On raconte que les yeux sont le miroir de l'âme. Regardez dans ceux d'Octavia et vous verrez la souffrance. La souffrance d'avoir perdu son frère et ses parents, d'avoir fui son pays natal, d'avoir assisté à la défaite de la nation qui l'a vue grandir. Tout cela, réuni dans l'âme d'une adolescente de dix-huit ans. Au début, il n'y avait que de la souffrance, rien d'autre. Et puis au fil des années, Octavia a gagné en maturité et son caractère s'est affiné, posant ses fondations sur sa profonde douleur. Tout ce qu'elle est y est lié, ce qui fait qu'elle ne peut pas être heureuse sans se détruire.
C'est, en tout cas, ainsi qu'elle voit son avenir. Parce que tant de personnes qu'elle aimait se sont vus refuser une vie paisible, elle n'a pas le droit d'en profiter non plus.

Le remord, c'est aussi ce que vous percevrez dans son regard brun. La honte de n'être pas retournée en Italie avec Armando pour revoir ses parents une dernière fois, la honte d'être en vie alors qu'ils ont trouvé la mort, la honte de ne pas intervenir dans le conflit qui ronge Poudlard par crainte. Et lâcheté.

Chez certains, la douleur et la perte sont une sorte de prise de conscience de leur propre courage. Chez Octavia, tout cela n'a jamais servi à faire d'elle un soldat, ou une résistante. Elle traverse les années dans son coin, solitaire, sans intervenir. La guerre lui a trop enlevé pour qu'elle se jette à corps perdu dans un nouveau conflit. Elle refuse que les combats rythment sa vie.

Pourtant, Octavia est fière : de ses origines, de sa nationalité, du sacrifice des membres de sa famille pour un idéal. Il lui a fallut du temps, pour s'affirmer fière d'être Italienne, dans un pays où l'Italie était l'ennemie. Mais ayant décidé qu'elle ne pouvait volontairement annihiler cette partie d'elle-même, elle a préféré en faire sa force. Alors oui, Octavia lit de l'Italien, elle écrit des poésies en italien, elle peint des paysages toscans et lombards. Et quand elle parle, c'est en Italien. Jamais elle ne reniera ses origines et c'est certainement ce qui fait sa plus grande force parce que sous le mirage de sa lâcheté, Octavia est capable de beaucoup. C'est juste qu'elle ne le sait pas encore.

Octavia est une adolescente timide, réservée, discrète et silencieuse. Elle déteste les esclandres et ne parle plus depuis plusieurs années. Ses enseignants ont bien fini par s'y habituer, mais elle continue à se heurter à l'incompréhension et aux moqueries de ses camarades.

Parce qu'elle passe beaucoup de temps seule, Octavia a développé un goût tout particulier pour les études. Passionnée d'histoire de l'art et d'histoire de la Magie, elle rêve de travailler un jour dans un musée. Elle est tout particulièrement fascinée par les travaux des préraphaélites et occupe son temps à faire des esquisses de leurs plus célèbres tableaux, sans grand succès. Octavia n'a pas de talent artistique particulier, si ce n'est pour faire ses bijoux. Elle est surtout une jeune fille réfléchie et intelligente, même si très peu savent qu'elle s'exprime particulièrement bien.

Octavia est de ces filles qu'on remarque du coin de l’œil, mais sur lesquelles ont ne s'attarde pas. L'adolescente de dix-sept ans n'est pas très grande et particulièrement maigre. Elle ne mesure en effet que un mètre 55 et n'ose pas se peser, de peur d'être horrifiée par le résultat que lui indiquerait la balance.

Elle a de magnifiques cheveux roux qui lui viennent du sang écossais de sa grand-mère paternelle et dont elle prend particulièrement soin. Lorsqu'elle était enfant, sa mère les coiffait en de ravissantes anglaises tombant sur ses épaules. Aujourd'hui qu'Octavia est grande et orpheline, elle les porte libres et sauvages.

Les traits de son visage en font une poupée aux joues émaciées, couvertes de tâches de rousseur qui lui donnent un petit air espiègle, bien loin de la réalité de son caractère. De jolis yeux marrons complètent ce portrait.

Comme dit plus haut, Octavia est maigre. Pendant son enfance, en Italie, elle était rondelette et pleine de vie. Aujourd'hui, elle a fondu pour n'être plus qu'une adolescente chétive dont le physique reflète l'état psychologique. Pourtant, elle redouble d'efforts pour ressembler à ces autres filles aux courbes attrayantes et qui font tomber les garçons. Elle leur envie leur visage souriant, l'aura de bonheur qui les entoure et la facilité avec laquelle elles semblent avancer dans la vie.

Du point de vue vestimentaire, Octavia portait beaucoup de vert pendant son enfance jusqu'à ce qu'on la compare à une carotte à son arrivée à Poudlard. Depuis lors, elle a relégué au placard ses habits verts et leur préfère des teintes d'ocre,  de châtain et d'ébène. Elle confectionne elle-même ses bijoux, ce qui l'occupe le plus clair de son temps. Un pendentif est caché dans son décolleté, cadeau de son oncle pour son entrée à Poudlard. On y trouve gravé les prénoms de ses parents et de ses frères et sœurs.

C'est en Italie, qu'Octavia voit le jour, par une frisquette matinée de mars 1928. Depuis six ans, le pays a basculé dans la violence fasciste du nouveau gouvernement. Le Duce a transformé la péninsule en un vaste champ de batailles ; une guerre civile pour la liberté. Les parents de l'enfant, Edda Bresci et John Disraeli Jr. se sont rencontrés une soir de mai dans les rues de Milan. Ils se sont mariés un an après et à l'automne 1921 leur est né leur premier fils, Vittorio. Entre la naissance de l'aîné Disraeli et Octavia, Edda donne à John trois autres enfants (Armando, Rachele et Teofilo). Dès 1922 et la Marche sur Rome qui marque la plongée du pays dans la sombre double décennie de violences, le couple Disraeli est montré du doigt. En effet, John est Juif et Britannique et sa présence dérange. Oh bien sûr il a épousé une Milanaise, travaille à l'usine comme une majorité d'Italiens, paye ses impôts et honore son roi. Cependant, le gouvernement ne peut s'empêcher de lui trouver un malicieux air de traître, avec son nom à consonance juive, son abominable manie de boire des litres de thé et l'éducation typiquement anglaise qu'il dispense à ses enfants. Les squadre, ces bandes violentes plus ou moins dirigées par le gouvernement fasciste s'en prennent à la famille d'Edda, dont le cousin éloigné est l'assassin de l'ancien roi. Un étranger et une cousine de régicide, le cocktail déplaît fortement aux autorités. Mais la loi protège le ménage Disraeli - du moins jusqu'à l'entrée de l'Italie dans la guerre.

Malgré les événements qui embourbent l'Italie dans la violence fratricide, Octavia grandit dans une famille aimante. Son père et sa mère sont protecteurs et veillent à ce que le statut de John ne joue pas trop sur la sécurité des enfants. A l'âge de neuf ans, en 1937, Octavia découvre ses pouvoirs magiques, ce qui n'est pas pour rassurer son père. Il décide de l'empêcher de participer aux activités des jeunesses fascistes. Le risque est bien trop grand et la famille Disraeli est déjà suffisamment pointée du doigt à Milan. La situation s'aggrave lorsque le propre père d'Edda est assassiné par un fasciste en pleine rue et que John rentre de l'usine meurtri par les coups de ses collègues de travail. Il prend une décision radicale qui changera la vie de ses enfants : Octavia et toute la fratrie est envoyée en Angleterre. Edda et John restent à Milan, tandis que leurs enfants fuient la guerre qui approche à grand pas, se réfugiant chez leur oncle paternel, à Londres.

Une nouvelle ère s'ouvre dans la vie d'Octavia. A Londres, elle découvre que son nom de famille n'est inconnu de personne et que son ascendance joue dans les relations qu'elle tente de tisser. En effet, son père est un des petits-enfants du célèbre ministre britannique Benjamin Disraeli. L'oncle Disraeli, Aleph et son épouse Mathilde se chargent de l'éducation de leurs neveux et nièces, leur assénant l'importance que leur religion doit occuper dans leurs vies. L'année suivante, le sang magique d'Octavia l'envoie à Poudlard. Pour l'enfant renfermée et craintive, c'est une renaissance. Elle découvre, émerveillée, l'existence d'un autre monde où la magie règne en maître, où de simples morceaux de bois sculpté font des miracles et où ce qu'elle pensait être une monstruosité est parfaitement normal. Pourtant, son bonheur est de courte durée : l'Angleterre entre en guerre aux côtés de la France contre l'Allemagne et l'Italie, unies. La nationalité d'Octavia attise les haines, détruisant son rêve d'unité magique. Son accent italien est moqué, son prénom tourné en dérision - seul son nom de famille force encore l'admiration. Il ne reste rien de la fierté qu'elle voyait dans les yeux de ses parents.

Les années passent à Poudlard et Octavia s'enferme. Elle ne sourit plus, ne rit plus, en oublie même de parler. Silencieuse, solitaire, secrète, l'adolescente s'inquiète pour ses parents dont elle n'a plus une seule nouvelle depuis son arrivée en Angleterre. Aleph et Mathilde sont devenus des parents de substitution pour la fratrie Disraeli. Vittorio entre en politique aux côtés de son oncle, faisant ses classes auprès des grands hommes de la guerre. Armando décide, quant à lui, de retrouver ses parents. Il quitte l'Angleterre pour l'Italie, malgré le refus de l'oncle Aleph. Une fois sa terre natale gagnée, il entre dans l'armée italienne et est envoyé sur le front russe. Il décède à Stalingrad, lors de la contre-attaque soviétique de novembre 1942. La nouvelle ne parviendra à sa famille qu'à la fin de la guerre. Edda et John, qui fuient à travers la France pour rallier la Manche et passer en Angleterre sont arrêtés par des soldats de la Milice à Chambéry. La nationalité de John est rapidement découverte et leur vaut un aller simple pour l'Allemagne, où ils sont enfermés dans un camp de travail. Ils ne se reverront jamais et meurent tous deux pendant l'hiver 1944.

A Poudlard, Octavia finit par comprendre qu'elle ne reverra jamais ni ses parents, ni son frère aîné. Les intrigues qui bousculent la vie tranquille des étudiants ressemble trop à la tragique page d'histoire qui s'écrit au-delà de la Manche. Meurtrie par tout ce que la vie lui a enlevé, Octavia reste en retrait des oppositions qu'elle voit se cristalliser entre les maisons. La guerre ravage suffisamment les populations européennes pour ne pas l'introduire plus dans l'enceinte de Poudlard. Arrive 1945. Les Alliés ont débarqué en Normandie et progressent vers Berlin, anéantissant tout espoir de victoire de l'Axe. Finalement, les journaux annoncent la mort d'Hitler et la fin de la guerre. Londres, bombardée et détruite, panse ses blessures ; l'Europe pleure ses morts. Personne n'a gagné. L'Humanité est la grande perdante, même si la démocratie triomphe. Sauf à Poudlard, où tout s'enchaîne et se complique. Les rumeurs les plus folles courent dans les couloirs de l'école de magie, troublant l'euphorie qui suit l'annonce de l'armistice. La mort de Morgan Ciallmhar dans d'étranges circonstances confirme que la guerre n'a pas épargné l'école et continue de s'y agripper, déversant toute sa haine et sa frustration de n'avoir pas emporté les démocraties victorieuses d'Europe. Puis survient la mort d'Olive Hornby, ébranlant de nouveau le microcosme magique. La guerre se serait-elle réincarnée à Poudlard ?