréter tout simplement qu'elle venait du futur, l'air de rien, à un parfait inconnu, c'était la meilleure manière de passer pour une illuminée, et elle n'en avait pas l'intention. après tout, si elle pouvait sympathiser avec un membre du ministère, ça pourrait lui être bénéfique dans le futur, même s'il n'avait pas vraiment de rapport direct avec l'affaire qui la concernait. Oui, elle était en train de devenir opportuniste. Cette affaire commençait à mettre à mal ses principes les plus vivaces. À force de se battre contre un homme qui n'avait pas de barrière ou de limites et qui ne se restreignait à aucun contrainte morale, forcément, on finissait par vouloir lui rendre la pareille, en utilisant les mêmes armes que lui. Évidemment, Hermione Granger n'était pas tout à coup une manipulatrice dans l'âme, mais saisir les opportunités qui se présentaient à vous, était-ce vraiment un mal.

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L

a conversation, en toute logique, aurait dû s'arrêter là. Ils s'étaient heurtés par hasard, avaient découvert appartenir au même monde, avaient échangé deux mots. Pour sa part, elle avait compris qu'elle n'obtiendrait de lui aucune information, alors il était sûrement temps, pour l'un comme pour l'autre, de tracer leur route. Sauf que, au moment de prendre congé, Beresford proposa de lui offrir un verre. Hermione l'observa un moment, interdite, hésitante. Elle n'était pas née de la dernière pluie, elle savait bien que si un homme lui offrait de boire un verre, ce n'était pas forcément à des fins amicales, et qu'il valait sans doute mieux qu'elle se méfie... Mais d'un autre côté, l'Auror ne lui semblait pas antipathique, elle songeait que s'il devait se montrer, de quelque manière que ce soit, entreprenant, elle n'aurait qu'à s'en aller. Elle était venue jusqu'à Londres pour trouver portes et visages fermés. Puisque quelqu'un se montrait un tant soit peu amène avec elle, autant lui laisser sa chance, non ?

-D'accord. accepta-t-elle donc. Je n'aurais pas fait tout ce chemin pour rien, comme ça. En ajoutant cette précision, elle espérait bien lui faire oublier toute tentative éventuelle.

Rien ne leur empêchait, après tout, d'avoir ni plus ni moins qu'une conversation entre adultes civilisés (bon, du haut de ses dix-sept ans, Hermione n'était pas tant une adulte que cela, mais elle arguerait qu'elle avait toujours été plus mature que son âge, et que des épreuves telles qu'elle en avait surmonté vous invitait bien vite à abandonner le monde de l'enfance). L'homme travaillait au bureau des Aurors, alors quand bien même il ne pouvait concrètement rien pour elle en ce qui concernait l'affaire qui l'avait menée jusqu'ici, à savoir ce voyage temporel duquel elle espérait bien pouvoir revenir un jour, ils pourraient avoir une conversation qui ne manquerait pas d'être digne d'intérêt. Cela faisait certes presque deux ans qu'ils avaient été propulsés dans cette époque maudite, mais le nombre de leurs alliés se comptaient malgré tout sur les doigts d'une main, et il leur en faudrait bien davantage pour réussir à stopper Jedusor, si tel devenait leur objectif, faute d'espérer un retour chez eux en bonne et due forme, où le futur (qui devrait être leur présent) n'était en rien altéré.

Admettre qu'accepter ce verre, c'était être quelque part intéressée, car avoir un contact parmi les Aurors (en plus de Pomona) ne serait pas de luxe, c'était sans doute reconnaître qu'ils se pliaient à des méthodes très basses, tout comme il n'avait pas été très honorable de sa part (et de celle de Harry) de décider de débaucher Andreï Armyanski dans l'espoir qu'il finisse par jouer les agents doubles pour la résistance sans lui apprendre leurs intentions... Mais c'était ainsi, s'ils ne déviaient pas, ne serait-ce qu'un minimum, de ce qui était moralement acceptable, ils ne parviendraient pas à contrer un ennemi qui, pour sa part, n'avait de morale que l'apparence et les propos quand il le voulait bien.

-Je vous suis. approuva-t-elle donc, considérant que, quitte à poursuivre leur conversation, autant le faire assis à une table.

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H

ermione suivit le dénommé Seth Beresford quand ce dernier l'invita à se rendre dans un pub avec elle. Elle n'avait pas vraiment idée d'où tout cela serait susceptible de la mener, à vrai dire, elle se laissait seulement guider par son instinct, et s'il ne savait lui promettre avec certitude que faire plus ample connaissance avec cet Auror lui serait d'une quelconque utilité, elle se disait tout de même que cela se tentait. La route jusqu'à Londres et au ministère de la magie avait été longue et laborieuse, il aurait été difficile de se satisfaire seulement d'un simple aller-retour et de revenir bredouille à Poudlard, sans absolument rien. Elle ne serait sans doute pas plus informée en retournant dans sa salle commune cette nuit, mais au moins s'exempterait-elle peut-être de ce sentiment d'inaccomplissement qui, pour le moment, lui collait à la peau, et était - c'est le moins que l'on puisse dire - extrêmement désagréable à vivre. Qui sait, au détour de leur conversation, elle apprendrait peut-être de Seth Beresford une chose inédite, une chose qui changerait la donne.

Une fois installés dans le pub choisis par les soins de son interlocuteur, Hermione pu constater que l'endroit n'était pas déplaisant, fréquenté sans être bondé, assez calme pour pouvoir discuter posément, bref, le genre d'endroits où elle ne craignait pas grand-chose (oui, c'était tout de même une idée qui ne quittait pas son esprit, l'idée que l'Auror veille peut-être abuser d'une naïveté qu'il discernait en elle et qu'elle ne voulait pas lui donner la satisfaction de trouver en elle), même rien du tout. Ce fut lui qui, en premier, une fois qu'ils furent installés, reprit la parole, lui posant une question pour le moins normal, pour qui faisait connaissance, mais qui surprit de prime abord la rouge et or, tout simplement parce qu'elle venait de réaliser avoir été prise pour plus âgée qu'elle ne l'était, pour une adulte, en somme (qu'elle était déjà, ceci dit, d'une certaine manière).  Rien d'étonnant à cela, à vrai dire. Elle se trouvait bien loin de l'école de sorcellerie, alors qu'elle devrait actuellement être confinée entre ses quatre murs, elle n'était plus qu'à quelques mois d'intégrer la vie active (ou plutôt de quitter l'école, car ce qui se déroulerait ensuite demeurait assez obscur), la méprise était totalement compréhensible.

-Je suis encore étudiante. répondit-elle dans un léger sourire, quoiqu'elle-même un peu frustrée de cette réponse. Car ce n'était pas à cette échelle qu'elle pouvait espérer accomplir quoi que ce soit, les mois qui approchaient risquaient fort de changer la donne, et à bien des titres, plus encore que ce qu'elle pouvait bien imaginer. Je suis en dernière année à Poudlard. Elle marqua une légère pause. Je dois reconnaître que je me verrais assez prétendre à un métier comme le votre à la fin de mes études.

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H

ermione ne savait trop si elle devait se sentir flattée ou inquiétée par l'intérêt que lui accordait son interlocuteur, dont elle ne savait finalement vraiment que peu de choses. Elle ne pouvait pas vraiment lui reprocher cette curiosité, qui n'était peut-être que de la pure et simple politesse, elle aussi était curieuse de savoir à qui elle avait affaire, et conscience que faire plus ample connaissance avec un Auror du ministère pourrait bien lui être favorable, au-delà de ce que leur rencontre pourrait leur apporter, humainement parlant. Elle avait envie d'en apprendre plus, dans tous les cas. Au compliment qu'il lui adressa, affirmant que c'était une excellente chose pour elle que d'être ambitieuse, la rouge et or sourit. Elle était du même avis que lui. Sans ambition, on stagnait, on faisait du sur-place, et c'était loin d'être dans les intentions de la jeune femme, qui avait toujours eu un caractère des plus fonceurs. Elle avait la curiosité de savoir jusqu'où cette conversation pouvait bien les mener, tous les deux. Et donc, elle répondit à sa question le plus honnêtement possible, même si, en soi, elle n'avait pas l'infinie certitude que sa place se trouve bel et bien au bureau des Aurors.

-Je ne supporte pas l'injustice. répondit-elle, ce qui lui semblait être la réponse la plus probante. J'ai vu trop de personnes en souffrir pour fermer les yeux sur elle.

Son ton était déterminé, et c'était en prononçant ces mots qu'elle comprenait combien ils lui tenaient à coeur. Elle n'aurait peut-être pas l'air si sûre de cela s'il n'y avait pas eu ce voyage temporel, en plus de toutes les épreuves qu'ils avaient déjà traversées, avec Harry et Ron. Mais alors qu'elle voyait le mal grandir, il lui était plus que difficile de ne pas songer, comme elle savait que Harry y songeait elle aussi, à l'éradiquer à la source, en faisant fi de toute prudence. Bien évidemment, ces détails, ces précisions, la jeune femme ne pouvait pas les apporter à son interlocuteur. Il n'avait pas besoin de tout savoir, après tout. Et il ne le fallait pas, au passage. Même si elle voulait bien étancher un peu de la curiosité de son interlocuteur, si cela pouvait lui permettre au passage d'étancher la sienne, car plus le temps passait, plus elle voulait mieux comprendre la personne à qui elle avait affaire. Pour mieux comprendre ses intentions vis à vis d'elle par la même, sans doute.

-Et vous, qu'est-ce qui vous a motivé à rejoindre le bureau des Aurors ?

Elle ne savait pas si elle pouvait se permettre une telle curiosité, mais elle songeait que derrière la décision de bon nombre d'individus de devenir Aurors, il y avait une histoire forte, un passé lourd, chargé d'épreuves et d'émotions. Hermione se demandait ce que pouvaient être les motivations de son interlocuteur, pour peu qu'il en ait vraiment. Les vocations pouvaient s'expliquer d'autres manières aussi. Elles n'en étaient pas moins respectables pour autant.

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H

ermione était troublée par le propos de son interlocuteur. Elle ne pouvait que deviner le traumatisme qu'avait bien pu subir son interlocuteur, alors qu'il avait été confronté à la violence, à l'horreur et au crime à l'aube de sa vie. Même s'il ne lui apportait pas plus de précisions, il n'était pas difficile de deviner pourquoi tout ceci l'avait bouleversé au point qu'il se décide à embrasser la carrière d'Auror. Hermione, pour sa part, s'était épargnée un tel traumatisme, elle l'avait vécu par procuration, par l'intermédiaire de Harry, mais à titre personnel, elle n'avait jamais vécu de vrai grand drame dans sa vie. Elle avait frôlé la mort de près, et à plusieurs reprises, c'est rien de le dire, mais, si elle avait été affecté par la mort de Cedric Diggory et par celle des parents Potter, elle n'avait elle-même jamais eu à souffrir de la mort de quelqu'un qui lui soit vraiment proche. Ses deux parents étaient ce qu'il y a de plus en vie, et dans des circonstances telles que celles qu'elle avait pu vivre, elle était heureuse, vraiment, que tous les deux soient des moldus. Certes, à l'heure actuelle, ils n'étaient techniquement ni vivants, ni morts, ils n'étaient qu'un projet au coeur des pensées de ses grands-parents. Une pensée qui avait le don de lui serrer douloureusement l'estomac, d'ailleurs. De fait, quand Seth affirma s'inquiéter de son propos, au sujet des horreurs qu'elle avait pu vivre, elle éprouva le besoin de relativiser. Certes, on ne pouvait pas dire qu'elle n'ait rien vécu ni expérimenté d'horrible : elle avait croisé la route d'un chien à trois têtes et d'un basilic, craint l'assaut d'une flopée de détraqueurs, tentait désespérément d'empêcher le retour du plus grand seigneur des ténèbres que la terre ait jamais porté... Du haut de ses dix-sept ans, l'on ne s'avançait pas vraiment si l'on admettait que c'était beaucoup.

-Ce n'est, disons... rien qui m'ait touché directement, dit-elle alors, minimisant au mieux les choses, car de toute manière, de ce qu'elle avait bien pu vivre, elle n'était pas autorisée à révéler grand chose quoi qu'il en soit. Les parents de mon meilleur ami ont été assassiné alors qu'il n'était encore qu'un bébé... C'était le plus lacunaire qu'elle puisse faire, le seul détail qu'elle puisse révéler, et encore, elle se demandait déjà si ce n'était pas trop, elle ne s'était pas attendue à amener Harry dans la conversation. D'un autre côté, elle n'avait pas anticipé cette conversation, elle ne s'était pas un seul instant imaginé que leur entrevue s'éterniserait autant. Ce qui n'était pas pour lui déplaire, ceci dit. Je suis désolée, pour ce que vous avez vécu.

Bien qu'elle n'en sache pas le détail. Et, autant le dire, cela la taraudait vraiment que de demander des éclaircissements sur ce sujet, savoir quelle était la nature de ce crime, qui celui-ci avait-il touché, si le criminel avait été inquiété et arrêté... Mais cet événement avait visiblement marqué son interlocuteur, alors elle avait tout de même l'intention de faire preuve d'un minimum de tact.

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P

eut-être ne devrait-elle pas être désolée, mais des condoléances, cela ne coûte rien, et Hermione n'avait aucun besoin de forcer sa compassion. La jeune femme était sensible aux malheurs que pouvaient rencontrer les autres. On lui avait appris l'altruisme en même temps que le dépassement de soi, via son éducation, bien sûr, mais plus encore via les expériences vécues et les épreuves traversées. Autant dire qu'avec cela, Hermione avait de quoi ne pas savoir demeurer indifférente à ce que d'autres avaient pu subir. Seth avait été le témoin d'un crime dans son enfance. Une expérience à ce point traumatisante laissait forcément des marques, la preuve, il était devenu Auror au ministère de la magie. Si Hermione ne savait rien des détails plus spécifiques de l'affaire, elle considérait seulement que l'empathie était de mise, qu'il s'agissait d'un sentiment naturel, et qui justifiait également, à vrai dire, son sens aigu de la justice et la volonté qu'elle avait exprimé de faire un jour le même métier que son interlocuteur. Dans tous les cas, elle ne reviendrait pas sur les regrets exprimés, il lui semblait parfaitement naturel que de les avoir formulés. Ne serait-ce que par respect envers son interlocuteur, même si elle ne savait toujours pas grand chose de lui.

Quand Seth ajouta que certaines personnes avaient l'âme aussi noire que le néant, la jeune femme ne put qu'approuver d'un hochement de tête. Elle avait longtemps voulu ne pas céder à une logique manichéenne, qui voudrait que le monde soit tout noir ou tout blanc, mais face à l'évidence, elle ne pouvait pas prétendre que si, l'on observait certaines nuances de gris dans des âmes pour le moins obscures, certaines autres étaient tout simplement si sombres qu'il n'y avait rien à en retirer, et absolument rien à sauver. Bien sûr, il lui venait précisément quelqu'un à l'esprit en prononçant ces mots : l'ennemi, bien sûr, Tom Jedusor, à l'esprit obscur et au coeur de pierre. En effet, concernait des individus comme lui, il fallait des individus comme son interlocuteur pour maintenir l'ordre et faire respecter la loi.

-Malheureusement, la justice a parfois ses failles.

Hermione regretta ces mots aussitôt qu'elle les prononça, mais elle n'avait pu s'empêcher d'exprimer sa pensée. Bien sûr, les Aurors faisaient un excellent travail, mais il y avait toujours des individus, et parfois même les pires d'entre eux, pour passer entre les mailles du filet. Et la jeune femme en savait quelque chose, car aux dernières nouvelles, Tom Jedusor échappait - et échapperait encore longtemps (quoi qu'ils parviendraient peut-être à y changer quelque chose) aux cellules d'Azkaban et au baiser du détraqueur. Elle réalisait, néanmoins, que sa manière d'exprimer les choses pouvaient être mal interprétée par son interlocuteur, et mal appréciée, également. Elle n'avait voulu remettre en cause ni sa profession, ni ses compétences (après tout, concernant ces dernières, elle ne savait absolument rien), simplement faire un constat - un peu amer et pessimiste, il est vrai, il faut dire que la situation ne l'avait pas rendue optimiste outre mesure - sur une situation qu'elle craignait de découvrir immuable.

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H

ermione réalisait bien qu'elle n'avait fait preuve que de peu de tact en exprimant ainsi ses doutes concernant la justice, en présence d'un Auror, qui plus est, qui ne faisait sans doute jamais que son travail. Ce n'était pas vraiment une manière de se le mettre dans la poche, c'est certain, mais il lui avait été donné tant et tant d'observer les failles de la Justice et encore plus dernièrement, qu'elle peinait à lui faire entièrement confiance. Cela n'avait pas de rapport direct avec le métier d'Auror, qu'elle trouvait plus que respectable, c'était seulement que le mal était d'une telle ampleur (qui enflait de jour en jour, qui plus est), que le nombre d'hommes qui s'appliquaient à le contrer était certainement insuffisants (sans compter ceux parmi ces hommes qui étaient par ailleurs corrompus - mais elle ne croyait pas cela de Seth Beresford, elle le connaissait bien trop peu pour s'en faire une telle opinion, à vrai dire, elle avait plutôt tendance à le trouver très sympathique, ne se doutant pas des faits ou même des pensées qu'elle pouvait lui inspirer). Cela étant le jeune homme ne sembla pas prendre ombrage de ses propos, loin de là. Il approuva, même, ce qu'elle disait. Au fond, ça la rassura. S'ils partageaient la même opinion, les choses n'en seraient sans doute que simplifiées.

Il voulait faire changer les choses, il était de ceux qui voulaient donner à la justice un autre sens. Tissu de mensonge ? Certainement. Mais Hermione n'était pas apte à le voir. Elle admirait seulement le dévouement que son interlocuteur pouvait avoir pour son métier, et qui était malheureusement trop rare. Des personnes disposant d'une véritable soif de justice, prêt à lutter pour elle, elle n'en connaissait que peu. Il y avait Harry, évidemment, Dumbledore aussi, cela va sans dire, Pomona à n'en pas douter (et Seth lui ferait presque penser à elle)... et le reste des voyageurs dans une certaine mesure, car tous n'avaient pas les mêmes motivations et la même implication. Il était devenu Auror pour changer les choses, et la rouge et or ne pouvait trouver cela qu'admirable et ô combien respectable. Il souhaitait que la justice soit parfaite, qu'il n'y ait plus de failles, que les méchants soient punis et que les gentils gagnent (malheureusement, le monde n'était pas toujours si manichéen, ce serait bien trop simple sinon). Oui, c'était utopiste, évidemment que c'était utopiste, comment croire qu'un tel idéal s'accomplirait un jour. Mais s'il n'y avait pas certaines personnes pour le défendre, alors ce monde était perdu.

-Ce monde manque d'utopistes. répondit Hermione dans un léger sourire, ne contredisant donc pas son interlocuteur, mais rendant honneur à sa manière de penser. Et pour cause, elle partageait la même, chacun des membres de la Résistance partageait la même, leur nombre avait beau être faible, leurs compétences peut-être limitées, ils pourraient avec eux un espoir qui suffirait peut-être au mieux.

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