-Tu devrais savoir Lou, l'une des choses que je déteste le plus est le mensonge. Alors, je te prierais de me dire la vérité car la dernière chose que je souhaite; est de me mettre en colère contre toi.

Lou baissa la tête, légèrement résignée. C'est que, en effet, elle connaissait très bien sa meilleure amie, alors quand celle-ci lui affirmait qu'elle se mettrait en colère contre elle si elle ne disait pas ce que son attitude montrait et propos démontrait, la vert et argent voulait bien la croire. Elle avait déjà assisté aux foudres de sa meilleure amie mais, un chance, n'en avait jamais été la victime. Ce n'était pas franchement une expérience qu'elle avait envie de tenter, au passage.

Elle savait ce que pouvait être la rancune du point de vue de la redoutable Ines Stinwick, il suffisait de voir ce que Jo subissait. Alors oui, elle allait se montrer un peu plus franche avec elle.

Après tout, si elle ne pouvait pas l'être en présence de sa petite amie, auprès de qui pouvait-elle bien l'être. Elle était celle à qui elle pouvait tout confier. Peut-être pas sans être jugée, ça... mais elle supportait le jugement s'il était judicieux, même d'entendre ce qu'elle n'avait pas envie d'entendre. Et l'avis de la jolie blonde était toujours incontestable.

-Je parle de ton fameux Tom, ma chère.

Pour tout dire, c'était une chose que Lou avait deviné. Dès qu'il y avait friction, même légère entre ces deux là, Tom n'y était pas vraiment étranger. Un homme dénué de tout sentiment humain qui savait avoir une influence terrible sur le coeur des autres. Cela en était presque terrifiant.

-Que dirais-tu ma chère, que l'on fasse le tour du lac pour commencer?

Lou supporta sans mot dire le fait que son interlocutrice se montre à ce point secrète au sujet de cette chose qu'elle espérait découvrir bien assez tôt. Tôt, c'était déjà trop tard à ses yeux. Mais elle commençait à deviner que, tant qu'elle-même ne cracherait pas ce qu'elle avait sur le coeur, elles en resteraient au point mort.

Ça lui déplaisait cruellement, mais elle voulait bien ouvrir son coeur en premier. Elle devinait là un deal implicite, et alors qu'elles marchaient tranquillement en bordure de lac, elle se pliait à cette nouvelle règle. Comme quoi, même les amitiés les plus sincères avaient toujours un petit quelque chose de codifié.

"Ok... ce n'est pas vraiment que j'aille mal ou quoi que ce soit. C'est juste que... j'ai le sentiment de ne pas avoir à me plaindre. Et en même temps... j'ai comme un sentiment de vide, j'sais pas si tu vois ce que je veux dire. Y'a eu la mort d'Oly, on était pas vraiment en bons termes alors que…" Elle poussa un soupir. Il faut dire que peu avant sa mort, elle la soupçonnait de coucher avec son petit ami. Suggestion des plus absurdes, à bien y réfléchir. "Puis... oui, je sais ce que tu penses de Tom... et c'est vrai que, en ce moment, j'aimerais qu'il ait plus de temps pour moi."

"Même si que cela ne te plaît pas, j'ai le même sentiment et de manière constante; depuis que je ne suis plus avec Daniel."

Lou regrettait presque de ne pas avoir parlé plus tôt à Ines de son sentiment. Ce n'est pas parce qu'elle avait voulu lui cacher quoi que ce soit (sa meilleure amie était la seule à laquelle elle acceptait de confier absolument tout), elle avait seulement pensé que c'était trop léger et anodin pour être relevé. Ce sentiment étrange de vie et d'inconsistance n'était pas grand chose en comparaison de ce que subissaient d'autres.

Finalement, elle avait bien fait d'en parler. Pas seulement parce que ça lui ôtait un poids du coeur, rien qu'en en parlant, et même si ça résolvait rien, mais parce qu'elle appréciait d'entendre que, en fait, Ines éprouvait exactement la même chose qu'elle.

… pas pour les mêmes raisons, cependant. L'une et l'autre, manifestement, s'y entendaient comme personne pour s'impliquer sentimentalement dans les pires histoires, romances, envisageables. Et elles en pâtissaient l'une et l'autre de façon considérable.

Et il y avait la mort d'Olive. Ines ne tarda pas à l'évoquer, d'ailleurs. C'était assez inévitable, comme sujet.

"La mort de Oly a oui touché plus ou moins de gens et puis tu as plus de cœur, que certaines personnes et donc c'est normal que cela te touche encore. Cela passera avec le temps, ma chère."

Plus de coeur que certaines personnes… C'était son grand problème dans la vie. Elle préfèrerait qu'il soit de pierre ou de marbre. Souvent, elle imaginait ce que ça faisait de ne plus rien ressentir, et elle éprouvait comme le plus immense des soulagements.

Un sentiment de paix et d'accomplissements.

Ines et Tom s'en tiraient bien mieux parce qu'ils avaient bâti une muraille entre eux et leurs coeurs. Ça leur allait bien, Lou les admirait pour ça, et c'est pour ça qu'elle voulait franchir ces barrières. Elle, elle n'y arriverait jamais.

Et oui, la mort de Lou l'avait touchée et la touchait encore.

"Tom, c'est Tom, il a toujours des personnes comme ceci et après il reviendra à toi."

Lou accueillit cette réflexion par un haussement d'épaules. Elle aurait voulu que ce soit si simple, mais elle n'y croyait pas trop, tous comptes faits.

Elle n'était même pas sûr qu'Ines y croyait, à ce qu'elle disait. Lou savait pertinemment le ressentiment de la jeune femme envers son petit ami, on pouvait la croire dupe et naïve, mais elle ne l'était pas tant que ça.

"Pourrais-tu m'expliquer, ta relation avec Tom s'il te plaît ? J'ai envie d'essayer de comprendre, un peu ce que tu ressens pour lui."

Expliquer sa relation avec Tom. Lou savait bien que sa meilleure amie se posait de nombreuses questions sur le couple qu'elle formait avec le préfet en chef des serpentards, mais elle n'avait jamais posé la question frontalement avant.

La réponse n'en était pas aussi évidente que cela pouvait bien l'être dans la plupart des relations équilibrées. Et du coup, Lou était un peu perplexe. Elle choisit ses mots délicatement et consciencieusement avant de parler.

"Je l'aime." Ça, c'était la partie évidente, l'irréductible, absurde et inaliénable vérité. "C'est pas rationnel, tu vois. C'est juste ce que je ressens pour lui, et c'est plus fort que ce que je suis." Elle marqua une pause. "Je ne suis pas idiote, je sais que ce n'est pas réciproque. Mais tu vois, le seul fait qu'il m'accorde au moins un peu de son attention… ça suffit, quelque part." Elle marqua une pause. "Je sais, c'est idiot."

"S'il y a bien une chose pour laquelle je suis d'accord avec toi, c'est bien pour le fait que ce n'est pas rationnel."

Cette fois, ce fut au tour de Lou de soupirer. Bien sûr, elle savait pertinemment que Ines avait raison, c’était bien le seul propos qui avait du sens dans tout son discours. Elle aurait aimé qu’il y en ai plus.

Elle était la première à espérer pouvoir rationnaliser un jour son sentiment pour Tom, qui s’épargnait même l’idée d’une quelconque réciprocité, le tout dans une forme de résignation crasse qui lui ressemblait malheureusement trop bien, elle qui avait besoin, pour mettre sa vie sur les rails, de suivre le chemin créé par quelqu’un d’autre plutôt que de tracer sa propre voie.

Il n’y avait rien qui puisse expliquer l’amour, parce que l’amour avait ce talent bien à lui de vous prendre en traître, et toujours dans les pires moments. Souvent auprès des personnes que l’on aurait dû éviter, s’abstenir, même de regarder. Parce qu’une fois le mal fait, ça vous détruit le coeur comme si on y plantait un poignard extrêmement tranchant. Et ça fait mal.

"Je peux tout de même plus ou moins comprendre en fin de compte, que tu veuilles rester avec un garçon, qui t'a plus remarqué qu'un autre."

Apparemment, Lou ne s’était pas complètement bien exprimée. Ce qu’elle avait voulu dire, ce n’était pas qu’elle était avec Tom parce qu’il avait le mérite de s’intéresser à elle, mais qu’elle était ravie qu’il sache lui accorder de l’attention, même si ce n’était pas assez, puisqu’elle l’aimait, et ce depuis bien avant qu’il ne lui porte davantage d’attention. Elle se contentait tout simplement de ce qu’on acceptait de lui accorder.

"Toutefois, j'insiste en disant que ce n'est pas sain pour toi. Je tiens beaucoup à toi et oui profite bien des mots doux de ma part. Je peux accepter un peu la relation que tu as avec lui, même si que oui, en effet, c'est vraiment à sens unique. Mais après essaye un peu de te démarquer, qui sait peut-être qu'il va voir que tu évolues et tu auras qui sais un miracle... On sait jamais, avec lui on a toujours des surprises."

Oh ça oui, ce n’était pas sain, même pas sain du tout. Au rang des relations malsaines, celle entre Lou Hamilton et Tom Elvis Jedusor atteignait très clairement des sommets. Mais qu’y pouvait-elle ? L’amour n’est pas quelque chose que l’on peut s’arracher d’un coup sec avant de passer à autre chose. En guérir demande malheureusement du temps.

C’était la première fois que Lou entendait Ines émettre l’hypothèse que, peut-être, elle serait bien capable d’accepter, au moins un peu, la relation de Tom avec Lou. Par affection pour elle. C’était une chose que Lou appréciait, rare étaient les fois où elle lui parlait de la valeur qu’avait leur amitié à ses yeux, et pour Lou, c’était quelque chose de fondamental et d’important. D’ailleurs, si Ines faisait quelques efforts, Lou se disait qu’il faudrait quand même qu’elle en fasse autant concernant Daniel. Même si ça ne l’enchantait pas franchement.

Elle savait aussi qu’Ines avait pertinemment raison sur un autre point. Il falait qu’elle se démarque, si elle voulait qu’il la remarque. C’était là une résolution qu’elle avait déjà commencé à prendre, c’était en partie pour cela, d’ailleurs, qu’elle avait rejoint les Chevaliers de Walpurgis et que la marque des ténèbres ornait son avant-bras. Elle était discrète et réservée, mais elle voulait finir par compter. Aux yeux du monde, et plus encore aux yeux de Tom, bien sûr. Si sa meilleure amie avait des suggestions à lui donner à ce sujet, elle ne serait pas contre.

"Mais voilà, là tu es avec Tom et donc je dois l'accepter, même si que tu ne l'aies jamais fait pour moi et Daniel. Après je continue d'espérer, qu'un jour tu ne seras plus avec lui, car sérieusement c'est tout de même stupide d'être avec quelqu'un juste, parce qu'il t'a plus remarqué qu'un autre. C'est une relation qui ne va pas finir bien en avance."

Lou grinça des dents. Elle adorait Ines, ça n’en rendait pas moins le fait de voir son attitude être qualifiée de stupide désagréable. Même si en effet, elle était quand même sacrément stupide, en y réfléchissant bien.

« Ce n’est pas ce que j’ai dit... Je n’ai pas dit que j’étais avec Tom parce qu’il m’avait « remarqué », je l’aimais bien avant qu’il ne me remarque. Ça se commande pas, l’amour. Tu saurais, toi, expliquer simplement pourquoi tu es amoureuse de Daniel ? » Elle marqua une pause. « À propos... si jamais toi et lui, vous finissez par vous remettre ensemble, je te promets de faire des efforts... »

Comme elle s’était engagée à en  faire pour elle.

"Très franchement Lou, tu as juste eu un peu plus de chances que les autres. Tu faisais exactement la même chose, que les autres filles de l'école, enfin sauf pour moi."

Quand elle le voulait, Ines pouvait vraiment être cruelle. Sa réputation de peste ne lui venait pas de nulle part, en tous cas, c'est évident. Et c'était en partie une chose que Lou aimait chez sa meilleure amie. Ceci dit, quand elle devait goûter à son poison, c'était une autre affaire, et le peu de fierté qu'elle possédait l'invitait à s'offusquer.

Ceci dit, il n'y a jamais que la vérité qui blesse et, bien sûr, elle avait raison. Lou était bien placé pour savoir qu'elles avaient été nombreuses, ces filles qui papillonnaient des cils dans l'espoir que cet Adonis leur adresse ne serait-ce qu'un regard.

Elle n'avait pas été bien différente de ces filles là, elle s'était même sentie plus quelconque que ces filles là… Mais au bout du compte, c'était quand même elle qu'il avait choisi. Il avait cette multitude de possibilités, et c'était sur elle que son regard s'était arrêté. Ce n'était pas un hasard. Il y avait forcément une raison. Quelqu'un d'aussi réfléchi que Tom Jedusor ne faisait jamais rien à la légère.

Après, elle devinait que ce qui avait influencé son choix n'était pas forcément flatteur pour elle. Il était très probable qu'il l'ait choisi uniquement parce qu'elle était discrète et dévouée, parce qu'elle ne faisait pas de vagues. Mais qu'importe ses raisons de départ, elle voulait qu'il finisse par admettre qu'il n'y aurait pas eu d'autre choix possible. Que finalement, quelque part, elle comptait pour lui, plus qu'un pion sur l'échiquier.

"Je comprends pourquoi tu es attiré par lui. Et dans un sens, je suis plus ou moins reconnaissante, qu'il ne t'a pas fait de mal."

En même temps, difficile de ne pas comprendre qu'on puisse au moins éprouver de l'attirance pour Tom, le jeune possédait un charisme incroyable, et comme il le savait, il n'avait aucun mal à en jouer. L'un des adjectifs qui pouvaient le décrire à merveille, c'était celui-ci, magnétique. Et ce n'était pas seulement le discours d'une jeune fille en fleur éperdue d'amour.

Lou ne fit aucun commentaire quant au fait qu'il puisse lui faire du mal, et qu'elle était heureuse qu'il ne l'ait jamais fait. Oui, Tom Jedusor était dangereux, elle ne pouvait pas le contester, mais c'était en partie ce qui la charmait et troublait chez lui.

Il finirait sans doute par lui faire du mal, mais elle acceptait les risques, chose qu'elle préférait ne pas avouer d'emblée à sa meilleure amie.

"Et pour répondre à ta question, oui j'ai une phrase qui résume un peu tout. J'ai eu un coup de foudre pour Daniel dès le premier regard. Il m'a fallu, du temps pour bien le comprendre, pareil pour Daniel. On verra le moment venu Lou. Pour l'instant, je ne préfère pas y penser."

Bon, voilà, la messe était dite. Difficile de contester la notion de coup de foudre, puisque Lou avait éprouvé la même.

Mais pourquoi Ines refusait-elle de reconnaître la similarité de leurs deux situations, même dans ce qu'elle avait de justifications à apporter ?

Ah oui, parce que son coup de foudre, à elle, était réciproque. Qu'elle n'aille pas dire pour autant que c'était plus rationnel. À nouveau, aucun commentaire.

"Tu veux que je t'enseigne, pour que tu aies plus d'assurance?"

Lou répondit d'abord par un silence, hésitante. Puis finalement.

"Si tu promets de pas te foutre de moi, alors ouais, j'ai rien à perdre…"

" Bien sûr que non voyons, tu me connais depuis le temps Lou. Mais je ferais en sorte d'être patient, afin d'éviter de te lancer des remarques qui te feront reculer. "

Oui, Lou connaissait bien sa meilleure amie, elle voulait même croire, en espérant ne pas s'avancer et pouvoir le faire, qu'elle la connaissait bien mieux que beaucoup d'autres... Tout comme Lou s'était tant et si bien confiée à Ines qu'elle osait penser que personne ne la connaissait mieux que son interlocutrice. Ce qui lui allait très bien ainsi.

C'est ce pourquoi sont faites les meilleures amies, non, après tout ?

Bref oui, Lou connaissait Ines, et c'était pour cette raison qu'elle entendait parfaitement le sarcasme dans son propos.

Elle avait son franc-parler, elle ne mâchait pas ses mots, et pouvait se montrer directe, même avec sa meilleure amie. Ça vous renforçait l'égo, ça c'est sûr... mais Lou ne le lui reprochait jamais.

Au contraire, elle l'enviait. Elle aurait bien bénéficié de ce genre d'attitude au quotidien, et c'est bien pour cela qu'elle acceptait ses conseils, quitte à se prendre quelques réflexions dans la foulée.

Ceci dit, Lou, n'était pas contre un rien de patience de la part de son amie. Elle n'était pas Ines, mais elle avait quand même sa fierté, elle n'en manquait pas. Se prendre trop de réflexions l'aurait rapidement usé.

"Alors pour commencer, il faut te tenir bien droite ainsi que ta tête. C'est très important, de cette façon les gens vont voir que tu as confiance en toi et que tu ne te fais pas marcher sur les pieds. Il ne faut pas hésiter à donner des regards mauvais, pour les gens que tu n'aimes pas. Il te faut faire une réputation, qui fera passer pour celle actuelle ma chère Lou. À l'âge que tu as, tu ne peux pas te faire passer pour une fille fragile et naïve."

Lou obéissait aux directives d'Ines au fur et à mesure qu'elle les lui dictait, elle releva donc le menton, et se tint le plus droite possible. Elle devait ressembler à un piquet, mais c'est que cette posture ne lui était pas encore entièrement naturelle.

C'est sûr que rien que ce détail jouait beaucoup dans la manière dont les gens pouvaient nous percevoir. Un rien donnait l'impression qu'on avait de l'assurance. Et l'assurance, Lou en manquait plus qu'elle n'en possédait. Elle avait tendance à baisser les yeux plutôt que de toiser les gens qu'elles croisaient, encore plus qu'il s'agissait de leur adresser un regard mauvais.

""Positionne-toi comme, je te l'ai dit et regarde-moi comme si tu me détestais. Si cela me convient, on ira déjà mettre cela en pratique. Il ne faut pas brûler d'étape, après on commencera dans les paroles."

Lou avait un peu l'impression d'avoir intégrée l'armée moldue, mais soit, ce qui comptait n'était pas tant le procédé que le résultat après tout.

Si Ines n'avait pas fait une remarque concernant sa fragilité et sa naïveté, Lou aurait sans doute eu du mal à s'appliquer à l'exercice, mais pour le coup, le regard noir lui vint plus facilement qu'elle ne l'aurait cru, alors qu'elle s'était mise dans la position demandée par sa meilleure amie.

"Ça te convient, chef ?"