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l n'avait pas conscience de ne plus être lui, et pourtant, c'était un fait avéré... Pour sa défense, néanmoins, il aurait fallu, afin qu'il puisse prendre conscience de quoi que ce soit, qu'il soit encore doué de conscience, et ce n'était pas le cas. Il avait, c'est vrai, l'illusion de penser, d'agir, d'être maître de qui il était, mais il n'en était rien, il avait perdu toute volonté, et la conscience de cette perte de volonté avec elle. Quand il n'accomplissait pas mécaniquement la volonté de son marionnettiste, il menait donc son train de vie habituel, mais ce train de vie avait gagné en total automatisme, comme s'il n'était qu'un simple robot. Preuve en était qu'il ne sortait presque plus jamais de chez lui, à moins que cela lui ait été ordonné, quand bien même il ne se rendait évidemment pas compte qu'il obéissait à des directives, que ses faits et gestes n'étaient pas de son fait... Cela pouvait s'observer pour qui resterait trop longtemps à son contact. Mais cela, également, on le lui refusait, et le moindre de ses rendez-vous, même les visites impromptues, étaient chronométrées, c'était une nécessité.

À l'heure actuelle, alors qu'il attendait la venue de l'un de ses sbires, qui n'était plus tout à fait le sien par la force des choses, il se contentait donc de sa mécanique devenue usuelle, un verre de whisky pur feu, et son exemplaire de la Gazette du Sorcier, qu'il feuilletait plus qu'il ne le lisait, jusqu'à ce que l'on frappe à la porte. Il avait reçu moins de directives quant à la venue de la jeune femme qui se trouvait de l'autre côté. Pour la simple et bonne raison qu'il n'y avait pas nécessité de l'obliger à prétendre en compagnie de Sasha : elle était l'une des rares à avoir conscience de la supercherie, et à savoir, donc, que le maître auquel il fallait obéir n'était plus celui que l'on croyait. Si Jedusor leur avait organisé un rendez-vous plutôt que de se déplacer lui-même, c'était plus au nom d'un simple soucis de practicité, de commodité, parce qu'il avait ses propres affaires à gérer... mais qu'il semble agir en automate auprès d'elle ne dérangerait en rien, au contraire, ce serait même une excellente chose, puisque cela rappellerait à la jeune femme qui était désormais son nouveau maître. Alors qu'il ouvrait la porte, son regard était un rien vitreux, ou tout du moins, s'il devait refléter son âme, alors celle-ci semblait bel et bien absente, et le ton qu'il employa pour s'adresser à elle fut infiniment mécanique.

-Entre, Sasha.

Joignant le geste à la parole, il ouvrit plus grand la porte pour lui permettre de le suivre à l'intérieur. D'un geste, il l'invita à s'asseoir sur l'un des fauteuils du salon, tandis que lui-même s'installait à la place qu'il avait quitté plutôt, finissant son verre tout en fixant la jeune femme avant de reprendre la parole.

-La presse ne cesse d'évoquer la mort d'Armando Dippet, vous avez fait du très bon travail. Un compliment ? si étrange cela puisse-t-il paraître, c'en était bien un, et toujours prononcé du même temps mécanique. Il me faut de nouveau avoir recours à tes services.

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imitri contempla un instant son verre vide d'un regard qui l'était tout autant. Il n'y avait plus la moindre lueur d'humanité derrière ses pupilles. Il y en avait, certes, eu peu déjà autrefois, mais c'était aujourd'hui, c'était plus flagrant. À chaque geste, même le plus quotidien, il y avait un ordre implicite qui se trouvait dissimulé derrière. Un verre vide signifiait qu'il fallait le remplir, une invité, même "professionnelle" devait partager un verre à son tour pour faire mine d'un échange cordial quand ce n'était pas le cas. C'étaient des formalités ancrées en lui, qui lui venaient donc à l'esprit quand il devait donc faire "comme toujours", même s'il ne comprenait rien à ce qu'il faisait ni au sens que cela pouvait bien avoir. D'un geste digne d'un robot rouillé, il se redressa, se leva de la chaise où il s'était installé quelques instants plus tôt, et, sans répondre directement à la question de son interlocutrice, se contenta d'attraper son verre, d'en chercher un à Sasha, et de les remplir de whisky pur feu. Ce ne fut qu'après avoir tendu son verre à la jeune femme, toujours aussi mécanique, qu'il se rassit planta son regard inexpressif dans celui de son interlocutrice et lui répondit finalement.

-Une simple affaire de routine.

Il fit un léger signe de la tête à Sasha afin qu'elle s'empare d'un dossier qui traînait sur la table basse du salon et que Dimitri avait déposé ici afin que Sasha puisse le feuilleter le moment venu, donc maintenant. Le dossier n'était pas bien complet ni très épais, il comportait une demi-douzaine de fiches qui, pour chacune d'entre elle, retraçait le parcours de tels ou tels sorciers et sorcières. Pour tous de sang pur, et tous ayant su se distinguer grâce à leurs parcours professionnel ou autres compétences hors du commun. Dimitri avait été chargé de la conception de ce dossier, mais ce n'était clairement pas lui qui y avait apposé les noms. Il s'était contenté d'entendre ceux que le nouveau maître voulait y voir et avait agi en conséquence, avec cette docilité de pantin qui était désormais la sienne, et qui le resterait sûrement toujours désormais. Jusqu'à ce que Tom Jedusor ne puisse vraiment plus y trouver le moindre usage. Ce qui ne saurait sans doute pas tarder, à bien y réfléchir.

-Ce sont des potentiels, il envisage de les rallier à notre cause. Oui, il disait il, puisqu'il n'avait pas à mentir à Sasha, et que Tom, qui s'exprimait désormais à travers lui, prenait bien évidemment un malin plaisir à faire parler Dimitri de lui comme de celui à quiconque devait obéir, alors qu'il avait été le grand donneur d'ordres avant cela. Il aimerait que vous les abordiez. Et que vous parveniez à les amadouer. Certains d'entre eux ont fait partie de vos collègues, semble-t-il.

Les neo-grindelwaldiens... ou les chevaliers de Walpurgis, qu'importe à présent, se devaient d'avoir des alliés dans tous les domaines les plus avantageux du monde sorcier : la politique, cela va de soi, la justice, également, l'éducation bien sûr, et la santé, sans aucun doute, domaine que Sasha avait côtoyé de très près... Bien sûr Declan aurait fait l'affaire également pour zyeuter ces potentiels, mais "il" avait préféré compter sur Sasha.

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ourquoi elle ? À cette question succéda un long, très long silence, et pour cause, Dimitri n'avait pas la réponse à cette question. Il avait confié cette mission à Sasha parce que celui qui tirait les ficelles le lui avait demandé, mais s'il lui avait donné des détails sur le comment, il s'était bien abstenu de lui parler du "pourquoi"'. Alors non, il n'en savait rien, il n'était plus décisionnaire de rien, et puisqu'il était à peine capable encore de réfléchir par lui-même (en fait, il ne l'était plus du tout), il se retrouvait face à une sorte de contradiction, un blocage qui empêchait à la marionnette de savoir quoi réponse. Ses yeux s'agitaient de droite à gauche, comme s'il recherchait une échappatoire, et en vérité, c'était le cas. Son esprit était désormais restreint à un mode de pensée réduit, sans rapport avec ce qu'il avait pu être autrefois. Il pouvait donner l'air d'être naturel la plupart du temps, mais si on le poussait dans certains retranchements, alors il était perdu, et il lui fallut beaucoup de temps pour formuler une réponse qui n'avançait à rien.

-Il y en a qui ont fait partie de vos collègues, vous les connaissez, ce doit être plus simple. répondit-il comme se justifierait vivement un gamin prit en faute, se raccrochant à la moindre branche à sa portée, il n'avait que cela de réponses à fournir, que cela... et une part de lui savait que c'était après tout bien maigre.

S'il avait été dans son état normal, et ce même s'il avait été manipulé par Lord Voldemort, il aurait eu bien des réponses à fournir, beaucoup plus satisfaisante. Il aurait pu lui arguer avec force commentaires que puisqu'elle les connaissait, il serait plus simple de les convaincre, que Declan ne pouvait pas se charger de cette mission, puisqu'il risquait sa place de directeur de Sainte-Mangouste, et que c'était l'inverse d'envisageable à ses yeux, car sa place leur était bien trop importante pour qu'ils puissent y renoncer. Enfin, il aurait pu affirmer que c'était une nouvelle façon parmi tant d'autres de la part de Jedusor pour la mettre à l'épreuve (ce qu'il s'appliquait constamment à faire, de ce qu'il savait). Mais il ne fit rien, il se contenta de cette réponse, parce qu'il s'agissait de l'une de celles que lui avait dicté son nouveau maître, leur nouveau maître, même si ce n'était pasz la réponse exacte à la question exacte, puisqu'il n'avait tout simplement pas envisagé la question qu'elle lui avait posé.

-Fais ce qu'il demande et ne pose pas de questions. ajouta-t-il alors un peu durement.

Elle n'avait pas le choix et discuter n'y changerait rien, quoi qu'il en soit. Les ordres étaient les ordres, et tous les deux, à leur manière, dépendaient pleinement et entièrement du bon vouloir de celui qui les dirigeait à présent, et qui prenait le plus malin des plaisirs à les pousser dans leurs retranchements. Elle avait ce mérite par rapport à lui. Elle pouvait discuter les ordres, même si elle finirait invariablement par obéir. Lui n'en était tout simplement plus capable.

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asha ne posa pas de nouvelles questions. Ou du moins, il ne posa pas de questions qui puissent poser problème à Dimitri, lui qui n'était dorénavant plus maître de ses pensées. Il s'était senti mis au pied du mur l'instant d'avant, à présent, il avait de nouveau le contrôle. Ou tout du moins ce contrôle de pacotille qui ne signifiait absolument rien mais dans lequel il savait parfaitement se complaire, puisqu'on lui avait ordonné de se complaire. Elle se contenta donc d'un "d'accord" auquel Dimitri répondit par un hochement de tête qui signifiait, en somme "c'est bien", quoi qu'il ne prononça tout d'abord pas le moindre mot. Il escomptait qu'elle ne dévie plus davantage et se cantonne dorénavant aux questions qu'elle se devait de poser pour mener à bien les missions qui lui étaient confiées, et auxquelles elle ne pouvait guère espérer se sousstraire. C'était ainsi, elle n'avait guère le choix, il fallait qu'elle obéisse, mais demander s'il y avait d'autres "messages" à transmettre, ce n'était pas formuler une question qui puisse sembler déplacée à l'ancien chef des neo-grindelwaldiens.

Le mot "message" lui aurait été insupportable à entendre, s'il avait été dans son état normal, car il n'aurait jamais supporté, s'il n'était pas ainsi influencé et sous l'empire d'un pouvoir incontrable, d'être relégué au titre de simple messager. Et pourtant, le terme n'avait rien d'inexact. Il se contentait d'être la voix de celui qui, sous peu, prendrait sa place : en tous cas une fois que les neo-grindelwaldiens auraient accepté leur nouveau maître, ce qui pouvait, cela va de soi, prendre un certain temps. Alors oui, il transmettait des messages. Mais ce que Tom Jedusor lui avait demandé de dire à Sasha, Dimitri l'avait dit, il ne restait peut-être qu'une information qu'il n'avait pas encore transmise, qu'une remarque qu'il n'avait pas encore faite. Et il fallait qu'il n'omette rien. Il était incapable d'omettre quoi que ce soit. L'ordre était ancré quelque part dans son cerveau, rien ne pouvait l'en déloger, une force magique le maintenait en place, et le maintiendrait en place tant que l'emprise durerait.

-Tant que je ne t'en transmettrai pas l'ordre, c'est moi qu'il te faudra venir voir pour me communiquer toutes les informations que tu trouveras et l'évolution de tes missions. Il marqua une pause. Et qu'il s'agisse de moi ne signifie pas qu'il ne te faille pas être assidue. ajouta-t-il. Et là, c'était clairement la voix de Tom qui s'exprimait à travers les lèvres de Dimitri.

Dimitri ne savait rien de ce qui invitait l'héritier de Serpentard à demeurer en retrait pour le moment, mais comme il n'était pas en mesure de se poser la question, cela ne le perturbait guère, il se contentait de prononcer à haute voix ce qu'il lui avait signifié après lui avoir ordonné d'organiser cette entrevue avec Sasha Colloway. Une fois de plus, il ne serait jamais qu'un messager, il ne donnait plus les ordres, il les transmettait, c'est tout. Son rôle s'était amoindri sans qu'il se rende compte de quoi que ce soit. S'il devait un jour retrouver conscience, nul doute que cet abus de faiblesse l'atteindrait en plein coeur, quand bien même il était fait de pierre.

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a réponse de Sasha était celle que Dimitri attendait, ou du moins, qu'on avait exigé de lui qu'il attende d'elle. À ce stade, celui qui avait pourtant été aux commandes des neo-grindelwaldiens depuis la mort de Gellert Grindelwald était bien incapable de dire quelles étaient ses attentes, quelles étaient ses décisions, quels étaient ses choix... mais dans le même temps, il ne s'interrogeait pas un seul instant sur la question. C'était ainsi, et voilà tout. Il devait donner des ordres à Sasha, alors il les donnait, il devait être satisfait de certaines réponses et ne pas en apprécier d'autres, agir en conséquences si c'était le cas. Cela n'allait pas plus loin. Aucune pensée ne parasitait plus son esprit, coquille vide remplie à loisir au rythme des directives de celui qui avait fait de lui son pantin, sa marionnette. Si l'ombre d'une pensée susceptible de lui appartenir oser émerger dans sa conscience, une armée de stimuli, comme une armée de chocs électriques, savaient se charger de refouler tout cela dans son subconscient, pour qu'il n'ait plus guère à s'en soucier. Ses soucis étaient autant des ordres que ce qu'il pouvait par instant afficher de fierté ou de satisfaction. En l'occurrence, c'était de la satisfaction qui se lisait sur son visage, alors que Sasha promettait de se plier à ses exigences, et de lui rapporter dans le détail l'avancée de sa mission sans rien omettre, sans même songer à se le permettre. C'était lui qui détenait pour l'heure les cartes. Ou du moins, il jouait à la place de celui qui lui dictait en détail sa stratégie, et Sasha ne pouvait que se coucher si elle ne voulait pas tout perdre.

-Très bien. approuva-t-il toujours du même ton mécanique, son yeux gris électrique observant son interlocutrice sans presque ciller les mains jointes, en signe d'approbation, et... d'une certaine supériorité, ça va de soi. Même si cette supériorité était devenue toute relative. J'attends de ta part des rapports très réguliers. Tu pourras venir me revoir dans une semaine, précisément.

Il ne bougeait, de toute façon, plus de chez lui (ce qu'il faisait déjà bien peu auparavant), c'était bien trop risqué. Le jour où on lui ferait quitter cette maison, ce serait pour le mener en pâture à l'ennemi, il n'aurait plus alors que l'utilité d'un appât qui, une fois supprimé, laisserait le champ libre à Tom Jedusor. Ces informations imposaient à Sasha réactivité et urgence. Elle était, encore et toujours, mise à l'épreuve.

-Tu peux t'en aller.

Ils avaient atteint les limites de ce qu'il avait été demandé à Dimitri d'exiger de son interlocutrice et de lui ordonner. Il avait peut-être été, autrefois, d'un naturel à parler beaucoup, pour adoucir les esprits, et surtout, en faire ce qu'il désirait, il était à présent direct et concis, il ne pouvait faire autrement que d'aller droit au but, et une fois le propos tenu, attendre le départ d'un interlocuteur ou d'une interlocutrice qui devenaient tout aussitôt gênants.

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