Cela faisait déjà quelques mois qu'Andreï avait appris une partie de la vérité. Plusieurs moi donc qu'il en voulait à mort à sa mère qui le prenait très mal. Mais aussi plusieurs mois qu'il refusait de venir la voir. Cela commençait à faire long, très long. On pouvait dire ce qu'on voulait, qu'elle était une mère affreuse ou même qu'elle n'avait jamais été capable de s'occuper de son fils, elle l'aimait de tout son cœur. Et c'était donc tout logiquement qu'il lui manquait horriblement. Andreï restait son fils, son bébé, celui qui comptait le plus au monde pour elle. Ne pas le voir faisait affreusement mal. Et encore, elle n'en demandait pas beaucoup, juste quelques heures avec lui, rien de plus. Anya avait compris qu'elle ne pouvait plus espérer le voir se précipiter dans ses bras ou même l'embrasser pour la saluer. Il la fuyait tellement qu'elle ne pouvait plus le toucher. Pourtant ils étaient bien tout les deux avant. Ils passaient presque tout leur temps ensemble. Ils faisaient plein de choses ensemble. Anya adorait partager tout ça avec son fils. Et maintenant il ne voulait même plus qu'elle l'embrasse.

Pendant quelques temps, elle avait été jusqu'à devenir affreusement jalouse de sa sœur. Parce qu'elle, elle pouvait encore le voir, le prendre dans ses bras. Anna n'avait rien demandé pourtant, mais sa sœur lui en avait voulut. La pauvre. C'était idiot parfois les réactions. Elles aussi avaient toujours été très heureuses toute les deux. Et pourtant, quand Andreï avait préféré fuir chez sa tante, Anya l'avait pris comme une trahison, des deux. Ce qui n'était bien entendu pas le cas. Enfin, Andreï peut-être, mais Anna était toujours resté de son côté malgré tout. C'était elle qui l'avait soutenu à chaque fois, c'était elle qui avait essayé d'arranger les choses, et au final, c'était elle qui en souffrait sans l'avoir mérité. Et quand elle y réfléchissait, Anya détestait cela aussi. Elle tenait aussi énormément à sa petite sœur et elle lui faisait du mal sans raison valable. Bien sûr, à chaque fois qu'elle s'en était rendu compte Anya avait tout fait pour se faire pardonner, mais elle se doutait bien que cela ne suffirait jamais vraiment. Seulement si elle devait perdre son fils, elle préfèrerait conserver un minimum de l'affection de sa sœur.

Anya avait essayé de se contenter des maigres instants passés avec son fils à noël. Seulement tout ne s'était pas passé comme prévu. Ensuite elle s'était un peu et faiblement rattrapé avec Irina en la pouponnant autant qu'elle le pouvait. Mais décidément ce n'était pas pareil. Alors elle avait tout aussi faiblement craqué et avait demandé à Andreî de venir. Après tout, la situation avait changé. Elle ne comptait pas encore le lui avouer, parce que c'était compliqué, mais puisque tout changeait, peut-être qu'il changerait d'avis lui aussi. Il y avait très peu de chances, voire pas du tout. Mais l'espoir fait vivre comme on dit. Alors elle voulait le revoir. En ce moment, elle était assez nerveuse et avait tendance à se laisser emporter. Et en fait, si jamais il avait refusé, il était possible qu'elle ait été le chercher, tout simplement. Au risque de passer pour la tortionnaire qu'ils voyait déjà en elle. Tout ce qu'elle voulait c'était passer un peu de temps avec lui. Et alors que l'heure s'approchait, Anya devenait de plus en plus nerveuse. Elle lui avait fait des gâteaux, du thé et un chocolat chaud. Elle s'était assise dans le salon et attendait, regardant la pendule plusieurs fois à chaque minutes. Il n'y aurait probablement rien de plus qu'une dispute de plus entre eux cette fois encore. À condition qu'il vienne. Mais elle voulait le revoir.

Anya était une femme compliquée, déjà à la base. Pour sa famille, elle était le plus souvent possible une femme aimante qui se décarcassait un maximum pour eux. Elle les aimait plus que tout, et ferait toujours tout ce qu'il fallait pour les protéger. Alors que dès qu'il s'agissait des missions pour son groupe, elle ne se posait jamais de question, c'était comme naturel, exactement comme son affection pour ses proches. Si on lui demandait de tuer ou torturer quelqu'un, elle le faisait, c'est tout. Même si parfois elle pouvait éventuellement réfléchir un peu à l'ironie de las situation. Mais en règle générale, elle faisait toujours une différence énorme entre ces missions et sa vie réellement privée.

Si en ce moment c'était plus difficile, c'était bien à cause de cet accident avec Declan. Avant, un bruit de pas particulier, une odeur ou une simple impression lui dictait sa conduite sans qu'elle n'ait besoin de savoir qui se trouvait près d'elle. Maintenant tout se mélangeait. Même ce qu'elle connaissait avait changé et elle ne connaissait plus rien. Avant, elle savait qu'Anna portait un parfum particulier, quelque chose de très léger et frais. Maintenant elle ne le sentait pas du tout de la même manière. Il lui était devenu désagréable et agressif. Elle avait d'ailleurs accepté de ne plus le mettre quand elle venait. Pensant que sa grossesse rendait Anya plus sensible. Le belle savait également quel bruit faisait son elfe de maison lorsqu'il nettoyait la salle de bain. Maintenant elle sursautait à chaque fois qu'il frottait le chiffon sur la baignoire. Vraiment, tout était devenu plus compliqué. Même garder Irina, ce qu'elle appréciait pourtant beaucoup, c'était devenu parfois pénible. Anya dormait déjà beaucoup moins bien seule chez elle. Lorsque sa nièce pleurait la nuit, cela rendait le sommeil plus difficile encore. En même temps, ce n'était pas vraiment la faute de la petite fille. Bien au contraire. Mais parfois c'était vraiment désagréable.

Anya avait pourtant demandé à son fils de venir la voir. Parce qu'il lui manquait vraiment affreusement. Seulement elle savait qu'il y avait de fortes chances pour qu'il ne vienne pas. Ce qui le rendrait vraiment triste. Elle ne lui avait pas donné de raison pour venir. La belle n'avait pas pris la peine de lui dire à quel point elle voulait le revoir. Il penserait qu'elle se moquait de lui. Et elle ne voulait pas non plus lui parler de quoi que ce soit. Alors elle n'avait rien précisé dans sa lettre. Quand elle avait entendu les pas dehors, elle avait arrêté de bouger et même de respirer pour savoir si c'était bien lui. Comme je l'avais dit plus tôt, elle n'arrivait pas à savoir qui c'était. La porte s'ouvrit et son fils se retrouva devant elle. Et là il lui fallut une sacré volonté pour ne pas se lever et l'embrasser comme elle l'aurait fait avant. Mais aujourd'hui elle voulait juste le revoir, en évitant les histoires, essayer de passer un moment pas trop pénible avec lui par exemple.

-Tu voulais me voir ?

Comment lui répondre sans montrer à quel point elle était frustrée de ne pas pouvoir faire autre chose que sentir cette odeur totalement inconnue mais tellement attirante qui venait de lui? Anya réfléchit un peu, cherchant vraiment à ne pas en faire trop. Mais il ne fallait pas non plus en faire pas assez.

-Oui.

Je n'ai pas oublié de retranscrire quoi que ce soit, c'était effectivement ce qu'elle avait dit. Pas un mot de plus ou de moins. Juste ce simple petit mot qui suffisait à sa réponse... pour le moment. Il ne se passait rien, il avait l'air de chercher le piège...

-Tu veux un thé ou un chocolat?

Cela ne coûtait rien d'essayer...

Andreï. Depuis le début c'était compliqué. Très compliqué. Les choses auraient été plus simples si elle était resté sur sa première idée. Elle-même aurait été moins perturbée. Tactiquement parlant tout aurait été plus simple. Si personne d'autre qu'Anna ne comptait pour elle, cela serait beaucoup plus facile. Mais non. Anya s'était laissé convaincre et maintenant elle était coincée. Comment ne pas s'attacher au plus haut point à son enfant. Ce n'était pas possible. Alors Andreï était devenu toute sa vie. Elle ferait toujours n'importe quoi pour le protéger. Là, elle pourrait vraiment être pire que jamais. Il ne serait en effet pas judicieux de s'en prendre à son fils. Et ceux qui la connaissaient un minimum le savaient parfaitement. Tout comme il serait plus que stupide que l'on s'en prenne à sa sœur. Ils étaient les seules personnes pour qui elle était prête à tout les sacrifice. Et maintenant il y avait aussi Irina. Cette adorable petite bouille qui faisait fondre Anya et apportait beaucoup de bonheur à sa mère. Au final, la famille, cela devenait plus une faiblesse qu'autre chose pour Anya. Surtout en ce moment. Elle n'avait même plus les moments de bonheur qu'elle pouvais avoir avant.

Pourtant la belle avait tout de même demandé à son fils de venir la voir. Et elle avait eut la grande joie de voir qu'il était venu quand même, tout seul, sans qu'elle n'ait besoin d'en rajouter. C'était déjà une belle victoire. Une victoire douce. Une victoire du cœur. Alors il était probable que son fils ne soit venu que pour entendre ce qu'elle avait d'autre d'affreux à lui dire. Mais ce n'était pas son intention. Restait à voir si il resterait même après qu'elle lui ait dit n'avoir rien de particulier à lui apprendre...

-Je m'en fiche.

Anya voulait juste passer un peu de temps avec son fils. Elle ferait donc de son mieux pour ne pas mettre le feu aux poudres. Elle ne relèverait pas son ton qu'elle pourrait parfaitement reprendre. Elle ne dirait rien sur cette colère qui semblait déjà le prendre. Elle ferait de son mieux pour rester parfaitement neutre et essayer de passer un peu de temps avec lui.

-T'as voulu que je vienne pour boire le thé, sérieusement ?

En fait oui. C'était juste ça. Un thé, un chocolat, un peu de temps tout simplement. Passer un peu de temps avec son fils qui lui manquait énormément. Un peu de temps avec un enfant perdu qu'elle aimait plus que tout. Un peu de temps parce que cela finissait toujours mal et qu'elle s'inquiétait pour lui. C'était normal pour une mère de s'inquiéter pour son enfant. Surtout qu'il était vraiment tout pour elle. Et que plus le temps passait, moins elle le voyait. C'était vraiment dur pour elle. Surtout qu'elle ignorait totalement qu'il avait encore quelques sentiments pour elle. Aux yeux de la belle, son fils la détestait, un point c'est tout. Ce qui était vraiment difficile. Elle hésita un peu avant de lui répondre.

-Oui, c'est tout...

Finalement, répondre toujours de manière aussi courte, même si c'était sincère, Anya avait l'impression que cela ne suffisait pas à son fils. Comme si il s'attendait vraiment à ce qu'elle lui demande quelque chose ou qu'elle lui apprenne encore quelques horreurs. Elle pourrait techniquement faire les deux. Mais pas aujourd'hui. Elle voulait rester de bonne humeur et profiter de sa présence. Elle n'aurait peut-être pas beaucoup d'autres occasion.

-Je sais bien que tu m'en veux, je le comprends et je ne l'ai pas oublié. Mais j'avais besoin de te voir. Alors, même si tu ne veux pas me parler, s'il te plaît, reste un peu...

Anya faisait de son mieux pour lui parler doucement, avec franchise. Elle avait été totalement sincère avec lui. Il était possible qu'il ne le remarque pas. Mais quoi qu'il arrive elle aurait essayé.

Anya ne savait pas trop quo penser de cette entrevue. Maintenant qu'elle était là, il était presque évident qu'en fait faire venir Andreï était une mauvaise idée. Oh, bien sûr, au début ça semblait bien, parce qu'elle avait vraiment eu envie de le voir. Mais au final, il était évident qu'il n'avait pas eu les mêmes envies. Si il était venu, c'était certainement parce qu'il pensait avoir de nouvelles réponses à d'éventuelles questions. Ce qu'elle ne lui donnerait bien sûr pas. Elle avait juste voulut le revoir. Parce qu'il était son petit chéri, et qu'il lui manquait vraiment. Et maintenant qu'il était là? Il est vrai que techniquement il n'avait plus grand chose à faire ici. Pourtant sa mère voulait qu'il reste. Juste un peu, pour l'avoir avec elle. Il pouvait se taire si il le voulait, ne plus rien dire et simplement la laisser le regarder. Il n'était pas non plus obligé de boire ou manger quoi que ce soit. Tant qu'il restait un peu là. Mais pourquoi rester? Anya ne savait pas elle-même pourquoi il le ferait. Après tout, il la détestait. Pourquoi lui accorder ça? Alors que lui ne voulait pas la voir. C'était stupide de lui avoir demandé. Seulement elle n'avait pas résisté...

Andreî n'avait pas l'air convaincue par ses réponses. Mais alors pas du tout. En même temps, il fallait s'y attendre. Elle avait espéré, mais il fallait s'y attendre. Ce n'était pas agréable du tout, mais le fait est qu'elle s'y était quand même attendu. Elle aurait aimé qu'il la laisse faire, pose ses petites fesses d'adolescent sur se canapé et se contente de boire son chocolat. Et non, raté... il devenait plus qu'évident qu'il n'était plus son fils adoré.

-Et on va faire quoi ? Se regarder dans le blanc des yeux sans rien dire pendant deux heures ?

Il est vrai qu'à la base... ben c'était un peu ça l'idée oui. Elle ne cherchait rien de plus aujourd'hui, simplement de le voir et rester avec lui. Au bout du compte, elle ne cherchait pas grand chose, rien de bien compliqué. Anya serait satisfaite de pas grand chose maintenant. En fait, rien que de savoir qu'il était venu sans qu'elle n'ait besoin d'aller le chercher était une satisfaction. Bien maigre en comparaison de cette douleur assez vive qu'il provoquait en la rejetant de la sorte. C'était déjà ça pourtant. Il était là. Le tout était qu'il ne reparte pas tout de suite...

-Des gâteaux secs et une tasse de thé, ça me suffira pas à rester, tu sais ?  J'ai pas envie de te parler, de déblatérer des banalités avec toi comme si je savais pas ce que tu as fait, les horreurs que tu as commises.

C'était comme cette discussion avec Dimitri. En fait, elle ne pouvait pas faire autrement. Si elle voulait qu'il reste, elle ne devait pas tenter quoique ce soit non plus. Alors elle devait se contenter d'écouter. Elle entendait ce qu'il disait et admettait qu'elle avait fait de mauvais choix. Seulement ses mauvais choix lui convenaient. Ce qu'elle se garderait bien de dire à son fils, c'est une évidence. Mais lui, il la ferait presque douté. Parce que c'était lui, elle remettrait presque ses convictions en cause. Presque, bien sûr. Elle n'irait pas jusqu'à tout recommencer. Même si elle l'adorait. Disons simplement qu'il avait plus d'influence sur elle qu'il ne le pensait. Anya baissa légèrement les yeux face à tant de reproches. Que faire d'autre?

-Donne moi une seule vraie bonne raison de rester, et alors j'accepterai d'y réfléchir.

Anya voulait qu'il reste, elle voulait encore le voir. Il fallait qu'elle trouve quelque chose pour le retenir, qu'elle trouve de quoi lui donner envie de rester. Au début, elle avait pensé lui proposer de le laisser lui poser des questions, de lui dire tout ce qu'il voulait. Mais en fait elle ne pourrait pas le faire. Il poserait à coup sûr les mauvaises questions. Anya ne pouvait pas lui dire être une tueuse en plus d'être une veuve noire. Elle ne se sentait pas encore non plus de lui dire être devenue loup-garou. Encore moins être enceinte. Le mieux qu'elle pourrait faire serait d'avoir avoir l'intention de se marier avec son directeur. Mais même ça il serait assez mauvais de lui dire. Alors elle laissa tomber l'idée. Elle poussa un soupir et parti sur totalement autre chose. Il fallait voir les choses en face. Ici, une seule chose pouvait encore l'intéresser...

-Fluffy est dehors si tu veux, tu lui manque aussi.

Anya se leva et ramena le plateau dans la cuisine. Elle ressentait un mélange de colère et de tristesse. Elle n'avait plus rien pour intéresser son propre fils. Elle ne pouvait plus espérer pouvoir lui parler. Et pourtant, elle avait essayé de le protéger. Elle l'aimait plus que tout, elle ferait n'importe quoi pour lui. Et lui ne voulait plus rien à voir à faire avec elle. La belle jeta chocolats et biscuits, elle ne les mangerait pas de toute façon, inutile de les garder. Et puis, c'était un défouloir comme un autre.

Oui, le chien, c'était tout ce qu'elle avait trouvé pour lui demander de rester. Après tout, il fallait se rendre à l'évidence, elle ne l'intéressait plus du tout si ce n'était pas pour se disputer. C'était triste mais visiblement elle n'avait pas le choix. Andreï était une tête de mule, et là, sa victime, c'était sa mère. Alors à quoi bon. Elle ne savait pas ce qui lui avait donné une idée pareille. C'était stupide. Tellement prévisible. Ils ne pouvaient plus juste se parler tranquillement. Il ne voulait même plus lui parler. Ni même soutenir son regard. Et pourtant. Pourtant ils avaient été tellement bien. Avant, quand il revenait de l'école, Andreï se jetait dans les bras de sa mère, il lui disait qu'il l'aimait, il était heureux de la retrouver. Maintenant il devait venir après des supplications pour finalement la mépriser du regard. Ce n'était vraiment pas ce qu'elle avait voulut. Parfois elle était tentée de retrouver son fils, de manière moins loyale. De tout effacer de sa mémoire, de ramener de force un fils qui l'aimait encore, celui qui saurait la regarder dans les yeux avec un sourire. Mais non, elle n'en avait pas le courage non plus. Cela serait barbare. Oh bien sûr elle avait déjà fait pire, mais pas avec lui, pas à son fils.

Anya était déjà déçue. Elle avait malgré tout espéré qu'Andreï se montrerait un minimum conciliant. Qu'il accepterait au moins de passer quelques heures dans cette maison. Même si elle n'avait pas demandé à tenir une vrai conversation avec elle ou même qu'il prenne la peine de rester dans la même pièce. Elle ne pouvait pas en attendre autant. Anya aimait son fils et elle avait bêtement espéré qu'il en était malgré tout de même pour lui. En vérité, il l'aimait encore. Mais ça, il le cachait si bien qu'Anya n'espérait même plus. La solution suivante serait de ne plus lui demander de venir, de se contenter de le regarder de loin lorsqu'elle en aurait l'occasion, de prendre des nouvelles de lui par Anna ou Armando. Mais même ça en fait elle avait l'impression que cela serait insurmontable.

-C'est ce que t'as trouvé de mieux ? Tu penses que je vais tolérer ta présence un peu plus longtemps à cause... du chien ?

Certes, dit comme ça, Anya voyait que l'idée n'était pas géniale. Mais elle avait cru que l'affection qu'Andreï avait pour son chien suffirait à l'occuper quelques minutes. Alors que non, il ne s'était pas fait avoir. Même si ce n'était pas vraiment une question de se faire avoir ou non, elle lui avait fait une vraie proposition. Ce chien, Anya n'y était pas particulièrement attachée. Depuis qu'elle était elle-même en partie canidé, c'était encore moins le grand amour. Vraiment moins. Alors elle s'était dit qu'au moins ce chien pourrait un peu s'amuser avec son maître pour la première fois depuis quelques temps. Ce gamin la rendrait chèvre... Anya revint vers lui, finalement plus déçue et en colère qu'autre chose. C'était lui qui la repoussait, pas le contraire. Et il devrait voir qu'elle faisait des efforts quand même...

-Va falloir trouver mieux.

Trouver mieux? Ah bah oui, le problème était que pour le coup, elle n'avait rien de mieux. Il insistait, il la poussait à aller vers lui alors qu'elle le voyait très bien faire trois pas en arrière. Elle n'était pas complètement idiote, elle le voyait faire. Et ça l'agaçait prodigieusement. Comme si cela ne suffisait pas, depuis son récent changement d'état, elle se rendait compte qu'elle était moins patiente encore qu'avant. Ce qui l'agaçait encore plus. Il fallait que ça tombe quand elle avait cette conversation avec son fils, bien entendu. Mais à ce moment, Anya était vraiment remontée à force. Elle faisait des efforts, mais elle ne pouvait pas tout lui dire non plus. C'était aussi pour son bien.

-Non. Non je n'ai pas mieux pour toi. Et je ne veux pas trouver mieux. De toute façon ça ne te suffira pas alors je n'ai plus envie.

Anya était allé chercher son chien. Il semblerait qu'elle n'ait plus rien à attendre de lui alors autant lui laisser cet animal qui, autant le dire, l'encombrait plus qu'autre chose. Elle le pris par le collier, pris son fils par le bras au passage et les raccompagna jusqu'à la porte.

-Allez, j'en ai marre, tu veux arrêter de me voir? Et bien arrête. Moi je laisse tomber. Alors prends cette saleté avec toi et débrouille-toi.

Comme ça, Anya passait pour une femme sans cœur qui mettait son ils à la porte. C'était en partie vrai. Sauf que du cœur, elle en avait assez pour savoir qu'elle regretterait ce geste un certain temps. Mais elle refusait de se laisser mener par lui. Elle ne voulait plus l'attendre. Il la retardait dans beaucoup de choses. Et quand elle cherchait à le voir, elle n'était pas en train de s'occuper des affaires de son groupe ou même plus simplement de ses affaires à elle. Alors au lieu de se faire du mal à espérer, elle préférait elle-même laisser tout ça de côté et le laisser partir...

Anya aimait son fils. C'était pas flagrant, c'est sûr, mais beaucoup de choses n'étaient pas clairement visibles chez elle. Autrement elle serait déjà enfermée, certainement. Il était même surprenant qu'elle n'ait pas déjà une dizaine de procès sur le dos. Oui, très surprenant. Mais tant pis, Anya en était très satisfaite d'ailleurs. Elle était bien mieux ici qu'en prison. Même elle le savait ça. Inconsciente et chieuse, certes, mais pas totalement hors de la réalité. Enfin, pour le moment, elle aurait bien aimé pouvoir être transparente. Aussi facile à lire qu'un livre écrit en gros avec des images à chaque page. Ceux qu'on connait par cœur à la première lecture. Elle aurait aimé qu'Andreï puisse faire cette lecture. Elle n'aimait pas que les gens puisse éventuellement savoir ce qu'elle aimait, pensait ou voulait... Mais Andreï c'était différent. Que ce soit lui ou Anna d'ailleurs. Eux, c'était important qu'ils puissent savoir ce qu'elle pensait. Parce qu'avec eux, quand elle parlait d'amour, c'était sincère. Quand elle leur disait les aimer c'était vrai. Quand elle disait vouloir toujours les garder près d'elle c'était vrai. Mais ça, maintenant, il était plus que difficile de leur montrer. Voire même de simplement leur dire. Ils l'avaient entendu le dire  à des gens qu'elle avait tué après leur avoir dit la même chose. Forcément, ils étaient sceptiques. Logique. Mais cela rendait les choses plus difficiles.

La belle y était allé un peu fort, c'est vrai. Elle était la première à le reconnaître. C'était un geste principalement symbolique qu'elle n'avait jamais pensé faire. Mettre son propre fils dehors, le chasser du manoir. Le chien, autant le dire de suite, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Mais Andreï, tout de même, c'était plutôt difficile. Elle ne le laissait pas àla rue non plus. Il pouvait aller à l'école, ou même au pire chez Anna. Ce n'était pas comme si ils avaient été totalement isolés jusqu'ici. Il pourrait même trouver le moyen d'aller chez ses grands-parents. Grands-parents qui n'étaient bien entendu pas au courant de ce qui se passait depuis plusieurs mois. Ils ne lui feraient donc normalement pas mauvais accueil si vraiment il était désespéré et voulait aller chez eux. Bref, il n'était pas non plus perdu. Mais le geste n'en restait pas moins difficile. Sur le moment, Anya n'y pensait pas vraiment. Elle était plus sanguine encore depuis ses changement de situations. Que ce soit les hormones à cause de la grossesse ou son caractère canin, elle ne savait pas ce qui jouait le plus. Mais il est certain que  cela n'aidait pas. La belle ne réfléchissait peut-être même pas encore vraiment à  ce que son geste ferait. Elle était en colère, déçue. Elle agissait, c'est tout. Le reste viendrait après. Et il était certain que cela ferait mal.

-Ok. T'en as vraiment rien à foutre, en fait ? Tu crois vraiment que tu t'es suffisamment battu pour moi, là ? Si c'est le cas, t'es une putain de lâche, vraiment. T'as rien fait, pour me garder avec toi. M'acheter avec Fluffy ou des gâteaux ? Mais tu te fous de ma gueule ! Trois mots ! Juste trois mots ! T'y as pensé, peut-être ? Même pas...

Il se trompait. Andreï ne pouvait visiblement pas la comprendre. Elle ne le comprenait pas forcément non plus au fond. Andreï ne savait pas à quel point elle y avait pensé, à ses fameux trois petits mots. Dans cette situation, ils étaient tout les deux en tord de toute façon. Ils étaient trop bornés pour admettre quoi que ce soit et visiblement, aucun ne cèderait un pouce de terrain. Forcément, ils ne pouvaient pas aller très loin. Et même si Anya pensait, cela ne suffirait jamais.

-La vérité, c'est que t'en as rien à foutre, de moi, comme t'en as jamais rien eu à foutre de tes maris.

Andreï ne pouvait pas plus se tromper. Jamais Anya ne pourrait faire à son fils ne serait-ce que la moitié de ce qu'elle avait fait à ses maris. Elle aimait son fils, ce qui faisait toute la différente entre eux et lui. Mais elle ne le reconnaîtrait pas non plus. Elle estimait l'avoir assez répété. Alors elle restait sur le pas de la porte, les bras croisés, les sourcils froncés. La belle ne cèderait rien. Même si elle le regretterait sans doute rapidement.

-Je t'aimais, maman, jusqu'à il y a une minute, je t'aimais. Mais c'est bon, maintenant... Merci, je vivrais sûrement beaucoup mieux sans toi.

Là en revanche ça faisait assez mal. Si il l'avait vraiment aimé, pourquoi n'avoir rien dit, pourquoi avoir continué son petit jeu qui consistait à lui montrer tout l'inverse? Anya en arrivait elle aussi à ce stade où elle doutait. Il lui disait peut-être cela juste pour essayer de la toucher, pour qu'elle craque. Anya fit mine de ne rien remarquer, comme si cela ne la touchait pas. Non, il ne l'aurait pas. Elle ne réagirait pas, elle ne lui ferait pas ce plaisir. Plus tard. Une fois qu'il ne serait plus là, elle douterait de nouveau. Mais pour le moment, elle ne dirait rien. Anya le regarda faire quelque pas, pensant rester là jusqu'à ce qu'elle ne le voit plus. Juste pour être sûre, rester sur ses positions. Andreï se retourna tout de même.

-Et tu sais quoi ? Je t'emmerde, maman ! Je ne te verrais plus jamais. De toute ma vie. Je te dirais bien d'aller au diable, mais t'y es déjà.

Oh non, elle n'aimait pas cela. Pas du tout. C'était normal après tout. Entendre son enfant dire cela, ce n'était jamais agréable. Une fois encore Anya fit de son mieux pour ne rien laisser paraître de son malaise. Lui non plus ne devait pas savoir ce qu'il disait. Il ne pouvait pas simplement dire qu'il ne la verrait plus. Ce n'était de toute façon pas possible. Bien sûr elle le repoussait pour le moment. Mais jamais elle ne tiendrait jusqu'au bout. Et un jour elle finirait pas avoir besoin de le voir. Mais ils n'en étaient pas là, loin de là.

-Et moi qui pensais être le diable en personne, me voilà bien déçue.

Oui elle le provoquait. C'était comme si les mots passaient simplement ses lèvres, sans qu'elle y réfléchisse. Heureusement, elle n'avait pas été assez loin pour nier l'amour qu'elle avait pour son fils. Parce que plus gros mensonge aurait été difficilement faisable. Sans compter qu'elle l'aurait largement regretté.

-Allez, vas-t'en avec ta bestiole avant de prendre racines! Et ne me sous-estime plus jamais Andreï Armyanski.

Il portait encore ce nom et le porterait toute sa vie, parce qu'il était son fils et le resterait tout aussi longtemps, quoi qu'il en dise.