Autant dire que, depuis qu'Herbert Beery avait perdu son emploi de professeur de botanique à Poudlard (très injustement, selon lui), il avait beaucoup de temps à perdre, vraiment beaucoup de temps à perdre. Bon, d'accord, il ne le perdait pas vraiment, il l'occupait à trouver un nouveau travail, mais vu que ce n'était pas du tout fructueux pour l'instant, il avait quand même l'impression de perdre très sérieusement son temps. En même temps, il n'avait clairement pas choisi la voie la plus simple. Le monde du spectacle était un milieu des plus fermés, et pour l'instant, personne, apparemment, ne voulait ne serait-ce que songer à le laisser y faire ses preuves, à son grand mécontentement. Ce n'était pas franchement humble de sa part que de penser ça, mais il était convaincu d'avoir du talent, et pour le coup, ne pas voir ce talent reconnu, c'était franchement frustrant. Il avait laissé son rêve de côté en devenait enseignant. Se faire remercier, c'était l'occasion de reprendre du début, seulement, il n'avait fallu que quelques mois à Herbert pour se décourager de nouveau. Et il commençait à très sérieusement se demander s'il n'allait pas se rabattre une fois de plus sur un job purement alimentaire. Visiblement, aussi déprimant cela soit-il de l'admettre, c'était l'histoire de sa vie. Alors bon, hein... Il ne fallait peut-être pas en prendre le contrepieds et l'accepter comme tel.

Comme souvent depuis qu'il n'occupait pas vraiment ses journées autrement qu'en cherchant du boulot (ce qui ne lui prenait quand même pas vingt-quatre heures dans une journée), il passait du temps dans un de ses endroits préférés dans tout Londres, sa ville d'habitation et de coeur, et dans tout le chemin de traverse, plus spécifiquement : Fleury & Botts, bien sûr. Herbert adorait cette librairie. Féru de lecture qu'il était, cet endroit, c'était le lieu parfait pour lui, il pouvait y passer des heures à passer d'ouvrage en ouvrage, plus s'il croisait James sur son lieu de travail et accaparait son temps pour lui faire la conversation... Presque instinctivement, il s'était dirigé vers les rayonnages où se trouvaient les roman. Il adorait les ouvrages de fiction. Aucun doute possible, Herbert était un rêveur dans l'âme, forcément, quand il pouvait s'évader de sa vie quotidienne et s'imaginer vivre les aventures des protagonistes de ces romans, il ne se privait pas. Ce n'était pas pour rien non plus qu'il affectionnait tant le théâtre. C'était l'occasion d'être un autre. Alors qu'il cherchait son bonheur parmi la multitude d'ouvrages à sa disposition, son regard tomba sur une silhouette familière. Pas seulement familière, mais également amie.

-Lisaëlle ? La formule était interrogative, mais il savait très bien que c'était elle. Ça me fait plaisir de te voir, comment vas-tu ? Tout se passe bien à Poudlard ?

« Herbert ! Je vais très bien, et toi ? »

À cette question, Herbert préféra répondre par un haussement d'épaules qui, en lui-même, pouvait être bien assez révélateur de ce qu'était son état d'esprit à l'heure actuelle. Il n'était pas au bord de la dépression, il ne fallait pas exagérer, donc on pouvait sans mal affirmer que certaines personnes menaient des trains de vie bien plus difficiles que le sien et avaient plus de raisons de se plaindre, alors ça ne servait à rien de commencer à se plaindre, n'empêche qu'il pouvait difficilement sauter au plafond pour autant. Il n'avait aucune idée de ce de quoi son avenir allait être fait, et c'était un peu angoissant, ça il pouvait pas le nier. Poursuivre ses rêves, pour ne pas changer, aboutissait à un résultat inutile et nul, et il avait beau se donner du mal, ses efforts étaient rarement récompensés. Bien au contraire. Mais bon, il n'avait pas vu Lisaëlle depuis un bail, ce n'était pas pour la démoraliser directement, il préférait largement savoir qu'elle allait bien et espérer - pour elle - que ses collègues et élèves (même si, heureusement, l'équipe de Poudlard commençait à s'améliorer, sans aucune remarque désobligeante concernant le décès du regretté Armando Dippet - mais quand même, bien fait pour sa gueule) ne lui menaient pas la vie trop dure.

« Et à Poudlard...ça va. Enfin, comme toujours des élèves turbulents, et quelques accrocs, mais dans l'ensemble tout va bien. Comme toujours. »

Les élèves turbulents et les accrocs, c'était pour ainsi dire le quotidien de n'importe quel professeur de Poudlard, la vie ne pouvait de toute façon pas être un long fleuve tranquille (même si l'ancien professeur de botanique l'avait longtemps cru, très naïvement). Herbert ne pouvait donc que sourire à cette remarque, et se dire que s'il n'y avait rien de pire à dire de la part de Lisaëlle, c'est que la situation ne devait pas être si terrible pour elle. C'était bien comme ça. Bon, c'est vrai, il était forcément un peu jaloux, parce que ses quelques mois d'enseignement à l'école de magie britannique avaient été un fiasco sans nom. Au-delà du fiasco, il préférait quand même savoir que son amie allait bien et que les choses se passaient bien pour elle. Visiblement, c'était le cas.

« Mais et toi ? Que t'es-t-il arrivé après Poudlard ? »

Là, la question était plutôt délicate. Herbert se demanda si, pour son amour propre, il ne ferait pas mieux de mentir. Mais il n'était pas du tout un menteur dans l'âme, c'était plutôt tout l'inverse. Alors bon, même si c'était pas bien glorieux, il n'avait d'autre choix que de se montrer parfaitement honnête avec son interlocutrice.

-Eh bien... Pas grand chose, à vrai dire, malheureusement. Je cherche toujours du travail.

Et ce n'était pas glorieux. Pas glorieux du tout en vérité. Il aurait préféré lui apprendre qu'il avait intégré une quelconque troupe et se produisait de théâtre en théâtre. Il était loin, bien loin du compte.

-Tu as un peu de temps ? Que dirais-tu d'aller prendre un café ?