Depuis mon intégration au département des mystères, je ne suis toujours pas convaincu d'y avoir ma place. Je suis très partagé au sujet de ce métier qui doit devenir le mien, il me faut bien l'admettre. J'aime l'effort intellectuel et de réflexion, l'esprit d'analyse nécessité par les différentes missions données aux membres de ce bureau... et dans un même temps, moi qui suis féru d'efficacité, et aime par dessus tout voir mon travail porter ses fruits, j'admets être pour le moins frustré pour le moment. Plus j'apprends à connaître ce supérieur sous l'aile duquel l'on ma placé, Jacob Hoover, plus j'apprends à l'apprécier. Il est plus intelligent qu'il me le paraissait au premier abord, mais l'intelligence ne fait pas tout, et je le constate chaque jour que je passe dans ce bureau que j'aime autant que je le maudis. J'apprécierais, il me faut bien l'avouer, parvenir à résoudre l'un de ces mystères pour lesquelles on me paye (une misère en tant que stagiaire, il est vrai, mais c'est toujours mieux que rien). Je sais que ça a été plus dur encore pour Mr Hoover, mais pour moi également, devoir laisser cette histoire de sphère, ce mystère sur lequel nous avons planché des heures, des jours, des semaines, pour le laisser à un tiers... m'a intensément frustré.

Je ne devrais pas me plaindre, pour autant. Après plusieurs jours de latence, c'est une nouvelle d'importance que m'annonce mon supérieur quand il vient me rejoindre à ce qui est son bureau, et donc le mien par la force des choses.

- Caleb, aide-moi s'il te plaît. Il faut déplacer nos affaires dans un autre bureau. On reprend le travail.

Je fronce légèrement les sourcils. De ce que j'en sais, si nous changeons de bureau, c'est que la nouvelle affaire que nous avons à traiter est plus que jamais confidentielle. Je trouve singulier que l'on me demande, à moi, simple stagiaire, d'être au fait d'une affaire apparemment classée secret défense. Je suppose que mon père n'y est pas pour rien. J'ignore si je dois le féliciter pour cela ou lui en tenir rigueur. J'aime ne devoir les choses qu'à mon seul mérite. Mais apparemment, dans le cadre de mon travail, il me faudrait du temps pour prouver que mon nom n'était pas tout ce que j'ai à offrir à ce bureau. M'exécutant, j'aide donc Mr Hoover à débarrasser son bureau, emportant avec moi le plus d'ouvrages et de documents possibles, en faisant léviter d'autres, à l'exemple de mon tuteur professionnel.

- Carlson, Finnley, à plus tard.

Je salue également ces autres collègues, que je ne connais pas vraiment, d'un signe de la tête avant de disparaître au même titre que Mr Hoover à un angle de couloir. Je me laisse alors entainer jusqu'à ce nouveau bureau qui devenait donc, au moins temporairement, le notre. Et sans plus d'autres installations préalables, nous rentrons dans le vif du sujet.

- Alors Caleb, dis-moi tout, t'as une idée de comment faire voyager une personne dans le temps ?

Je n'ai pas besoin de feindre la surprise. Je ne m'attendais pas à une telle question. Néanmoins, j'en devine totalement l'origine... Et je devine l'opportunité qui est la mienne. Ainsi, nous voilà chargés de renvoyer Potter et sa clique dans leur époque ? Voilà qui va ajouter à ma contribution auprès des Chevaliers. Mon regard croise celui de mon supérieur. Bien sûr, je n'ai pas la moindre idée de la façon de faire voyager quelqu'un dans le temps. L'idée même que cela soit possible il y a peu m'aurait semblé extrêmement risible.

-J'aurais... j'aurais besoin que vous me contextualisiez la situation. Qu'attends-t-on de nous, exactement ?

Le fait est que je sais ce que l'on attend de nous, mais je ne peux le dire... Et je pense par ailleurs que Mr Hoover sait malgré tout des choses que j'ignore, notamment la nature des moyens qui ont été employés par les voyageurs pour arriver jusqu'ici.

- On attend de nous de créer un sort ou un objet, qui permettrait de faire voyager une personne dans le temps. Ou plutôt plusieurs personnes de ce que j'ai compris. Il y a... dans le pays six personnes qui viennent du futur, et que le gouvernement veut renvoyer à leur époque pour préserver l'ordre des choses. C'est... complètement fou.

Complètement fou, oui. Totalement invraisemblable. Encore maintenant, je peine à y croire. Et pourtant, je sais pertinemment que c'est vrai, que ça ne peut qu'être vrai. Pas uniquement parce que mon supérieur me l'apprend, et que je sais qu'il ne serait pas de bon ton de sa part que de faire une blague d'aussi mauvais goût (même si cela ne peut que me conforter dans mes certitudes), mais parce que je connais cette information depuis plusieurs semaines déjà, et même si j'ai eu bien des difficultés à m'y faire, j'ai fini par l'enregistrer. Et même par l'accepter, dans la mesure où cela m'est possible. Je suis d'un naturel cartésien, l'information a été difficile à encaisser pour moi. Mais voilà qui est fait. Je ne peux nier l'inéluctable. C'est ainsi. Et c'est donc mon obligation professionnelle que d'aider l'ennemi, ou du moins de le laisser croire. De me servir des informations que je recueillerai et de l'avancée de mes recherches pour les transmettre aux chevaliers de Walpurgis.

- Je suppose que vu le complexité du sort, il lui faudra un support... Un objet adapté, bien sûr... Quelque chose en rapport avec le temps, pour faciliter le réglage. Une montre? Ou une pendule...

Ou un cadran solaire, un nocturlabe, un clepsydre, un... sablier ? En tous les cas, je hoche la tête. Il me semble également que c'est la meilleure marche à suivre, même si elle ne m'aide guère à mieux comprendre où tout cela finira par nous mener. Si cela doit nous mener quelque chose. La potentialité d'une telle découverte a été si longtemps à mille lieux de moi que je peine à sonder par quelle magie les "nouveaux" sont arrivés jusqu'à nous, encore plus par quelle magie nous allons les ramener. Sachant que je ne suis même pas certain qu'il puisse s'agir de la même.

- J'espère que tu as de solides bases en arithmancie, on va en avoir sacrément besoin si je ne me trompe pas.

Oui j'en ai. J'avais même d'excellents résultats en arithmancie, et était au demeurant très apprécié de mon professeur. Est-ce que cela suffira à trouver une solution miracle à tout cela ? Je n'en suis pas convaincu, mais mieux vaut que j'ai ces capacités quoi qu'il en soit. Qui sait, à un moment ou à un autre, l'idée fera peut-être son chemin jusqu'à mon cerveau non pas faible (mais qui l'est à l'instant), seulement exposé à l'inconnu. J'essaye, une fois de plus, afin de me montrer le plus utile possible, d'emmagasiner toutes les informations nécessaires. Informations qui pourraient bien ne pas servir qu'à nous deux.

-Ces... ces personnes, elles vous ont dit par quel moyen elles étaient arrivés dans... notre époque ?

Même en sachant que tout cela est réel, je trouve ce dialogue positivement irréaliste. J'ai l'impression d'être propulsé dans une dimension positivement différente. Je n'ai sans doute pas tort, c'est bien cela le pire.

- J'imagine que c'est grâce ou à cause de ce qu'on va inventer. Ou à l'une de ses versions futures améliorées. Je n'ai pas pu leur parler, ils n'étaient pas présents...

Apparemment, les supérieurs de Jacob (et donc mes sur-supérieurs) n'ont pas jugé utile ou intelligent de remettre entre les mains de la personne en charge toutes les informations primordiales à la bonne avancée de la situation.... Je n'en reviens pas. J'ai beau évoluer dans le milieu depuis plusieurs mois dans le milieu, maintenant, il y a encore énormément de choses qui m'échappent et surtout, dont je ne parvient pas à saisir la logique en ce qui concerne le département des mystères. J'ai bien compris, évidemment, que dans la profession, nous sommes voués au silence, et que même entre nous, nous ne devons nous informer qu'avec parcimonie de ce que nous savons. Pensez bien que mon père, depuis le temps qu'il dirige ce secteur, n'a jamais pipé le moindre mot sur la nature de ses activités. En y devenant stagiaire, c'est un fait, j'ai à peu près tout découvert sur le tas. Je ne dis pas, c'est formateur, mais tout de même ! Là, il y a de l'abus, je trouve. À mes yeux, il aurait été dans la logique des choses qu'on offre à mon supérieur de rencontrer les voyageurs temporels. Quel meilleur moyen de comprendre ce qui s'était passé et de résoudre la situation que de parler de vive voix avec ceux à qui c'est arrivé ? Mais non, on préfère nous faire perdre la tête en nous obligeant à nous farcir des centaines de bouquins. Bon, d'accord, les bouquins, on y coupe pas, et ça ne me dérange pas du tout, d'ailleurs, mais on tâtonne un peu à l'aveugle en agissant de la sorte, non ? Si cela pouvait servir à quoi que ce soit, il est clair que j'en parlerai à mon père.

- Caleb, il n'y aurait pas eu six transferts d'étudiants à Poudlard pendant que tu y étais encore ?

Donc c'est encore plus grave que ce que j'imaginais. Je pensais qu'après le procès, on aurait eu la décence d'expliquer dans son entier la situation, mais non. Heureusement que mon patron sait faire preuve d'un véritable talent de déduction. Oui, bien sûr, toute cette affaire a eu lieu avec le transfert de tous ces étudiants. Et bien sûr, moi, je suis parfaitement au courant. Et toute la subtilité de l'affaire est pour moi de faire croire le contraire. J'essaye d'afficher l'expression de celui qui vient de comprendre ce qui lui avait échappé jusqu'alors. La vérité, c'est que je possède bien des informations qui échappent encore à mon interlocuteur. Pour une fois. C'est étrange.

-Oui... je fais avec le ton de celui qui vient d'avoir la plus grande révélations de son existence. Oui, six étudiants qui sont arrivés en septembre de l'an dernier. Personne ne nous a expliqué pourquoi ils étaient là... Ils ont prétendu venir de l'Institut de Salem, mais leur discours n'était pas cohérent. Ce sont eux, pas vrai ?

Bien sûr, je n'ai pas le moindre doute. Pourquoi je prends la peine de dire la vérité ? C'est que, outre ma carrière professionnelle dans laquelle j'espère vraiment pouvoir évoluer, je pense que plus nos recherches évolueront, plus cela me permettra de cerner ce qui est l'un des problèmes majeurs des Chevaliers de Walpurgis à l'heure actuelle.