Dire au revoir à Aiden était toujours un peu compliqué. Il fallait s'y prendre un peu à l'avance. Parce qu'il y avait toujours une petite déception. Et puis après il y avait un câlin qui lui était demandé. Câlin que le jeune homme n'était pas vraiment pressé de terminer. Vous savez, comme n'importe quel enfant qui ne veut pas quitter une personne. Alors il voulait perdre du temps, la retenir un peu. Mais au moins, avec Aiden, cela restait raisonnable. Parce que Morticia revenait rapidement le voir. Elle finit donc par quitter le manoir Fawcett.

Une fois la grille passée, il y avait toujours une petite période d'adaptation inconsciente. Le temps de repasser de Ticia à Morticia. De la préceptrice bienveillante au professeur tyrannique. Elle ne le faisait pas exprès. Mais c'était un fait. Les habitudes revenaient au galop et elle devait s'y plier sans rien dire. Que vouliez-vous qu'elle fasse de toute manière. On ne pouvait pas changer totalement du jour au lendemain. Morticia ne pouvait donc pas totalement laisser place à Ticia. Surtout à Poudlard. Sa réputation faisait déjà tout le travail. Changer serait vite décourageant parce que personne n'y croirait. Elle n'essayait donc même pas.

Une fois au château, elle remis sa mauvaise humeur en avant, comme toujours. C'était comme ça ici. De toute façon elle n'avait pas de raison particulière de se réjouir. Les élèves, les autres professeurs. En sois, rien de bien sympathique ou bien même excitant. Juste des gens qu'elle croisait tout les jours sans pouvoir les supporter. Il n'y avait vraiment que ses serpents qu'elle pouvait supporter sans problèmes. Et encore. Ils pouvaient être assez lourds quand ils avaient faim. Mais là, normalement, ils avaient mangé et n'étaient pas non plus malades.

Une fois dans son bureau, Morty les sortit tout les trois de ses appartements pour qu'ils bougent un peu. Puisqu'elle était là pour les surveiller, cela ne dérangeait personne. Ils ne sortiraient pas. Et tant qu'à faire, elle s'alluma une cigarette. Avant d'être la préceptrice d'Aiden, s'en acheter était un bonus qu'elle ne se permettait pas souvent. Mais avec ce revenu supplémentaire, elle s'était offert ce petit plaisir. Après tout, qui cela pouvait bien déranger? Tant qu'elle ne fumait pas près d'Aiden. Elle était donc près de la fenêtre ouverte quand on toqua à la porte. Un visiteur? À une heure pareille? Mais qui était l'abruti qui venait la voir maintenant. Elle invita l'intrus à entrer, ne serait-ce que par curiosité.

Mieux vaut être seul que mal accompagné, cette maxime employé sans arrêts, à tort et à travers, par des personnes qui, qui plus est, étaient en fait pour la plupart très bien accompagnées, s'appliquait à merveille à la fille de l'infirmière. Pour cause, le nombre des amis de la bleue et bronze se comptait sur les doigts d'une main, et ça lui convenait très bien comme ça. Louisa n'était pas de nature à accorder sa confiance facilement. Elle préférait le faire avec parcimonie, et toujours à l'adresse de personnes dans lesquelles elle pouvait faire infiniment confiance. Elle ne comprenait pas ces personnes qui se sentaient l'obligation de s'entourer d'une ribambelle de "potes", qui finalement ne savaient absolument rien d'eux, pour se sentir exister. C'était si futile, si superficiel... Très peu pour elle. Elle pouvait bien passer pour une asociale, elle s'en fichait. Elle ne comptait pas après le nombre de ses amis pour donner un sens à sa vie. Avec son fichu caractère, de toute manière, ce n'est pas comme si beaucoup de ses camarades avaient la foi de l'approcher. Elle s'en moquait. Elle préférait, et de loin, la solitude, ou se plonger dans un bon bouquin. Non, elle ne mentait pas.

De toute façon, elle trouvait dans les amitiés quelque chose de fragile, d'instable, de mensonger... Elle peinait à se lier à ses camarades, elle trouvait toute relation avec eux... inutile. Pour elle, on ne s'entourait d'amis que pour tromper l'ennui, ou pour affirmer, son égo, un point c'est tout. Oui, sauf que parfois, Louisa, en effet, manquait cruellement d'amis sincères. Elle s'en rendait compte à l'heure actuelle. Oui, les amis n'étaient pas toujours là que pour les apparences. Les vrais amis vous soutenaient dans les moments difficiles. Ils vous rassuraient quand ça allait mal. Elle le voyait bien... à l'heure où elle ne se sentait pas bien, pas bien du tout, elle devait admettre regretter de n'avoir personne vers qui se tourner. Il y avait des occasions où se tourner vers les livres n'étaient pas suffisant. Oui, Louisa n'était pas au meilleur de sa forme, dernièrement. La faute à sa mère, bien sûr. La situation avait atteint un évident point de non retour, et, à l'approche des vacances scolaires, la bleue et bronze ressentait une profonde et immuable appréhension. Et finalement, vers qui la deuxième année se tournait-elle ?

C'est la meilleure, je ne vous le fait pas dire. Mais que voulez-vous ? Elle était la seule à vraiment, ou plus ou moins, savoir ce qui se passait entre la mère et la fille, et surtout, elle était adulte. Elle serait de bien meilleur conseil que la plupart des gosses immatures de son âge. Par moments, Louisa avait vraiment le sentiment d'être une adulte enfermée dans un corps de gosse. Et ça la frustrait énormément. Parler à une adulte était peut-être encore la meilleure des solutions. Même si cette adulte était Morticia Mathews. Elle s'était donc rendue au bureau du professeur de défense contre les forces du mal, et était entrée quand on l'y avait invité.

-Excusez-moi de vous déranger... Vous avez un peu de temps ?

La journée avait été calme, tranquille, sans surprise. Finalement, la fin de cette journée devait être un peu pareille si on suivait la logique. Et bien non. Morticia devait avoir de la visite. Il fallait qu'une personne probablement désespérée ne veuille venir la chercher jusque dans son bureau en pleine pose cigarette. Vous vous rendez compte? Ça c'était de la surprise. Ce qui se voyait assez sur le visage du professeur en fait. Et ce n'était pas tout.

Non seulement avoir de la visite à une heure pareille était déjà surprenant. Mais la personne assez désespérée ou stupide était tout aussi surprenante. Louisa Sparkley. Qu'est-ce que la jeune fille pouvait bien lui vouloir? La dernière fois qu'elles s'étaient retrouvé seules toute les deux, Louisa avait accepté de très mauvais conseils de son professeur. Sans compter qu'elle lui avait demandé quelques petites choses très personnelles sur son enfance. Le plan machiavélique que Morticia avait imaginé prendrait-il enfin un peu plus d'importance? Voilà qui serait assez génial. Cette histoire commençait à se faire assez ancienne. Et il était effectivement temps de faire avancer les choses. Toutes les bonnes résolutions qu'elle prenait avec Aiden ou Andreï ne lui étaient plus d'aucune importance. Avec Louisa c'était différent. Il y avait sa mère, qui était une cible bien plus alléchante que ces bonnes actions qui de toute façon n'étaient pas prises au sérieux.

-Excusez-moi de vous déranger... Vous avez un peu de temps ?

Toujours un peu surprise tout de même, Morticia n'avait pas vraiment autre chose à faire de toute façon. Et puis, c'était tour de même agréable de voir ses plans avancer! Soyons honnête, imaginer la détresse dans laquelle serait Zelda une fois tout mis en place était déjà une joie. Savoir que ça serait à cause d'elle devenait presque jouissif.
Écrasant (un peu à regret) ce qui restait de sa cigarette et fermant la porte, Morticia essaya de retrouver ce petit côté doux qu'elle avait réussit à trouver avec Andreï.

-Vous ne me dérangez pas. Je vous en pris, asseyez-vous.

Morty pris tout de même le temps de ramasser ses reptiles pour les mettre dans un coin de la pièce pour qu'ils n'effraient pas trop la jeune fille. Ça serait dommage de la voir partir en courant si leur affaire marchait enfin. Venant s'asseoir devant elle, Morticia lui prêta toute son attention. Enfin, disons qu'elle prêta attention à ce que la jeune Louisa pouvait lui apprendre de croustillant sur sa chère mère.

-J'ai tout mon temps. Vous vouliez me parler?

Louisa n'était vraiment pas certaine d'être à sa place, là. Elle était venue voir le professeur Mathews faute de savoir à qui s'adresser, mais elle se demandait si elle avait bien fait, en définitive. Après tout, demander à son professeur de l'aider à se liguer contre sa mère, c'était assez... immature, non ? Oui, et elle qui se targuait la plupart du temps d'être nettement plus mature que la moyenne n'appréciait pas spécialement quand elle avait ce genre d'attitude, qui rappelait nettement à tout le monde qu'elle n'avait jamais que douze ans, et qui le lui rappelait aussi. Enfin, hein, maintenant qu'elle était là, il aurait été encore plus immature de sa part de rebrousser chemin. Alors elle referma la porte derrière elle et décida d'assumer. Elle affichait maintenant cet air neutre et volontaire. Quel que soit le regard que lui porterait son professeur de défense contre les forces du mal après qu'elle ait reprit la parole.

-Vous ne me dérangez pas. Je vous en pris, asseyez-vous.

La bleue et bronze s'exécuta. Elle prit place sur l'une des chaises en face du bureau de son professeur. Au moins, elle ne semblait pas l'interrompre en plein travail, ce qui ne voulait pas forcément dire qu'elle ne dérangeait pas.

-Vous pouvez continuer à fumer, vous savez ? Ma mère fume comme un pompier, la fumée me dérange pas, je suis plus à ça près.

Et c'était totalement vrai. Depuis sa plus tendre enfance, il semblait à Louisa ne jamais avoir connu une période durant laquelle sa très chère génitrice ne fumait pas. Un comble pour une infirmière de si mal soigner sa santé ? Ouais, en même temps, personne n'emmerdait quiconque à l'époque sur les méfaits du tabac, alors bon. Quoi qu'il en soit, oui, les effets de la fumée ne la dérangeait pas le moins du monde.

-J'ai tout mon temps. Vous vouliez me parler?

Ouais. Elle était pas là pour lui demander de lui apprendre à faire du point de croix, hein. Même si elle n'était pas certaine que sa décision était moins ridicule. Il allait falloir attendre de voir sa réaction quand elle aurait explicité les raisons de sa visite.

-C'est au sujet de ma mère. Surprenant, hein ? Elle veut que je passe les vacances de Noël avec elle et comme c'est totalement hors de question, je me demandais si vous accepteriez de lui parler... Elle savait bien que ce n'était pas là le rôle de son interlocutrice, mais si elle tenait tête seule à sa mère, ça ne mènerait absolument à rien. Morticia avait offert de l'aider, un jour. Le fait est qu'elle ne l'avait pas oublié.

Morticia ne savait pas vraiment quoi penser. Elle n'était pas non plus totalement perdue, c'est certain. Mais elle était un peu tiraillée. Parce qu'elle aimait bien être seule, c'était une évidence. La compagnie des autres lui était parfois peu agréable. Sauf que pour le moment, il s'agissait de Louisa Sparkley. Elle, c'était la fille d'une femme qu'elle détestait. Alors ce n'était pas pareil. Et Morticia était malgré tout ravie de l'avoir devant elle.
Maintenant, elle ne s'attendait pas à la revoir aussi tôt. Parce qu'il fallait tout de même se souvenir qu'il s'agissait de Morticia. Et qu'objectivement, on ne pouvait pas aimer Morticia. C'était comme avouer aimer un mauvais chanteur. Improbable et très mal vu. C'était pourtant pas faute de faire des efforts.

-Vous pouvez continuer à fumer, vous savez ? Ma mère fume comme un pompier, la fumée me dérange pas, je suis plus à ça près.

Que ça mère le fasse n'était pas forcément une raison pour que l'enseignante continue. Si elle n'avait pas arrêté d'elle-même cela l'aurait certainement décidé. Mais c'était gentil de la part de Louisa... sérieusement, on se mettait à être gentil avec Morticia quoi!! Mais c'était génial! Comme quoi ça pouvait servir. Enfin bref..

-Oui, mais ce que fait votre mère n'est pas forcément une référence...

Au moins, ça c'était fait. Mais la visite de cette jeune fille était intrigante tout de même. Quel besoin avait-elle de venir voir ce professeur à cette heure? Bon, ceci dit, la plus embêtée serait peut-être la jeune fille elle-même puisque c'était elle qui risquait d'attirer les interrogations des reptiles et de se retrouver avec un ou deux à ses pieds. Mais tant pis. De toute façon, ils n'étaient pas méchants...

-C'est au sujet de ma mère. Elle veut que je passe les vacances de Noël avec elle et comme c'est totalement hors de question, je me demandais si vous accepteriez de lui parler...

Bon, qu'elle vienne lui parler de sa mère n'avait rien de surprenant. C'était même le but de leur accord. Mais la suite était bien plus étonnante. Je rêve ou elle lui demandait de jouer l'assistante sociale? Elle manquait pas de cran celle-là. Ceci dit, ça serait drôle. Mais bon, délicat aussi. Parler avec Zelda déjà, c'était compliqué. Mais que Morticia lui parle, là ça serait encore pire. Cette histoire finirait en règlement de compte. Aussi amusant que cela puisse être, Morticia doutait très sérieusement d'être d'une quelconque utilité...
Le regard à la fois perplexe et amusé, elle cherchait un peu quoi répondre à cette demande.

-Et bien je... euh... vous êtes consciente qu'on s'apprécie autant l'une que l'autre? Parce que je veux bien lui parler... mais ça risque de mal tourner et aucune de nous ne sera satisfaite... mais c'est vous qui voyez...

C'était à la fois tellement entant et tellement risqué. Quel dilemme Louisa lui imposait là...

En voyant l'air parfaitement dubitatif sur le visage du professeur de défense contre les forces du mal, Louisa comprit qu'elle aurait dû s'exprimer différemment. C'est sûr que ses propos pouvaient largement prêter à confusion, quand on y réfléchissait. "Lui parler", ça donnait vraiment l'impression qu'elle voulait que Mrs Mathews établisse un dialogue avec sa mère pour essayer de lui faire comprendre les raisons qui poussaient la bleue et bronze à vouloir passer les fêtes en présence de n'importe qui sinon d'elle. Bien sûr que c'était une idée qui ne tenait pas la route. Louisa savait bien que ces deux-là ne pouvaient pas se parler sans se prendre la tête. Non, son idée était ailleurs, elle n'avait juste pas eu le temps de la développer.

-Et bien je... euh... vous êtes consciente qu'on s'apprécie autant l'une que l'autre? Parce que je veux bien lui parler... mais ça risque de mal tourner et aucune de nous ne sera satisfaite... mais c'est vous qui voyez...

Oui voilà, son professeur n'avait effectivement pas compris son intention. Comment l'aurait-elle pu ? Elle s'était exprimé avec la clareté d'une morue atrophiée, c'était tout à fait pitoyable, absolument pathétique. Mais elle comptait bien se rattraper. Se maudissant elle-même de son absence de rhétorique, elle donnait malgré tout l'impression de rien, et répondit avec infiniment de politesse.

-Je sais parfaitement que vos rapports ne sont pas au beau fixe, ne vous en faites pas. Loin de moi l'idée de vous demander de lui faire entendre raison de cette manière. Ma chère génitrice est une tête de mule, elle écoutera rien de toute manière.

Il ne fallait pas se demander mille ans de qui Louisa tenait, d'ailleurs, elles avaient à peu de choses près le même caractère. Mais bien sûr, ce qu'elle assumait parfaitement chez elle, elle  ne le supportait pas chez sa mère. On ne se refait pas, qu'est-ce que vous voulez ?

-En fait, j'avais plutôt dans l'idée que vous pourriez m'aider d'une autre manière. En acceptant d'inventer un prétexte qui m'"obligerait" à rester ici pendant les vacances. Vous pourriez prétendre que j'ai besoin de cours particuliers dans votre matière, par exemple ?

Ce n'était pas le cas, bien sûr, une chance pour elle, Louisa était une élève vraiment brillante, ses résultats scolaires étaient irréprochables.

-Je sais que ce n'est pas votre rôle et que je ne devrais pas vous demander ça, mais... Louisa baissa les yeux. Je veux vraiment passer les fêtes loin d'elle. Lors des dernières fêtes qu'on a passé ensemble, elle m'a giflé, j'ai pas envie de revivre ça...

Oui, Louisa avait la rancune tenace, elle gardait ce soufflet en travers de la gorge. Elle ne savait toujours pas à ce jour que son attitude et celle de sa mère à ce moment là avaient complètement été influencées par cette toxine qui traînait dans l'air, et qui avait achevé de gâcher les relations de la mère et de la fille.

Au fond, Morticia espérait bien avoir compris les propos de son élève de travers. Ce n'était pas du tout son rôle d'aller tenir la conversation avec Zelda. Non seulement parce qu'elle la détestait mais en plus parce qu'elle ne voyait pas du tout l'utilité. Elle n'avait pas grand chose à gagner à aller lui parler comme elle disait. Et notre professeur ne faisait pas grand chose sans avoir quelque chose à en retirer.

-Je sais parfaitement que vos rapports ne sont pas au beau fixe, ne vous en faites pas. Loin de moi l'idée de vous demander de lui faire entendre raison de cette manière. Ma chère génitrice est une tête de mule, elle écoutera rien de toute manière.

Ah, vous voyez, elle-même l'admettait. L'infirmière était impossible à vivre, peut-être même autant que Morticia. Et pourtant, c'était dur. Mais ces deux-là pouvaient facilement rivaliser. Et elles se retrouvaient à deux pour s'occuper plus ou moins véritablement de Louisa. Pauvre petite... mais bon, il faut admettre qu'elle aussi avait son petit caractère. Ah elle tenait bien de sa mère la jeune Sparkley.

-En fait, j'avais plutôt dans l'idée que vous pourriez m'aider d'une autre manière. En acceptant d'inventer un prétexte qui m'"obligerait" à rester ici pendant les vacances. Vous pourriez prétendre que j'ai besoin de cours particuliers dans votre matière, par exemple ?

La perspective d'ennuyer Zelda à distance pendant ses vacances était assez agréable. Alléchante même. Morticia se rapprocha de Louisa avec un sourire peut-être un brin inquiétant. Elle l'écoutait avec attention. Cette idée lui plaisait beaucoup finalement.

-Vous avez conscience que cela pourrait vous compromettre auprès de la direction. Si je vous retient ici c'est que quelque chose ne va pas avec vous.

Ce n'était pas faux. Même si ce n'était pas Morticia que ça allait déranger. Pour une fois qu'une punition était acceptée par un élève. Il fallait qu'elle en profite!

-Je sais que ce n'est pas votre rôle et que je ne devrais pas vous demander ça, mais... Je veux vraiment passer les fêtes loin d'elle. Lors des dernières fêtes qu'on a passé ensemble, elle m'a giflé, j'ai pas envie de revivre ça...

Tout comme la dernière fois, le moment de dérapage était arrivé. Morticia ne savait plus trop quoi dire. Pour plusieurs raisons. Déjà parce que son élève se confiait beaucoup trop personnellement. Mais aussi parce que cette chère Morty se souvenait précisément de chaque claque qu'elle avait reçu. Et pourtant, il y en avait eut.

-Oui... je...Je comprends.

Oui, elle comprenait, c'est vous dire. Mais tant pis, pour une fois que c'était vrai, autant ne pas mentir.

-Je vais voir ce que je peux faire pour vous. Mais êtes-vous prête à subir ce que cela pourrait entraîner?

-Vous avez conscience que cela pourrait vous compromettre auprès de la direction. Si je vous retient ici c'est que quelque chose ne va pas avec vous.

Évidemment, oui, elle avait prit en compte ce risque. Pour qu'on demande à un élève qu'il reste durant les vacances pour rattraper ses lacunes, il fallait vraiment que l'élève en question soit un cas difficile, ce qui n'avait jamais été le cas de Louisa. Alors d'accord, la bleue et bronze était parfois difficile, fermée, ce qui s'expliquait par la profonde blessure qui s'était creusée en elle à la mort de son père, il lui arrivait de sécher les cours, ou de répondre froidement à certains de ses professeurs, mais de manière générale, elle était quand même plutôt disciplinée, et surtout, elle était une excellente élève, qui avait toujours eu de très bonnes notes.... La direction risquait de se poser des questions, et ça avait des chances d'entâcher son dossier scolaire. Mais elle s'en fichait. Au pire, elle pourrait toujours se rattraper plus tard. Elle aurait toujours le temps de faire oublier cette situation. En attendant, elle était prête à tout, absolument tout pour ne pas passer ses vacances de Noël en présence de sa mère. Ce qui s'était passé le soir d'Halloween était encore beaucoup trop présent dans son esprit. Elle hocha vigoureusement la tête. Elle se fichait des conséquences, elle avait réfléchi à chacune d'entre elles, et elle les acceptait. Fermement. Définitivement.

-J'en ai conscience. Ça m'est égal. répondit-elle avec fermeté.

En lui expliquant ce que sa mère lui avait concrètement fait subir, elle savait qu'elle avait plus de chances de s'attirer la compassion, ou tout du moins la compréhension de son professeur. On avait beau dire du professeur Mathews qu'elle était insensible, Louisa n'en croyait rien... Et il semblait que sa réaction, quand elle lui apprit la gifle occtroyée par l'infirmière, lui donnait raison. C'est vrai, quand on remettait les choses dans leur contexte, c'était la seule et unique fois qu'elle l'avait frappé, et elle ne recommencerait sans doute jamais. Mais voilà, elle l'avait fait, et c'était suffisant.

-Oui... je...Je comprends. Je vais voir ce que je peux faire pour vous. Mais êtes-vous prête à subir ce que cela pourrait entraîner ?

Louisa appréciait que le professeur de défense contre les forces du mal prenne à ce point le soin de la prévenir des risques qu'elle pourrait encourir. Ça la confortait dans sa position, à vrai dire.

-Je préfèrerais me faire piétiner par un troupeau d'hyppogriffes plutôt que de passer Noël avec ma génitrice. Elle marqua une pause. Qu'est-ce que je risque, selon vous ?

Elle posait la question à titre informatif. Quelle que soit la réponse de Morticia, elle ne changerait pas d'avis.

Finalement, Morticia se moquait un peu de savoir ce qui pouvait arriver à Louisa Sparkley si son professeur lui collait effectivement une punition qui lui permettrait de ne pas quitter le château pendant les vacances. Après tout, ce n'était pas son problème. Et si c'était elle qui le lui demandait, pourquoi pas. Le truc, c'était que ça serait à elle qu'on allait demander des comptes. Parce que des punitions, elle en avait donné. Mais là c'était tout de même un peu gros. Le directeur avait été clair. Il ne fallait pas qu'on lui reproche quoi que ce soit autrement c'était la porte. Même si elle n'aimait pas particulièrement ce travail d'enseignante, elle ne devait pas le perdre pour autant. Ça serait mauvais pour elle et ses factures.

-J'en ai conscience. Ça m'est égal.

Au moins, ça avait le mérite d'être clair. Ça n'arrangeait pas vraiment Morty, certes, mais c'était déjà ça. Et puis, si Louisa était prête à assumer, elle n'irait certainement pas se plaindre auprès de la direction... ce qui était moins sûr pour la mère. Zelda avait de grandes chances de ne pas aimer que Morticia ne la prive de sa fille pour les fêtes. La fameuse fille avait intérêt à y mettre du sien...

-Je préfèrerais me faire piétiner par un troupeau d'hyppogriffes plutôt que de passer Noël avec ma génitrice. Qu'est-ce que je risque, selon vous ?

Oui, d'accord, elle était motivée. Ça, Morticia avait fini par le comprendre. Et ça ne lui posait pas vraiment de problèmes au fond, au contraire. Ça pourrait servir. Assez rapidement d'ailleurs. La jeune femme poussa un soupir un peu agacé. Pas contre Louisa bien sûr. Juste parce qu'au finale, être gentille, c'était énervant...

-Au fond, vous, pas grand chose de plus. Ça sera noté dans votre dossier mais vous pouvez encore remonter dans l'estime de vos autres enseignants. Il faudra que vous essayiez de ne pas faire d'autres erreurs, c'est tout.

Non, en fait, la jeune fille n'avait pas vraiment à s'en faire. Non, celle qui risquait le plus ici c'était Morticia. Elle ne tenait pas non plus à prendre la porte pour un plan qu'elle avait elle-même monté. Ça serait idiot tout de même. Se faire avoir par soi-même...

-En revanche j'aurai besoin de vous. Vous savez que je ne suis pas très appréciée de la direction. Si on vous demande, vous devrez assumer ce que vous me demandez. Autrement c'est moi qui aurait des ennuis. Vous me demandez un service. Je tiendrais parole si vous faites de même.

Sur le coup, elle pouvait être un peu menaçante. Mais c'était nécessaire. Cette jeune fille avait intérêt à ne pas oublier à qui elle avait affaire.

-Au fond, vous, pas grand chose de plus. Ça sera noté dans votre dossier mais vous pouvez encore remonter dans l'estime de vos autres enseignants. Il faudra que vous essayiez de ne pas faire d'autres erreurs, c'est tout.

D'accord, donc c'était bien ce qu'elle pensait. À l'extrême limite, on lui passerait un savon, ou on s'inquiéterait de voir une élève aussi brillante qu'elle faire preuve d'une telle baisse de régime (la seconde option lui plaisait bien, elle pourrait tout mettre sur le dos de sa génitrice et se faire passer pour une pauvre victime), mais elle ne prenait pas de gros risques. Après tout, elle n'avait jamais que douze ans, elle était une simple gamine. De manière générale, Louisa détestait être traitée en tant que telle, mais si là, ça pouvait lui permettre d'être un peu plainte et de voir ce point noir dans son dossier passer à l'as, elle ne songerait même pas à s'en plaindre, c'est sûr. Bon, "ne pas faire d'autres erreurs" signifiait qu'elle allait devoir se trouver un autre prétexte pour les vacances de Pâques et qu'elle ne pouvait pas espérer réitérer la même ruse tous les ans. Bah ! Au moins, elle aurait eu l'occasion d'en profiter au moins cet hiver. Le but de la manoeuvre n'était pas non plus de couper irrémédiablement les ponts avec sa mère, elle voulait surtout lui faire momentanément mal, et lui donner une bonne leçon, voilà.

-En revanche j'aurai besoin de vous. Vous savez que je ne suis pas très appréciée de la direction. Si on vous demande, vous devrez assumer ce que vous me demandez. Autrement c'est moi qui aurait des ennuis. Vous me demandez un service. Je tiendrais parole si vous faites de même.

Louisa hocha la tête. C'est vrai que, en allant voir son professeur, elle s'était montrée un peu égoïste, elle avait songé aux conséquences qu'il pourrait y avoir pour elle, mais pas à celles qu'il pourrait y avoir pour le professeur de défense contre les forces du mal. La pauvre ! Enfin, la pauvre... Tout était relatif, vous imaginez bien. Bref, oui, c'est sûr qu'avec ce genre de deal, son interlocutrice pouvait avoir des problèmes aussi. Maintenant que c'était dit, elles allaient éviter que ça arrive, un point c'est tout. Elle acceptait totalement de respecter sa part du marché. La jeune femme était peut-être assez tordue dans son genre, elle était la seule personne à lui avoir tendu la main quand elle en avait eu besoin. Alors elle lui devait bien ça, non.

-C'est d'accord. Je couvre vos arrières, vous couvrez les miens.

Drôle de marché que cela.

Ce que demandait la jeune Sparkley n'était clairement pas une bonne idée, ni pour l'une, ni pour l'autre. Mais depuis quand Morticia avait-elle l'habitude de suivre de bonnes idées? Ce n'était pas dans sa nature, clairement pas. Et pour une fois que l'idée foireuse ne venait pas d'elle, autant exploiter un peu ça. Finalement, Morticia et son élève avaient plus de points communs que prévu... ce qui n'arrangerait clairement pas leurs affaires respectives!!

Il fallait bien le reconnaître, Louisa était une jeune fille déterminée. Avec de l'ambition. Pas du genre à se laisser faire sans rien dire. Le genre de fille que Morticia aurait apprécié si elle n'avait pas été Morticia. Mais il ne fallait pas oublier que c'était la fille de Zelda tout de même. Alors il ne fallait pas trop s'étonner. C'était trop logique qu'elle soit aussi têtue et pleine de cette volonté sans faille.

Morty n'était pas une femme fréquentable. Or c'était vers elle que Louisa venait voir alors qu'elle n'allait pas au mieux. Et tout ça sans vraiment faire attention à ce que cela pouvait faire. Elle allait se faire un peu taper sur les doigts et allait vaguement se faire crier dessus par sa mère, certainement. Mais son professeur par contre allait certainement en entendre parler. Punir un élève au point qu'il ne pouvait pas aller dans sa famille pendant les vacances, il fallait bien admettre que c'était beaucoup. Et si elle avait été autorisé à le faire, la jeune femme y aurait pensé bien plus tôt.  C'était diabolique et certainement très efficace...

-C'est d'accord. Je couvre vos arrières, vous couvrez les miens.

Espérons qu'elle disait vrai. Bon, sinon, ne doutez pas que Morty trouverait un bon moyen de se venger. Mais à la base, ce n'était pas Louisa la proie, mais sa mère. Et pour le coup, si leur petit arrangement fonctionnait, elle allait le sentir passer l'infirmière. Pas de fifille pour les fêtes, et merci qui? Merci Morty! C'était méchant, oui... mais c'était Morticia, non? Si il y en a qui sont surpris, c'est qu'il ne la connais pas. Non mais!

-Disons que nous sommes d'accord alors. J'irais en parler à la direction et à votre mère. En attedant je vous conseil de vous faire petite, si vous voyez ce que je veux dire...

Morticia, quand on savait comment la prendre, elle pouvait être vraiment... bon, pas sympathique... mais disons correcte. Ce qui était déjà bien en comparaison avec son comportement habituel. Ce qui ne voulait pas dire qu'il fallait venir la voir pour régler ses problèmes. Non, ça, ça restait une très mauvaise idée.

-Bien, aviez-vous autre chose à me dire ou me demander?

-Disons que nous sommes d'accord alors. J'irais en parler à la direction et à votre mère. En attedant je vous conseil de vous faire petite, si vous voyez ce que je veux dire...

Pendant une fraction de seconde, si fugace que la pensée s'évapora finalement en un mouvement de tête, Louisa avait senti ses belles et folles convictions lui faire soudainement défaut. L'instant d'avant, elle était vindicative et volontaire, rien ne pouvait la détourner de son objectif et de ce qu'elle affirmait avec une verve indétrônable, et là, durant ce court instant, elle avait senti un léger trouble en elle, alors que son professeur parlait d'avertir la direction. Normal, ça faisait partie du projet, mais quand il se concrétisait pour de bon, on en découvrait plus aisément les conséquences. Elle s'appliquait à détruire avec ferveur le lien qui la liait encore à sa mère. Une fois que ça serait fait, il ne resterait plus rien. Et elle savait qu'elle aurait des moments de doute, peut-être même des regrets. Sauf qu'il fallait que ça se passe comme ça. Et puisque Mrs Mathews lui assurait qu'elle comptait bel et bien l'aider, la bleue et bronze n'allait pas faire marche arrière. Ce genre d'attitude était pour les lâches. Elle refusait catégoriquement que qui que ce soit puisse la qualifier de dégonflée. Son sens de l'honneur à toute épreuve ne le tolèrerait pas. Alors elle oublia cette pensée inutile, qui ne devait pas la détourner de ses intentions, et hocha la tête. Oui, elle comprenait. Et oui, elle était prête à se plier aux exigences de son professeur. Se faire toute petite ? C'était rare qu'elle s'en donne la peine, mais dans la circonstance, c'était quand même un effort qu'elle pouvait se permettre de fournir.

-Bien, aviez-vous autre chose à me dire ou me demander?

Après l'opinement du chef, le "non" de la tête. Non, rien d'autre. Ce service-ci était, remarquons-le, suffisamment énorme en lui-même pour qu'il ne soit pas la peine d'en rajouter. Rien d'autre à dire ou à demander, donc. Louisa était allée droit au plus. Maintenant, restait à espérer que tout se passerait comme elle le voulait, sans anicroche, et qu'elle n'était pas en train de commettre une grossière erreur qu'elle regretterait plus tard.

-Non professeur, c'est tout. Et comme elle entendait chez son professeur comme une invitation à se barrer fissa, elle ne se fit pas prier et se leva de sa chaise, prête à prendre la poudre d'escampette. Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

Que de politesses après ce qui venait de se dire. Sans ajouter un mot, la petite blonde prit le chemin vers la porte et quitta le bureau de son professeur. On disait souvent que Morticia Mathews était diabolique. Louisa voulait bien le croire. Elle avait la vague sensation d'avoir pactisé avec Lucifer.