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a forêt interdite était certainement, et de loin, l'un des lieux les plus fascinant de Poudlard, si tant est que l'on admettait que ce territoire comme dénué de propriétaire appartenait bel et bien à l'école de magie. tournait autour de cet endroit nombre de rumeurs qui tenaient plus de la légende absurde que de ce que l'on peut concevoir comme étant tout à fait véridique. Tom en avait bien conscience, cela n'empêchait pas d'éprouver toujours une certaine méfiance quand il dépassait la lisière des bois. Simple question de bon sens. Ce que l'on disait de cet endroit tenait souvent du mythe, mais s'avérait parfois plus vrai, en l'occurrence, il ne fallait pas prendre à la légère certains bruits de couloir, énumérant quelles créatures terribles erraient entre ces hauts arbres dont la cime dissimulait le ciel en toute circonstance, et encore plus maintenant, alors qu'il n'y avait pas vraiment de ciel, juste une épaisse couche de nuages grisâtres, et la nuit en guise de plafond naturel pour s'exposer, menaçant, au-dessus de sa tête. Il n'était pas réellement angoissé ou terrifié, cette sorte de sentiment était très éloigné de tout ce qui faisait sa personne, mais il savait se montrer précautionneux, et faire preuve de toute la prudence nécessaire qu'exigeait une expédition telle que celle qu'il entreprenait. Ne rien laisser au hasard aurait pu être l'une de ses devises tant il la respectait au pied de la lettre. Il avait envisagé toutes les possibilités... cru pouvoir palier à n'importe laquelle des rencontres qu'elle pourrait faire sur son chemin. Comme quoi, l'imprévu peut même toucher les plus précautionneux.

   Mais qu'est-ce qui pouvait bien pousser, en premier lieu, un élève aussi "irréprochable et respectueux du règlement" (aux dires de ses professeurs, tout du moins) à s'aventurer ainsi en des lieux strictement interdits, pourtant ? Eh bien, tout ce qui n'aurait pas dû attirer quelqu'un de véritablement bien sous tous rapports jusqu'ici. Mais est-ce seulement un secret pour vous que Tom Jedusor est bien loin de l'être, bien sous tous rapports ? J'en doute fort. S'il était là, c'était bien sûr pour une raison précise (puisque le préfet en chef des verts et argent ne faisaient jamais rien sans raison). Il avait besoin de plantes très spécifiques dans la préparation de potions tout sauf protocolaires, et puisqu'elles étaient justement à ce point spécifique, il ne pouvait se permettre de tout simplement les "emprunter" à Slughorn. Il fournissait dors et déjà suffisamment d'efforts pour regagner sa confiance, s'il en passait par ce genre de stratagème, ses efforts seraient vains.

Alors qu'il cheminait entre les arbres, à la recherche de ce bien précieux pour lequel il s'était déplacé jusque là, il découvrit alors ces fines flaques de sang qui jonchaient le sol. Comme happé, déjà captivé, il les avait suivi l'une après l'autre, jusqu'à tomber sur le spectacle le plus singulier qu'on puisse concevoir. Un vampire à l'oeuvre, mais sa victime n'était pas humaine.
Le craquement provoqué par son pied qui heurta une branche sans qu'il y prenne garde. Elle remarqua sa présence.

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ntre le moment où son mouvement le trahit et celui où la créature se rua sur lui, il ne se passa jamais qu'une fraction de seconde, si bien que l'Héritier de Serpentard, qui se détestait par dessus tout être pris au dépourvu, se laissa surprendre. Avant même qu'il n'ait eu le temps de réaliser ce qui lui arriver, il se laissa plaquer au sol. Le choc fut brutal, mais quand ses pupilles rencontrèrent celles de la créature, il su tout de même conserver une certaine contenance, comme s'il ne se trouvait pas dans cette position d'infériorité, au sens le plus strict du terme, qu'il aborrait par dessus tout et contre laquelle il luttait de toute son âme déjà bien amochée, si tant est que l'on puisse vraiment appeler cela une âme. Un vampire venait de fondre sur lui, la suite logique des choses voulait qu'il n'y survive pas, et pourtant, la créature à l'apparence étonnamment humaine (bien que trop livide pour qu'elle sache faire pleinement illusion) s'était finalement redressé, ne lui avait rien fait. À ce nouveau défi lancé à la mort, Tom survivait une fois de plus. N'était-ce pas le signe que ses ambitions n'étaient pas vaines ? Qu'elles étaient dans l'ordre naturel des choses ? Il était fait pour l'immortalité. Cette immortalité que celle qui se trouvait en face de lui avait déjà pour elle. Une raison suffisante pour qu'elle éveille en lui un intérêt suffisant. Suffisant pour qu'il daigne jouer avec le feu. Et il n'avait que trop conscience de le faire. Elle le lui apprenait elle-même lui faisant comprendre quelle tentation c'était pour elle de le mordre. Pourquoi ne le faisait-elle pas alors ? Elle respectait sans doute certains préceptes. Ce qui était certain, c'est que Tom n'allait pas le moins du monde s'en plaindre, et il comptait même profiter de cette information pour accepter plus longtemps la compagnie du vampire, même si c'était peut-être jouer à un jeu dangereux.

-Il s'avère que j'ai tendance à choisir les règles auxquelles je décide d'obéir.

C'était on ne peut plus vrai. En fait, il ne jugeait pour valable que les règles qu'il fixait lui-même, celles auxquelles il faisait mine d'obéir, comme le règlement intérieur de l'école où il passait pour un élève modèle, ce n'était jamais que pour assurer sa couverture, et cela équivalait donc à, une fois de plus, obéir à ses propres règles.

-Je ne voulais pas vous interrompre en plein repas. Vous pouvez poursuivre, ça ne me dérange pas.

Son ton était de la plus impénétrable neutralité. Avait-il pour autant l'esprit tranquille ? Pas vraiment, non. Il était intelligent (en tous cas, il n'hésitait pas à se proclamer comme tel - à raison, n'en déplaise à certains), suffisamment pour réaliser que ses jours pouvaient bien être en danger. Mais en même temps, il était tout aussi présomptueux qu'il pouvait être intelligent.

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lors que son interlocutrice lui faisait clairement comprendre que sa présence était indésirée, et lui laissait encore une échapattoire, n'importe qui aurait saisi cette occasion et aurait fui à toute vitesse. Après tout, l'instant d'avant, la créature n'avait pas manqué de lui montrer qu'elle pouvait être particulièrement rapide, de même que violente, et assoiffée de sang, par ailleurs. S'il voulait la garantie de sortir de cette forêt vivant, mieux valait peut-être qu'il s'en aille. Mais Tom Jedusor était loin d'être un être humain ordinaire. Il faisait en tous cas tout pour ne pas l'être, aussi ne prenait-il pas la fuite, non, jamais, ou qualifiait-il cela sous un autre terme. Il prenait très clairement des risques, mais il continuait de les penser calculés. Si elle avait voulu planter ses crocs vampiriques dans son cou, elle aurait dors et déjà pu le faire, mais ce n'était pas le cas. En conséquence et connaissance de cause, il lui semblait que le risque demeurait limité. Sans oublier que, sans être aussi immortel que pouvait l'être la rouquine à la peau pâle (à son grand regret) , il s'en approchait déjà, ce même s'il ne savait toujours pas entre les mains de qui était tombé son journal. Alors oui, il décidait de rester, allant à l'encontre d'une raison qu'il semblait partiellement délaisser, mais à dessein. Quelle autre occasion aurait-il de s'adresser à un vampire, en chair et en os qui ne subissaient pas les ravages du temps.

-À chacun sa conception de l'intelligence. remarqua-t-il simplement, signalant par la même son intention de ne pas bouger d'où il se trouvait. En ce qui le concernait, il se targuait d'avoir toute l'intelligence nécessaire à sa survie sur toute une humanité qu'il exécrait au plus haut point. Comme votre conception du vampirisme semble plutôt... hors-normes. Pourquoi ne pas vous en prendre aux humains ?

L'héritier de Salazar Serpentard s'était renseigné sur les vampires. Pour cause, une créature qui atteignait naturellement à son objectif ultime, évidemment que ça l'intéressait. Mais les manuels et autres grimoires traitant de ce sujet étaient toujours lacunaires. Les vampires étaient des créatures mystérieuses, qui se gardaient bien de révéler tous leurs secrets. Raison pour laquelle il n'avait en aucun cas l'intention de s'en aller encore. Saisir les occasions, cela faisait autant que le reste partie de ses indispensables attributions. Il resterait donc le temps qu'il faudrait, en dépit, pour une fois, d'un bon sens qu'il se targuait de posséer d'une façon générale (à chacun sa conception du bon sens, après tout.

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son ton moins qu'engageant, aux remarques qu'elle lui fit, il comprit, bien sûr, qu'il n'était pas le bienvenu, et qu'elle souhaitait avant tout qu'il s'en aille, qu'il la laisse chasser seule et lui fiche une paix royale. Lui qui se targuait d'être si intelligent et interprétait parfaitement ces signaux aurait sans doute bien fait de s'en aller, de fait, mais il était toujours aussi décidé à rester. Il voulait saisir l'occasion, une occasion qui ne se représenterait pas, il en avait bien conscience. Il était d'un naturel à toujours limiter les risques, puisqu'il n'accomplirait rien en fonçant tête baissée, mais il considérait que certains risques, s'ils étaient calculés, même s'ils n'étaient pas forcément nécessaires, valaient le coup. En l'occurrence, son interlocutrice - ce qu'elle incarnait plus que ce qu'elle était - exerçait sur lui une certaine fascination. Et comme à chaque fois, il voulait analyser, cerner, tirer parti... Elle ne voulait pas de lui, elle était dangereux, mais tant qu'il considérait que ses jours n'étaient pas inquiétés, il resterait. D'autant, en plus, qu'il se considérait déjà comme difficilement vincible. Sans bouger d'une once, il l'entendit donc lui apprendre qu'elle se moquait bien de s'en prendre aux humains, c'était aux sorciers qu'elles choisissaient de ne pas s'en prendre. Comme quoi, ça leur faisait tout de même un point commun, ils accordaient moins d'égard à ceux qui ne possédaient pas de pouvoirs magiques. Pour cause, ces personnes ne méritaient pas même d'exister. C'est vrai, elle parlait de faire une exception s'il ne s'en allait pas, mais cela ne le motivait pas à s'en aller.

-Je n'ai pas l'intention de partir. D'autant que je ne suis pas plus mortel que toi.

Enfin, il extrapolait un peu. Il avait fini par accéder, il est vrai, à une sorte d'immortalité, mais qui était sans comparaison avec celle que vivait son interlocutrice. Et c'est bien pour cela qu'il restait, d'ailleurs. Ce en dépit du bon sens.

-Pourquoi pas de sorciers ? demanda-t-il tout simplement, comme si de rien n'était, comme s'il ne voyait pas qu'il atteignait ses nerfs, comme s'il ne saisissait pas un danger qu'il comprenait pourtant.

Tom était quelqu'un d'assez curieux de nature, avant tout parce qu'il ne supportait pas de ne pas tout maîtriser, de ne pas tout avoir sous son contrôle... et l'on ne pouvait maîtriser ou contrôler ce que l'on ne connaissait pas complètement. Il y avait quelque chose à tirer de cette rencontre, il n'en doutait pas. L'Héritier de Serpentard ne croyait en rien au hasard. Il avait plus de foi en cet implacable destin qu'il n'appréciait pas davantage pourtant, car il rendait certaines choses immuables, incontrôlables. Les questions étaient nombreuses, mais il choisissait de les disséminer au fur et à mesure de cette conversation - si l'on pouvait véritablement l'appeler ainsi - avant tout parce qu'il savait déjà user sur sa patience.

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héritier avait pertinemment conscience du fait qu'il jouait avec les nerfs de son interlocutrice, elle le lui faisait comprendre de mille manières qui ne cherchaient pas à être subtiles, puisque tout ce qu'elle désirait était qu'il s'en aille et qu'elle ne voyait sûrement pas d'intérêt à faire preuve de tact avec lui, d'autant que lui-même n'en manifestait pas tant que cela par ailleurs. Contrarier une vampire n'était pas une situation d'avenir, et il avait conscience d'être peu loin de lui faire atteindre ce point de rupture. Insister, c'était une chose, la pousser à bout et la voir renoncer à ses principes pour finalement s'en prendre à lui, c'en était une autre, et il n'avait pas spécialement l'intention d'en venir à cette réserve. Il lui restait bien des questions auxquelles il voulait trouver réponse, mais il savait ne pas devoir trop forcer les choses, il tenait plus à la vie encore qu'à l'assouvissement de sa curiosité, même s'il supportait difficilement d'être placé face à l'ignorance. Elle le targuait de prétentieux, ignorait certainement que "pour la situation" était en fait un membre de phrase entièrement superflu. Le préfet en chef des verts et argents souffrait d'un évident complexe de supériorité, qu'il dissimulait derrière des airs d'humilité qui n'auraient jamais su tromper ceux qui savaient lire au fond de son âme. Mais ils étaient peu nombreux, ma foi. En fait, pas sûr qu'il en existe vraiment. Certains avaient entrevues la noirceur, mais beaucoup ne connaissaient pas la profondeur de ce gouffre, l'immensité de ces ténèbres. Si celle en face de lui avait conscience de toute cela, il est certain qu'elle envisagerait les choses d'une manière différente. Tout du moins, elle comprendrait mieux son caractère présomptueux, qu'il ne comptait pas au demeurant altérer à celle qui la provoquerait presque en ne reconnaissant pas immédiatement sa supériorité manifeste.

-Vous ne me semblez pas plus au fait de qui je suis que de ma situation.

Et effectivement, elle ne l'était pas, personne ne pouvait l'être. Cela ne le devait pas... C'était au nom de tout ce qu'elle ne savait pas, d'ailleurs, du fruit de sa présomption, qu'il se montrait aussi curieux, et devait éprouver un refus qui ne lui plaisait guère. Devait-il tenter encore une nouvelle tentative ? Ou devait-il partir tant qu'il pouvait ne pas y laisser la moindre plume ? Il avait pour lui encore suffisamment d'obstination pour ne pas baisser les bras si vite. Il lui restait des question dont il voulait obtenir des réponses, peut-être restait-il un moyen de les obtenir.

-...Tout comme vous ne semblez pas au fait de ce que je suis capable de vous offrir.

Chaque être au monde, même le plus honnête respectable, avait ses failles, la créature en face de lui ne devait pas être différente. Tout le monde a un prix, personne n'est incorruptible, c'est en tous cas ce qu'il pensait. Restait à trouver ce qui pouvait être le sien. À part son propre sang, il voulait bien tout lui concéder.

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a créature rit de bon coeur à sa proposition. Tom la laissa faire sans broncher. Ils n'étaient pas de même nature, pas de même constitution, pas bercés, illusionnés des mêmes cultures, chaque seconde de leur conversation laissait entendre et découvrir ce fossé résolument creusé entre eux et qui, faute d'interdire toute communication, rendait celle-ci laborieuse, d'autant qu'il fallait compter là sur deux égos distincts. Ils avaient au moins cela en commun, tous deux se considéraient supérieurs aux hommes dans leur intégralité (combien de fois l'Héritier de Serpentard cherchait-il à faire oublier qu'il en était un lui-même). Elle doutait très clairement qu'il puisse accéder à la moindre de ses requêtes, même si elle émettait au moins la curiosité nécessaire pour lui donner ne serait-ce que l'occasion de la convaincre. Pour l'heure, cela lui suffisait. D'autant que, bien sûr, il ne manquait toujours pas de confiance en lui et en ses aptitudes à la faire finalement plier, en dépit de sa suffisance. Que l'on soit simple sorcier, moldu imbécile, elfe de maison, fantôme, vampire, peu importe... Tant que l'on était dôté de conscience, l'on était tout autant dôté de faiblesses, et ces faiblesses venaient, irrémédiablement, de nos désirs. Il n'existait pas, l'individu en cette terre qui pouvait véritablement affirmer ne rien souhaiter, et avoir exactement tout ce qu'il voulait. Partant de ce constant, Hélèn ne pouvait échapper à la règle.

C'était souvent de la sorte que le préfet en chef des verts et argent procédait. Il sondait l'âme d'autrui, il y cherchait la faille, et il l'exploitait au maximum. N'importe qui pouvait s'acheter, et quel que soit le prix, il était capable de le payer, il ne se fixait pas véritablement de limites, tant qu'il y trouvait son intérêt sur le long terme. alors ce qu'elle voulait, tant que cela était véritablement possible, il voulait bien le lui accorder. Il se faisait passer pour l'un de ces génies sortis tout droit d'une lampe magique, promettant d'exaucer tous les voeux possibles. Mais il n'était clairement pas similaire au génie des contes les plus enfantin. Il était, bien au contraire, le plus maléfique qui soit. Et c'est uniquement parce qu'elle ne le savait pas encore qu'elle doutait à ce point.

-Tout. affirma-t-il, présomptueux comme à son habitude, et se jouant même de cette présomption. Au stade où il se trouvait, il ne fallait pas faire les choses à demi. Et aller jusqu'au bout. Sois imaginative, dis-moi ce que tu souhaites, ce que tu ne me crois pas capable de t'offrir.

Son ton était on ne peut plus sérieux. Qu'elle le mette à l'épreuve, il trouverait toujours une parade, en attendant que son regard puisse croiser suffisamment longtemps le sien pour savoir véritablement ce qu'il en était, si cela était possible.

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aisonnable ? Oui, il était peut-être grand temps qu'il songe à le devenir, oui. Pour sa survie, sans doute... et pour la survie de bien d'autres plus encore en réalité, mais si Tom Jedusor avait un jour été quelqu'un de raisonnable, cela se saurait. C'était peut-être un adjectif que certains, ceux qui pensaient le connaître sans rien savoir, lui attribuaient volontiers, parce que c'était bien là l'image qu'il donnait de lui... mais dans le fond, il n'avait rien de raisonnable. Parce qu'il hissait ses ambitions à un niveau d'une prétention qu'aucun être humain normalement constitué ne devrait posséder. Jamais. Mais trop tard. Pour lui, il était bien trop tard. Il avait dépassé le stade de la déraison il y a une bonne éternité déjà, et pour preuve, ce morceau d'âme qu'on lui avait au demeurant dérobé, n'aurait su mieux le confirmer. Qui de raisonnable accepterait de diviser son âme en morceaux ? Et était bien déterminé à le faire plusieurs fois, qui plus est. Enfin, si irraisonnable était-il, il y avait bien un moment où il fallait cesser de pousser trop loin la déraison... bien sûr. Sous peu, sous peu... Mais d'abord, une dernière petite chose, un léger essai. Après cela, s'il ne parvenait pas à obtenir quoi que ce soit d'elle, il s'en irait. Sans s'avouer vaincu, car c'était bien là le genre de choses qu'il n'admettrait jamais. Enfin, une mini défaite jamais admise comme telle valait mieux que de finir vidé de son sang, des traces de crocs sur le cou.

Juste un essai. Il profita que son regard daigne sans mal se plonger dans le sien pour une tentative, qu'il n'était pas certain de voir aboutir à quelque chose. La legilimencie était un art qu'il lui avait pris du temps à maîtriser, mais dans lequel il s'en sortait pour le mieux désormais. Cela étant, il y avait une bien grande différence entre chercher à pénétrer l'esprit d'un simple humain, même sorcier, et chercher à sonder quoi que ce soit des pensées d'une créature venue des bas-fonds. Il s'en rendit très rapidement compte, d'ailleurs, l'exercice lui demandait plus d'efforts, plus de concentration... Comme si une barrière invisible et forte le séparait de la vérité nue, n'amenant à lui que des bribes d'éléments, des images furtives. Des éléments en désordre, qu'il ne devait pas trop donner l'air d'analyser, pour ne pas rendre l'impression d'avoir franchi une étape qui, cette fois, aurait bien pu lui valoir une mort certaine. Alors il prenait les éléments tels qu'ils lui venaient, et tentait au mieux de les assembler, comme les pièces désordonnées d'un même puzzle. Une femme à l'apparence jeune, à la longue chevelure brune. Un nom. Une impression. Et quelques images qui parasitaient le tout ne semblant pas avoir le moindre rapport avec le reste, et qu'il préféra occulter, même si elles avaient peut-être de l'importance. Pas le temps de s'encombrer d'un nuage de symboles.

-Votre mère, par exemple ? décréta-t-il, l'air sûr de lui, à tout hasard pourtant (ou en partie).

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Héritier savait pertinemment qu'il allait de plus en plus loin dans une imprudence qui, s'il ne mettait pas rapidement le hola, serait targué d'inconséquence. Mais il avait voulu jouer sa dernière carte, abattre sa dernière cartouche, puisque l'on ne savait jamais quand une occasion du genre pouvait bien se représenter. Il ne regrettait rien des risques pris, même s'il ne s'attendait pas outre mesure à un résultat véritablement probant. Ce qu'il souhaitait était avant tout d'aller le plus loin possible dans son entreprise. Autant tester ses limites à lui que ses limites à elle, en demeurant tout de même à quelques millilmètres de cette frontière qui, s'il la franchissait, serait fatal, et mettrait - stupidement selon lui - fin à une destinée bien plus grande - toujours selon lui - que cela. Tom avait voulu cerner les faiblesses de son interlocutrice, ces mêmes faiblesses qu'il avait toujours le réflexe de rechercher chez autrui, pour mieux les retourner contre eux. Pour mieux les utiliser à son avantage. Et si ce n'était pas de suite, assurément plus tard.

Le cas d'Helén était clairement à part, mais il semblait, dans tous les cas, qu'il ait touché un point sensible. Il suffisait de considérer la véhémence avec laquelle elle tuait symboliquement la mère en reniant jusqu'à leur lien de parenté, et cette colère qui avait semblé naître dans son regard aussi bien que dans le ton de sa voix. Elle se rapprochait dangereusement. Au feu avec lequel il jouait depuis tout à l'heure, il allait se brûler s'il daignait aller plus loin. Il l'avait compris. Il avait déjà dépassé l'envisageable. Aller plus loin pourrait causer sa perte. Et sa vie qu'il souhaitait aussi éternelle que celle de son interlocutrice (même si en l'occurrence, c'était sa mort, qui était éternelle) ne pouvait clairement pas cesser là. Ni ici et maintenant, ni ailleurs et jamais, en dépit de ce que les tout droit venus du futur cherchaient à lui faire croire.

-Inutile de vous emporter. dit-il dans tout son calme importun (même si, intérieurement, il faut bien le dire, il craignait pour sa vie. Mais quel intérêt aurait eu le moindre geste brusque ou le moindre signe de frayeur, si ce n'est de précipiter sa chute dans le déshonneur ? ). Je n'ai nullement l'intention de l'atteindre pour obtenir quoi que ce soit de vous.

L'inverse, il ne le garantissait pas. Il savait que cette conversation ne pouvait plus durer, mais il voyait naître en lui une idée qui, si leurs chemins venaient à se recroiser, avait toutes les chances de l'exploiter. Enfin, pour l'heure, il n'était plus temps de tenter le diable (et de quel diable pouvait-on parler quand lui-même semblait en être un depuis bien longtemps ? ).

-Ne vous inquiétez pas, je ne vous importune pas davantage. Bon appétit ?

Et sur cette phrase prononcée d'un ton semi interrogatif, il tourna les talons. Le risque demeurerait tant qu'il n'aurait pas quitté cette forêt, mais il comptait bien ne pas accélérer le pas, moins encore sous son regard. Et conserver la même cadence jusqu'à atteindre le château.

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