Comme quoi, quand le sort choisissait un bouc-émissaire, pourquoi ne pas en prendre deux. Depuis le début de la journée, les galères s'enchaînaient et les deux Armyanski ne pouvaient rien y faire. D'abord ces révélations sur Anya, et maintenant Ivan. Il fallait vraiment que ça s'arrête. Autrement Anna aurait du mal à finir la journée sans tomber dans la dépression. Et cela ne devait pas être bien différent pour Andreï d'ailleurs. Le pauvre devait être bien secoué. Il ne devait certainement pas tout comprendre de ce qui se passait entre Ivan et sa tante. C'était compliqué. Trop compliqué pour le petit garçon de cinq ans qu'il était à l'époque. C'est pourquoi il n'avait pas été mis au courant des détails de la séparation du couple Timorov. Sans compter qu'Anna était resté dans un sale état quelques temps. Le pauvre n'aurait pas compris. Et puisqu'il n'avait jamais rien demandé, on ne lui en avait pas parlé d'avantage.

Si apprendre ces horribles vérités sur sa sœur avait été dur, apprendre la nouvelle situation de son ancien mari l'avait été tout autant. Pourquoi fallait-il que toute s'enchaîne d'un coup. Dans la même journée! C'était tout de même abusé là. Anna devait s'y faire et espérer que rien d'autre ne viendrait la perturber aujourd'hui. Sans compter qu'elle pouvait être superbe cette journée. Il faisait assez beau temps, Andreï était avec elle pour le reste du week-end, le bonheur quoi. Mais non, il fallait qu'on vienne les ennuyer tout les deux avec de vieilles histoires.

Andreï était visiblement assez pressé de reprendre leurs activités. Ce qui convenait tout à fait à sa tante. Qu'il lui reprenne la main lui faisait du bien. Ce n'était pas grand chose, mais au moins elle n'était pas seule. Il était avec elle et visiblement prêt à la soutenir. De quoi lui réchauffer un peu le cœur. Anna s'efforçait de sourire, mais elle n'avait rien perdu de son envie de courir se cacher loin de la Russie et de son ancien homme.

-Ça va aller ?

Oui, ça irait. Il n'y avait pas de raisons. Anna s'en remettrait. Elle s'en était toujours remise. Elle était comme sa sœur. Elle pouvait surmonter beaucoup de choses. Andreï était mignon de s'inquiéter. Et au fond, même si elle ne l'admettrait pas, la question était justifiée. C'était tout de même un coup dur. Si elle avait appris plus tôt qu'Ivan comptait se remarier, le choc aurait été moins violent. Et ses sentiments auraient peut-être changé entre temps. Mais là, non seulement elle l'ignorait, mais la vue de ces enfants l'avait achevé. C'est donc avec le sourire le plus triste qu'elle ne lui ait jamais adressé qu'Anna répondit à son neveu. Elle ne voulait pas lui faire peur. Mais ne pas pleurer était déjà assez dur. Elle ne pouvait pas non plus sourire de toutes ses dents l'air parfaitement sereine.

-Oui, oui, ça va aller. Ne t'en fait pas, ça va aller. Je... je t'aime Andreï.

Anna avait trouvé important de le dire. Pour elle, c'était le genre de choses qu'on ne disait jamais assez. Et trop peu de personnes pouvaient recevoir de telles paroles de la jeune femme. Ils reprirent ensuite leur chemin des vitrines. Mais c'était dur. Il y avait beaucoup de monde. Et Anna se sentait un peu vaseuse. Elle avait du mal à continuer à sourire et ne se sentait pas bien. Mais elle ne voulait pas arrêter Andreï dans son moment de bonheur. Pas après ce qu'ils avaient vécu. Il avait l'air tellement content d'être là. C'était agréable tout de même. Au bout d'un moment, c'était devenu compliqué. Elle se sentait plus fébrile. Elle laissa tomber et osa parler à son neveu, un peu hésitante.

-Andreï je... tu veux bien qu'on rentre? On... on reviendra si tu veux. Ou on pourrait aller à Paris si tu préfère.

Au moins, en France, elle ne connaissait à priori personne. Mais pour le coup, elle avait du mal à se tenir. Elle voulait rentrer. Ils pourraient se poser, boire un thé bien chaud, se rassurer.

Contrairement à sa chère grande sœur, Anna ne savait pas mentir. Ou disons pas aussi bien et dans n'importe quelles occasions. Et là, à ce moment, elle se disait qu'Andreï était bien charitable de ne pas insister alors qu'elle lui avait menti sans beaucoup de volonté. Elle n'avait pas vraiment la tête à être convaincante pour ça. De toute façon il la connaissait assez bien pour savoir ce qu'elle ressentait. Ou au moins en partie. Parce qu'il ne pouvait pas réellement savoir le fond de sa pensée puisqu'il ne connaissait pas les détails. Pas parce qu'elle n'avait pas confiance en lui, mais bien parce qu'elle ne l'estimait pas nécessaire. Pourquoi l'embêter avec ça? Que ce soit à l'époque ou maintenant, ce la ne pouvait que l'encombrer. Il avait déjà la tête bien remplie de ses propres problèmes. Problèmes qui étaient un peu plus importants d'ailleurs. Après tout, il ne s'agissait que d'une rencontre avec son ex mari. Andreï, lui, devait affronter de terribles révélations par rapport à sa mère. Oui, elle se mettait largement de côté. Mais elle l'estimait plus fragile qu'elle et pensait donc que c'était à elle de rester solide pour lui. Elle était l'adulte, et certainement la dernière personne à qui il pouvait faire confiance. La jeune femme ne tenait donc pas à faiblir.

-Je t'aime aussi.

Anna sourit avant de détourner le regard peut-être un peu trop rapidement. Elle l'avait cherché, oui, mais il tapait en plein dans sa sensibilité en lui répondant ainsi. Alors les quelques secondes qu'il lui avait fallut pour faire disparaître les quelques larmes qui menaçaient de venir, la jeune femme regarda ailleurs. Une fois le regard parfaitement sec, elle se laissa aller à porter de nouveau un regard bienveillant et plein d'affection sur lui. Elle l'aimait tellement son neveu. Elle en était parfois venu à espérer que sa sœur ait un empêchement quelconque pour la laisser le garder quelques heures. Anna regrettait parfois cette pensée par pure affection pour sa sœur. Mais cela n'enlevait rien du sentiment qu'elle avait pour lui. La jeune femme voulait qu'il puisse tout de même profiter de ce décors féerique et de cette petit bouffée d'oxygène. Elle suivrait bien de toute manière. Nerveusement, elle regardait parfois derrière son épaule pour vérifier qu'Ivan n'était pas là. Déjà parce qu'elle voulait l'éviter, mais aussi parce que plus secrètement, elle aimait bien le revoir, de loin, sans aller lui parler ou même croiser son regard.
Lorsqu'elle commença à vraiment se sentir mal, elle proposa de nouvelles alternatives à Andreï. Elle espérait qu'il ne lui en tiendrait pas rigueur.

-On va rentrer, c'est mieux. On pourra toujours voir Paris plus tard.

C'était effectivement la solution qui lui convenait le mieux. Au moins, chez elle, il n'y avait personne d'autre qu'eux. Personne donc pour les perturber ou même les juger. Chez elle, la jeune femme se sentait mieux, protégée, dans son monde. Là-bas elle pourrait reprendre son souffle... et Andreï aussi accessoirement. Lui aussi devait en avoir besoin. Un faible sourire aux lèvres, elle les ramena en Angleterre, se promettant qu'un jour elle l'amènerait en France. Mais pas aujourd'hui. Peut-être pas demain non plus. Ils n'avaient pas la tête à ça. Cela aurait été dommage.
C'est avec soulagement qu'Anna retrouva son manoir et quelques uns de ses chats qui étaient venu la saluer. Ils venaient affectueusement se frotter contre eux et les suivre. Tous connaissaient Andreï. Ce n'était pas la première fois qu'il venait. Et ils savaient l'apprécier. Ceci dit, comme très souvent, ils sont retourner faire ce qu'ils étaient en train de faire avant leur retour. Seuls deux restèrent dans le salon pour somnoler gentiment.
Une fois débarrassés de leurs vêtements chauds, ils revinrent dans le salon où Anna ne pris pourtant pas le temps de rester. Toujours un peu mal à l'aise, elle essayait de rester souriante malgré tout... ce qui bien entendu n'était pas très convaincant.

-Je vais nous refaire un peu de thé, histoire de se réchauffer. Tu voudras quelques biscuits avec?

Tant qu'à faire, autant proposer. De toute manière, ce n'était pas elle qui allait en manger. Anna se sentait trop mal pour ça. Même si ça restait un peu confus comme sentiment. Un mélange de bonheur et de peine insurmontable. Sans parler de la déception. Elle avait été tout de même un peu contente de revoir Ivan, parce qu'il avait toujours une petite place dans son petit cœur fragile. Mais il avait aussi une place de choix dans sa colère. Le temps qu'elle remette de l'ordre dans tout ça, elle aurait bien d'autres problèmes à rencontrer.
Laissant donc momentanément son neveu seul le temps d'aller faire chauffer de l'eau pour le thé. Elle avait prévu de mettre les tasse sur un plateau et de l'apporter sur la table basse. Pourtant, lorsqu'elle le souleva, ses mains tremblantes lui firent défaut et les tasses se brisèrent sur le sol. Surprise, elle dit pourtant à Andreï de ne pas s'inquiéter, que ce n'était rien. Un peu perdue, elle se mis à genoux devant les débris et commença à les ramasser. Plus troublant encore, elle se mit à pleurer. Pas parce qu'elle tenait particulièrement à cette vaisselle qui, de toute façon, pourrait peut-être être réparées. Juste parce que c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Les émotions devaient obligatoirement sortir à un moment ou à un autre. Il semblerait que c'était maintenant...

Anna avait pensé que rentrer chez elle lui ferait du bien, que ça la calmerait. Vous parlez d’une bêtise. C’était tout sauf rassurant de savoir qu’elle rentrait une fois de plus chez elle pour y rester désespérément seule. Elle n’avait pas oublié Andreï qui, lui, resterait toujours là pour elle. Mais c’était cette pesante situation de célibataire qui la rattrapait. Ajoutez à cela le manque d’enfants et vous pourrez peut-être espérer comprendre son désespoir. Malgré toute sa bonne volonté et l’amour que sa tante nourrissait pour lui, Andreï aurait bien du mal à combler tout cela. Et d’ailleurs, ce n’était pas à lui de le faire. C’était encore un peu un enfant, il n’avait pas à redresser sa tante. C’était elle qui devait se raisonner une bonne fois pour toutes. Anna était et resterait seule et il fallait qu’elle s’y fasse. Ivan était définitivement parti et l’adoption ne semblait pas être une solution. Et puis, elle avait toujours ses chats…

Depuis le temps, Anna était tout de même une bonne sorcière. Elle connaissait ses formules et savait se servir de sa baguette. Mais devant cette vaisselle brisée, elle s’était retrouvée complètement désemparée. Vraiment totalement perdue. Comme une enfant qui découvre la gravité et ses effets sur ses tasses. Pourtant, un petit sortilège et tout serait rangé. Un autre et elles retrouveraient un peu de leur solidité. Mais non. La pauvre femme restée plantée devant à pleurer comme une enfant. C’était pitoyable. Elle-même s’en rendait compte. Ce qu’elle pouvait se détester parfois. Elle avait été naïve et bien trop rêveuse. C’était bien fait. Anna se trouvait bien punie de sa bêtise. Andreï arriva vers elle et la jeune femme fit un effort pour se calmer. Il n’avait pas à voir un spectacle aussi pathétique. Oui, elle se trouvait profondément pathétique. En le voyant s’abaisser à son niveau, elle se sentit surtout honteuse de se laisser aller comme ça alors qu’il était à côté. Encore une bêtise à mettre dans la liste. Après avoir réparé les tasses comme il le pouvait, Andreï avait pris sa tante dans ses bras. Ce geste plein d’amour était d’un réconfort incroyable. Et pourtant, la pitoyable Armyanski ne trouva rien de mieux à faire que pleurer un peu plus, se blottissant contre son neveu. Là ça devenait franchement n’importe quoi. Perdant le peu d’estime qu’elle avait d’elle-même, la jeune femme se demanda si elle oserait un jour regarder son neveu avec autant d’assurance qu’avant.

-Ça va aller... J'ai pas la moindre idée de comment, mais ça va aller.

Le pauvre petit ange. Il essayait de l’aider, de la réconforter, sans pour autant avoir les armes pour. Anna était tombée bien bas cette fois. Qu’il puisse se sentir mal pour elle ne lui plaisait pas du tout. C’était à elle de le protéger et de l’épargner. Mais la voilà incapable de simplement lui sourire. Et pourtant, cette étreinte qu’il lui accordait lui faisait beaucoup de bien. C’était inexplicable. C’est donc un peu perdu qu’elle s’était mise à penser à voix haute.

-Il n’a pas même eut la décence de m’écrire. Je savais pourquoi il était parti. Qu’il ne trouve pas aurait été surprenant. J’ai été tellement stupide de l’attendre. Je le déteste.

Bien sûr elle parlait d’Ivan. Cet homme qu’elle avait effectivement attendu plusieurs mois après leur séparation officielle. Anna avait vainement espéré qu’elle le retrouverait. Son premier amour. Elle avait bien entendu eut tout les mal du monde à le laisser partir. Surtout en sachant que c’était pour trouver une autre femme. Une femme plus belle peut-être. Une femme qui saurait lui donner cette famille qu’il voulait tant. Anna avait bien compris son désir et avait dit oui pour qu’il puisse être heureux. Et tout ça par amour pour lui. Mais c’était tellement dur. Aujourd’hui elle ne l’assumait plus. Ses parents avaient raison. C’était elle sa femme et jamais elle n’aurait du accepter ce divorce. Une fois de plus, sa gentillesse et sa bienveillance avaient été son erreur. Se maudissant intérieurement, elle ne pouvait pas non plus s’empêcher de le haïr derrière son amour.
Mais il fallait qu’elle se reprenne. Ce n’était pas elle qui avait besoin d’aide en ce moment. Même si en vérité elle en avait autant besoin que son neveu. Essuyant ses larmes d’un revers de manches, elle voulut se justifier, se faire pardonner. Elle se sentait vraiment mal de lui imposer ça. Et quelque part, elle se sentait mal de se l’avoir imposé à elle-même.

-Oh Andreï, je suis désolée. Tu ne devrais pas avoir à voir ça. Je… je vais faire un effort, excuse-moi.

Reniflant un peu, encore un brin tremblante, Anna voulait faire un effort pour se reprendre. Elle se sentait mal d’imposer sa peine à Andreï qui en avait suffisamment comme ça. Si elle devait pleurer, ça serait plus tard. Pour le moment, il avait besoin d’elle. Et le laisser tomber n’était certainement pas envisageable. La situation était critique et ses peines de cour attendraient.

Depuis sa plus tendre enfance, Anna avait toujours pensé l'amour comme un sentiment des plus nobles et des plus agréables qu'un humain puisse ressentir. Elle avait toujours pensé que le jour où elle serait amoureuse serait le plus beau de tous. Parce que ce jour-là, elle serait comme sur un petit nuage avec son homme et pourrait y rester toute sa vie puisqu'elle se marierait avec lui. Et ce genre de serments ne se font pas à la légère. Et elle l'avait trouvé. La jeune Armyanski avait trouvé l'amour en la personne d'Ivan Timorov. Elle l'avait effectivement épousé et vécu de très bons moments à ses côtés... pendant huit trop courtes années.

En ce moment, alors qu'elle était avec Andreï, pleurant piteusement toutes les larmes de son corps, Anna était persuadée que l'amour était un mal qui n'aurait jamais dû exister. Oh, le jeune homme avait bien de la chance de ne pas connaître ce sentiment aussi doux que traître. Il détruisait les Hommes et ne laissait derrière lui qu'un immense vide. La jeune femme était tout bonnement désemparée. C'était comme de voir son rêve de petite fille se briser sous ses yeux. Et elle n'aimait pas ça du tout. Mais elle n'était pas aussi seule qu'elle le sentait. Son neveu était là, près d'elle, à essayer de la réconforter. Il était adorable. Et elle se sentait très mal de lui infliger ça.

-Non, тітонька. Je ne veux pas que tu me promettes ça. Si tu as besoin de pleurer, alors pleures, si tu as besoin de hurler, hurle, si tu as besoin de te lamenter, fais-le, mais ne t'excuses-pas.

Andreï était un peu différent, plus déterminé peut-être. Et sans être vraiment blessant, il était anormalement ferme. Mais avec ses paroles, c'était plus rassurant qu'effrayant. Anna était contente qu'il soit là.

-On est là l'un pour l'autre, d'accord ? Et on va se soutenir l'un l'autre. Je... je veux pas que tu contiennes tes sentiments pour les laisser exploser quand il n'y aura personne pour t'aider. C'est une situation merdique, mais au moins on est ensemble. Et on se soutient, pas vrai ?

Bien sûr, il avait raison. Ils seraient toujours là l'un pour l'autre. Mais elle ne pouvait tout de même pas totalement se laisser aller. Cela ne serait pas du tout une bonne chose pour Andreï. Parce que la jeune femme se connaissait. Et elle savait à quel point elle se sentait mal. Et elle savait donc à quel point elle pouvait tomber bas si rien ne la retenait. Anna se retenait donc toute seule pour épargner ça au jeune homme.
Cela ne l'empêchait pas de beaucoup apprécier le geste. Elle savait que lui pourrait l'aider. Même si de toute évidence, il ne pouvait pas vraiment comprendre tout ce qui se passait. Anna passa doucement sa main sur la joue de son neveu dans un sourire.

-Bien sûr on se soutient. Et il ne m'arrivera rien. Je ne vais pas si mal que ça, ne t'en fait pas. C'est juste passager. Tu verras.

Anna se releva dans un élan de motivation. Elle mis de côté les tasses brisées et en saisit de nouvelles pour les mettre sur le plateau avec des biscuits et l'eau qui était maintenant chaude. Elle faisait très attention et réussit à le porter jusqu'à la table. Elle invita Andreï à la suivre, s'assit sur le canapé et le pris contre elle pour se rassurer. Elle aimait bien le prendre dans ses bras. Parce que comme ça, elle sentait qu'il était bien et elle se rassurait un peu comme ça.

-Mon pauvre chéri. Tu n'as pas dû comprendre grand chose tout à l'heure.

Anna ne faisait pas référence au fait que la conversation avait été en Russe. À ce niveau, si Andreï comprenait l'ukrainien, il avait certainement compris en grande partie la conversation plus que tendue de tout à l'heure. Non, elle voulait parler de la situation qu'il ne connaissait pas parce qu'il n'en avait eut aucune explication. Il ne pouvait pas deviner le fond de la pensée de sa tante si il ne savait pas par quoi elle était passé. Mais finalement, cela ne le dérangeait peut-être pas. Raison pour laquelle Anna avait décidé de prononcer ces mots un peu amusée.

Anna se doutait bien que rassurer le jeune garçon ne servirait pas à grand chose. Déjà parce qu'elle n'était pas convaincante, mais aussi parce qu'il la connaissait trop bien. En ce moment, même si elle avait l'air plutôt calme, la jeune femme était suspendue au dessus du vide. Encore une nouvelle de ce genre et elle tomberait fatalement. C'était triste à dire mais c'était comme ça. S'en suivrait des questions malheureusement connues qui la conduiraient à des extrémités bien souvent tout aussi tristes. Il ne restait vraiment plus qu'Andreï pour la retenir dans sa chute. Autrement elle ne regretterait  pas vraiment de laisser le monde sans elle. Parce que pas grand monde ne serait là pour la regretter elle. Mais pour le moment, elle était toujours au dessus de se vide et pouvait encore le regarder sans y plonger.

Andreï la regardait un peu bizarrement. Comme si il la surveillait. De ces regards qui couvent et tienne votre cœur bien au chaud. Vu comme ça, Anna avait vraiment l'air d'être une petite chose fragile. Mais même si elle le cachait bien (involontairement ceci dit), elle pouvait être d'une grande force mentale. Il pouvait lui arriver de craquer comme elle venait de le faire. Après, même en restant fragile, elle était généralement plus calme, plus sereine. Aussi n'avait-elle pas eut peur de reparler avec Andreï. Elle trouvait un peu injuste qu'il voit effectivement tout ce qui se passait sans pour autant comprendre. C'est vrai, ça ne devait pas être si évident.

-J'ai compris que ça t'a bouleversé, en tous cas.

Mouais. Autrement dit: si tu m'explique ça me dérange pas! En tout cas c'était ce qu'avait compris Anna par cette réponse. Elle interprétait peut-être très mal les paroles de son neveu. Peut-être qu'elle ne comprenait cela que parce qu'elle avait envie de le sortir de ce flou auquel il serait peut-être confronté maintenant que sa tante savait ce qu'était devenu son ex mari. C'était fort probable. Mais tant pis. Prenant sa tasse de thé entre ses mains et regardant la couleur brune du liquide, elle réfléchit par où commencer. Expliquer ne voulait pas dire s'éterniser.

-Quand je me suis marié, j'avais à peine un an de plus que toi. C'est simple, je venais de récupérer mes diplômes et quand je suis rentrée j'ai à peine eut le temps de les poser avant d'aller acheter ma robe. J'étais vraiment aux anges. Je suis resté huit ans avec Ivan. On était bien tout les deux. Mais on arrivait pas à avoir d'enfants. Comme c'était important pour lui, il a préféré qu'on se sépare. J'ai un peu protesté, parce que je ne voulais pas qu'il parte. Ça à duré quelques mois. Mais en même temps je comprenais. Mes parents aussi étaient très déçus que nous n'aillons pas d'enfants. Alors j'ai laissé tombé. On a divorcé et j'ai continué à le voir quelques temps. Ça ne plaisait pas à nos parents. Et puis on s'est plus revu pendant dix ans. Plus rien. Pas un mot, pas une lettre. Le revoir tout à l'heure m'a renvoyé tout ça en plein visage. Je n'ai pas bien réagit, voilà tout.

Un résumé de ce qui avait été à la fois les plus belles et les plus douloureuses années de sa vie. Anna n'avait pourtant pas craqué. Il lui était même arrivé de sourire en repensant à tout ça. Elle gardait pourtant les yeux rivés sur son thé. C'était plus facile de parler sans regarder directement Andreï. Même si il était adorable. Parce qu'il avait ce regard inquiet finalement plus que justifié. Une fois son histoire finie, elle retourna son visage vers lui, toujours un petit sourire aux lèvres. Elle était triste, mais elle reconnaissait avoir passé de très bons moments et était tout de même heureuse de ne pas être passée à côté.

-Si on ne t'en a pas parlé d'avantage ce n'était pas pour te mettre à l'écart ou quoi que ce soit. Tu étais juste petit et Anya et moi étions d'accord pour ne pas t'embarrasser avec ça. Ce n'était pas grand chose. Et jusque là, il n'y avait aucune raison de changer ça.

Anna se doutait bien qu'Andreï devait être curieux de savoir ce qui c'était passé entre elle et son ancien mari. À ce moment, elle ne voyait pas d'inconvénients à le faire. Elle allait mieux, elle se sentait mieux. Elle ne pensait pas se faire rattraper par ses sentiments juste en racontant ce qu'elle pouvait encore associer à de grands moment de bonheur. Et effectivement elle n'avait pas craqué. Elle comprenait que son histoire puisse être un peu complexe. Elle-même n'avait pas toujours tout compris à ce qui lui arrivait. Mais tant pis. Et puis comme ça, il comprenait qu'elle lui faisait confiance, qu'il comptait vraiment pour elle.

Anna était une jeune femme tout ce qu'il y a de plus charmant. Et il fallait bien admettre qu'elle savait être attirante. Depuis qu'elle n'était plus mariée, les occasions d'elle-même refaire sa vie avaient été plus que nombreuses. Mais quelque part, elle se le refusait. Au fond, cela serait loin de la déranger. Mais un peu inconsciemment, c'était comme si elle se l'interdisait. Devenant donc extrêmement difficile. Il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas. Alors finalement elle ne cherchait plus vraiment. Même si rester seule la rendait parfois un peu triste. Et puis de toute façon, ce n'était pas comme si ça allait changer quelque chose. Depuis le temps, la jeune femme avait bien compris que des enfants, elle n'en aurait pas. Alors qu'elle ait un homme ou pas n'était pas si important...

C'est aussi pour cela que la belle avait moyennement bien réagit à la naissance de son neveu. Elle était bien sûr ravie pour sa sœur et pour elle-même puisqu'elle pourrait aussi s'occuper de cet enfant. Pourtant, ce qu'elle avait été jalouse de sa sœur. Anna avait vraiment eut du mal à accepter que cette femme, aussi respectée qu'elle puisse être, ait un enfant après avoir longtemps voulut mettre fin à cette grossesse. C'était injuste. La jeune femme avait très vite arrêté d'en vouloir à Anya, mais c'était arrivé tout de même.

-Ne t'en fais pas, je comprends que tu ne m'en ai pas parlé avant.

Andreï était mignon. Mais sa tante ne s'était pas inquiété de ça. Elle savait qu'il pourrait comprendre. Parce qu'il la comprenait elle. Alors la voilà rassurée malgré tout.

-Je suis désolé...

Anna était vraiment contente de voir que son neveu était aussi attentionné. Pas parce qu'elle en profitait bien. Mais parce que c'était une qualité de plus en plus rare. C'était un garçon bien. Et sa tante en était très fière. La jeune femme était ravie de l'avoir de son côté aussi. Même si c'était un peu égoïste de sa part. Mais tant pis. Elle aimait son neveu, ce qu'il était et son choix de camp.

-Tu aurais été une mère géniale, tu sais...

Aïe. Ça ça faisait mal. La pauvre femme savait qu'elle aurait été une super maman. Elle savait ce qu'il y avait à savoir sur les enfants et comment en prendre soin. Anna avait tellement désiré avoir cette chance de mettre en pratique ses connaissance. C'était assez affreux de se dire qu'elle était certainement condamnée à ne pas avoir cet enfant, jamais. Le monde, la vie, tout était d'une injustice affolante. Et il arrivait que la jeune femme pense que tout lui tombe dessus, que le sort s'acharnait.
Andreï avait dit cela de manière innocente, Anna en était convaincue. Il n'était pas méchant. Et elle savait qu'il cherchait avant tout à l'aider. Il devait certainement avoir dit ça pour essayer de la rassurer. Pour l'encourager aussi peut-être.

-Je te remercie chéri.

La jeune femme déposa un doux baiser sur la joue de son neveu en guise de remerciement. Elle ne lui en voulait pas. Il ne savait tout simplement pas trouver les mots pour rassurer les autres. Mais ce n'était pas grave. Du moins pas avec elle. Parce qu'elle l'aimait et qu'elle pouvait tout lui pardonner.

-Mais je t'ai toi. Toi je sais que tu resteras près de moi. Et je peux prendre soin de toi aussi. Quelque part c'est un peu toi mon bébé.

Bien sûr elle disait cela en plaisantant. Jamais elle ne se permettrait de prendre la place d'Anya auprès de son fils. C'était sa sœur, et jamais elle ne lui ferait une chose pareille.

Andreï n'était pas très doué. Certes. Mais il était mignon. Il essayait au moins, c'était déjà bien. Et puis zut, si ils se comprenaient, ça suffisait. De toute façon, sa tante avait appris à le comprendre et à l'aimer quoi qu'il dise. Bon, le jour où il lui dirait la détester et vouloir rester loin d'elle tout le reste de sa vie, là, ça deviendrait plus compliqué. Mais bon, ce n'était pas quelque chose qui risquait d'arriver tout de suite. Pour le moment, ils s'aimaient trop. Tout les deux, c'était particulier. Ils pouvaient se comprendre, se rassurer, s'aimer. Ils partageaient ce lien particulier qui mêlait le puissant lien du sang et l'indispensable confiance qui protégeait leur complicité. Pour le moment, rien n'indiquait ce qui allait ce passer entre eux et refroidir un bon coup cette relation si appréciée. Ils ne pouvaient pas prévoir ce qui serait pourtant un grand bonheur pour Anna. Mais ils profitaient tout de même des rares moments qu'ils avaient ensemble.

La jeune femme avait tout de même eut un peu de mal à avaler cette remarque d'Andreï qu'elle savait pourtant être surtout réconfortante. Raison pour laquelle elle avait essayé de rebondir dessus en lui montrant une fois de plus qu'elle allait bien et qu'elle l'aimait. Mais jamais elle n'avait pensé qu'il la prendrait au mot. Parce que jamais elle ne voudrait prendre son fils à Anya. Elle ne pourrait pas lui faire ça alors qu'elle-même se sentait si désemparée de ne pas avoir eut cette chance. D'ailleurs, même si elle essayait, elle ne pourrait pas tenir quelques jours avec une telle pensée. Mais ça, c'était si la femme dont nous parlons était une femme sans cœur et capable de commettre le moindre méfait. Et Anna était plutôt une femme douce et simplement aimante. Elle se contenterait donc de profiter la présence de son neveu avec autant d'intensité que possible.

-Ne me dis pas ça, je vais être tenté de demander à ce que tu m'adoptes.

Encore un sujet sensible. L'adoption. Anna ne parvint pas à réprimer une expression de déception, qu'elle fit disparaître très rapidement pourtant, pour ne pas effrayer Andreï. Mais là, vraiment, ce n'était pas le bon sujet à aborder. Cela faisait un an qu'un dossier de demande d'adoption au nom de Armyanski traînait quelque part dans les piles d'autres dossiers. Et il y avait de quoi désespérer. C'était vraiment la dernière chance qui lui restait. Mais quelles chances avaient une femme célibataire et sans emploie d’obtenir le droit d'avoir un enfant par ce procédé. Pas beaucoup. Que devait-elle faire alors? Attendre. Il n'y avait rien d'autre à faire. Mais là, elle commençait surtout à franchement désespérer. Alors imaginez dans quel état cela l'avait mise que son neveu, même pour rire, lui dise qu'il préférait qu'elle l'adopte plutôt que de retourner chez sa mère. Terriblement gênant. Mais elle décida de le prendre tout de même pour ce que cette phrase était: une plaisanterie... mauvaise mais quand même. Elle lui sourit gentiment.

-Mais du coup, il faudrait que t'adoptes Fluffy. Je doute qu'il s'entende avec tes chats.

Oui, là par contre, c'était plus facile de rire. Fluffy c'était le chien de son neveu. Une sorte de molosse pure race qu'Anna aimait bien mais sans plus. C'était tout de même un chien. Son truc à elle c'était les chats. Mais surtout les russes et les maus égyptiens. Ça c'était ses chats préférés. Elle avait d'autres races, mais surtout ceux-là quand même. Amenez un chien comme Fluffy là-dedans et vous aurez certainement un beau bazars. Sans compter que le chien pouvait être assez joueur et ses chats pas du tout. Anna rit légèrement à cette remarque et y répondit sans vraiment s'arrêter.

-Ouhlà, non merci, je tiens à mes meubles.

Comme si tout cela lui avait fait reprendre ses esprits, alors qu'elle buvait une gorgée de son thé, Anna repensa à des petites choses, sans très grande importance. Comme qu'il faudrait qu'elle fasse le lit pour Andreï ou ce qu'elle ferait pour le dîner. Ce n'était pas pressé et pas vraiment le plus important pour le moment, mais elle y pensait. C'était une jeune femme prévoyante, ce n'était pas nouveau.

-Dis-moi chéri, il faudra que je te ramène quelque part pour retourner à l'école?.. Tu restes bien jusqu'à la fin du week-end, n'est-ce pas? Tu... tu fais ce que tu veux bien sûr, mais j'aime bien que tu sois là.

Anna souriait gentiment, mais elle disait tout ce qu'il y avait de plus vrai. Elle adorait voir Andreï, lui parler, le cajoler. Elle l'aimait tellement fort...

Bon, une fois le bide total d'Andreï oublié, ça allait un peu mieux tout de même. Il avait un humour pitoyable, mais c'était l'intention qui donnait le sourire à sa tante. Ce qui lui suffisait en fin de compte. Il ne lui en fallait pas beaucoup me direz-vous. Et non. Juste un peu de sentiments dans ce monde de désespoir. Et il n'y avait pas grand monde pour lui en donner à part lui. Mais avec lui, c'était particulier. Même si plus tard, quand il serait adulte, les choses seraient peut-être différentes. Peut-être qu'une fois adulte il n'aurait plus besoin de sa тітонька. Anna trouverait bien dommage que cela arrive, mais en même temps cela n'aurait rien de très surprenant. Mais pour l'instant, c'était surtout elle qui avait besoin de lui. Et elle espérait qu'il voudrait encore aller la voir pendant longtemps.

La jeune femme espérait donc qu'Andreï resterait avec elle le week-end complet. Parce que c'était tellement exceptionnel! Et que ça lui faisait tellement de bien. Cela lui avait toujours fait du bien de l'avoir près d'elle. Alors qu'il reste encore un jour ou deux, qu'il puisse encore s'appuyer sur elle, qu'ils puissent encore prendre le temps de se rassurer. Après ce qui s'était passé et ce qu'elle avait appris, Anna aussi aurait bien besoin de compagnie. Si elle se retrouvait seule maintenant, si on la lâchait d'un coup, elle finirait mal. C'était une obligation. Alors elle irait chercher le soutien où il était. Et elle donnerait ce qu'elle pouvait à son neveu parce qu'elle l'aimait.

-Si tu es certaine que ça ne te dérange pas, alors je veux bien rester.

Pourquoi sa présence devrait-elle la déranger? Au contraire. Elle était bien avec lui. Et puis, Anna voyait bien que lui aussi se sentait bien chez elle. C'était fait exprès bien sûr. Mais c'était comme un effort récompensé.

-Oui j'en suis certaine. Tu ne me dérange pas du tout mon chéri. Je suis contente de te voir et d'être près de toi.

Anna le pris dans ses bras et l'embrassa tendrement. Elle l'adorait et tenait à lui montrer, à chaque occasion, à chaque instant. C'était important qu'il le sache. Parce qu'il comptait vraiment beaucoup pour elle et que finalement, sans lui, elle ne serait pas la même. Et qu'elle était ravie de lui devoir une partie d'elle comme ça. Elle avait besoin de ces moments avec lui. Tout comme elle avait eut besoin de sa sœur jusqu'à maintenant.

-Et tu n'auras pas à me déposer, je me débrouillerais.

Oui, bon, c'était lui qui voyait. Mais cela n'aurait pas dérangé sa tante outre mesure de le raccompagner. Anna aimait bien se sentir concernée par ce qui le touchait lui. Ce n'était pas son rôle, d'accord. Mais recevoir cette affection qu'elle avait toujours tenu à lui donner n'avait jamais paru le déranger. Alors elle n'avait jamais arrêté. Pour quoi faire finalement. Il n'avait pas vraiment eut de père. Il aurait au moins eu une tante attentive.

-Comme tu veux. Mais ça ne me dérangeait pas, tu sais.