Naître la troisième enfant au sein de la famille Chaser était une chose étrange... Un enfant est toujours une bénédiction même si, en l'occurrence, naître fille quand un fils, un héritier, aurait été plus que souhaité... Cela aurait pu largement contribuer à forger le plus froid des caractères et à emplir le cœur d'Audrey d'une rancoeur sans nom envers ses parents, ses aînées et ce frère qui finit par lui succéder. Mais il n'en fut rien. La jeune fille, dès sa plus jeune enfance, sut se différencier du reste des siens par son tempérament doux et pondéré. Elle n'était pas sa si chère Johanna, n son volcan de sœur d'Amy et, bien évidemment, elle n'était pas ce petit roi que fut bien vite Daniel. Il était le prince, le petit roi et Audrey l'acceptait sans broncher. Pourquoi se serait-elle rebellée ? Elle n'en avait nul besoin. Elle existait, était née dans une famille aimante et unie et cela lui suffisait amplement.Et peu importait bien si elle se faisait souvent chahuter tendrement par ses sœurs ou son frère qui la trouvaient bien effacée et taiseuse. Toujours obéissante et docile, jamais un mot plus fort que l'autre, Audrey faisait le bonheur et la fierté de ses parents qui la voyaient comme cette petite fille modèle qu'elle était d'ailleurs.

Mais tout comme chaque médaille à son revers Audrey avait le sien et ce fut le décès violent de Johanna qui vint mettre à nu cette faiblesse en elle. Au moment où sa sœur lui fut enlevée Audrey perdit pieds et son caractère changea de façon bien radicale. Emotive, sentimentale elle ne parvint pas à gérer cet incommensurable chagrin qui la submergea alors. Une faille s'était ouverte en elle et le doute, la peur et la plus douce des folies s'y immiscèrent. En un mot comme en cent la jeune fille devint l'exact opposé de ce qu'elle avait jadis été. De stable elle devint la plus instable des créatures, de docile elle devint rebelle et de polie elle devint revêche. Dorénavant elle répond à ces parents qui ne la comprennent plus. Elle joue de la provocation comme personne et s'enferme peu à peu dans une colère qui ne s'exprime plus jamais que par de terrifiantes crises de nerfs ou par des accès de violence qui surgissent toujours au plus mauvais des moments. Audrey n'est pas devenue mauvaise pour autant, bien sur que non. Elle souffre et toute son intelligence ne parvient pas à la sauver pour le moment. Elle repousse ses limites -et celles des autres plus encore- toujours plus loin. Pour retrouver sa sœur décédée ? Peut-être bien en a-t-elle par moments l'envie mais pas encore le courage. Pour trouver un goût à cette vie qu'elle ne comprend plus et n'apprécie que peu ? Sans doutes.

Audrey est une jeune femme sensible et honnête qui voudrait bien faire honneur à ses parents à leur nom et à leur sang si pur. Car elle les aime et sa loyauté n'est pas une chose dont il faut douter. Mais c'est aussi une jeune femme qui se perd pour mieux se trouver. Sensible à outrance elle ne sait pas comment gérer sa peine et son chagrin. Et toutes ces bêtises qu'elle enchaîne et qui lui ressemblent si peu ne sont que sa façon à elle d'exprimer sa souffrance. Audrey est une jolie fleur mais qui s'invente des épines pour se protéger d'un monde qui, en réalité, lui fait peur depuis la mort de sa sœur.

De toutes les sœurs Amy a toujours été celle que l'on remarquait le plus et Audrey n'en a jamais pris le moins du monde ombrage. Au contraire, elle admirait son aînée qui savait mettre en valeur cette beauté exceptionnelle que Dame Nature lui avait octroyée. Audrey est même persuadée de n'être qu'une vieille harpie fripée et hideuse qui ne mérite pas qu'on la regarde. Pas de fausse modestie dans cette attitude juste la plus parfaite des inconsciences de ce qu'elle est, elle aussi. Car Audrey est belle, très belle même.

Grande et élancée le corps de la jeune femme est fin et possède les plus harmonieuses des courbes. Ses jambes semblent interminables et sa taille est si fine qu'on pourrait presque en faire le tour avec ses deux mains. Un buste tout aussi menu où s'épanouit une poitrine fière et généreuse.  Sans être indécente, Audrey possède ce genre de beauté qui attire le regard même si, elle, ne voit rien. Un port de tête altier un visage comme taillé dans l'albâtre le plus pur et où s'esquissent des traits fins et qu'encadre une longue chevelure couleur café. Deux yeux couleur océan où brille toujours comme un éclat de pudeur qui se marie à ravir avec le rose de ses pommettes. Des lèvres pleines et charnues comme baignées de rosée. Une adorable petite poupée parfaitement ignorante de sa beauté.

Le regard de la jeune femme se posa, interdit et comme vide, sur cette chambre qu'elle venait une fois de plus de réduire à l'état du plus parfait des champs de bataille. Sans même un regard pour cette mère, presque désespérée et surtout désarmée face à cette enfant qu'elle ne reconnaissait plus, Audrey quitta le manoir familial et s'en alla se perdre dans les ruelles de la ville écossaise où elle avait vu le jour. Ses prunelles embuées de larmes glissaient sur toutes ces façades, ces échoppes et places où elle avait grandi, été la plus heureuse des petites filles même. Mais, aujourd'hui, elle ne l'était plus et doutait sincèrement que cela puisse jamais changer ! Pourtant tout avait si bien débuté pour la petite et si fragile Audrey... Tellement bien même...

Audrey était la troisième enfant, et la troisième fille, de la famille Chaser. Riche et influente famille de sorciers au sang pur, elle semblait être née sous la plus bienveillante des étoiles. Le manoir familial situé en Ecosse était, pour la petite fille, le plus magnifique des royaumes où ses sœurs et elle passaient la plus douce des enfances. Et quand l'héritier, Daniel, vint à naître, la petite en fut la première ravie. Cela rendait ses parents tellement heureux ! Et ce fut ainsi que les mois et les années passèrent sans la moindre vaguelette sur la mer d'une vie parfaite.

Audrey était une enfant adorable et douce qui adoraient ses parents qui le lui rendaient bien. Sa mère et elle étaient très proches et la petite savait qu'elle pouvait tout lui confier. Même si, pour être honnête, la petite n'avait qu'une seule confidente, sa meilleure amie, sa grande sœur Amy. Son père William était un homme bon et droit qu'elle admirait et auquel elle obéissait toujours sans jamais songer une seule seconde à remettre ses choix et décisions en question. Elle était sa fille, et elle lui devait respect et obéissance. Avec Daniel les choses étaient aussi bien douces. Certes le caractère, tellement affirmé et revêche de son cadet la choquait parfois, l'énervait tout autant mais cela ne dépassait jamais le cadre des taquineries tendres qu'un frère et une sœur s'adressaient quand les mots ne pouvaient exprimer les sentiments. L'enfance et l'adolescence furent bien douces pour Audrey. Bien née, fière de son sang et de son statut social, elle était la plus heureuse. Et même ses années à Poudlard où elle brilla sans chercher à atteindre une excellence qui ne l'attirait pas plus que cela, la jeune fille passa un agréable moment. Douce et effacée elle n'était pas la plus populaire des filles mais cela lui convenait. Pour Audrey la vie n'était qu'un long fleuve tranquille et cela lui convenait parfaitement.

Mais aucun être au monde ne peut décider de son destin et la vie de la petite Audrey allait bientôt basculer dans un gouffre gigantesque dont elle ne sortirait pas indemne. Voir pas du tout même. Elle avait quitté Poudlard et patientait sagement que ses parents ne lui trouvent le plus parfait des époux. Elle se marierait, aurait des enfants et serait une femme heureuse et épanouie. Pourquoi aurait-elle voulu autre chose ? Elle était une fille docile et obéirait aux volontés de ces parents qui ne voulaient que son bien. Daniel aussi aurait du se marier d'ailleurs. Avec la sublime Inès qu'Audrey appréciait sincèrement. Mais quelque chose s'était produit et leur si beau couple avait volé en éclats. La jeune Chaser ne comprit pas, ou ne voulut pas comprendre, mais cela l'attrista énormément. Inès était tellement parfaite pour ce frère qu'elle adorait sans jamais parvenir à le lui dire réellement.

Mais ce qui décida du changement radical du cours de sa vie fut ce jour où sa sœur fut tuée lors d'une attaque menée par Grindelwald et ses hommes. Ce jour là ce fut tout son univers qui s'écroula. Pourtant Audrey ne pleura pas, elle ne parla pas non plus. Sa peine était indicible, son trouble tellement grand qu'elle ne put l'extérioriser. Elle conserva tout en elle et ce tourbillon de sentiments et d'émotions négatives vinrent la chambouler, la ronger de l'intérieur. Son cœur et son âme s'étaient brisés. Elle ne pouvait en supporter autant. Incapable de se défaire de son mal, pas même capable de s'en ouvrir à cette sœur dont elle était pourtant si proche, Audrey commença à sombrer. Ce ne furent d'abord que quelques réflexions qui firent hausser les sourcils à ses parents. Puis elle se mit à leur répondre franchement, à dépasser ces mêmes limites qu'elle avait pourtant toujours respectées. Puis les mots fuirent suivis de crises de colère mémorable où la jeune femme en perdition se laissait aller à des accès de violence dont nul, pas même elle, ne l'auraient crue seulement capable.

La petite fille modèle souffrait et cela faisait mal. A elle, d'abord, et aux autres surtout. Ses parents ne comprenaient pas, se désespéraient de parvenir à pouvoir de nouveau lui parler. Sa sœur Amy était la seule dont elle soit encore réellement proche et , sans elle, Audrey aurait sans doutes bien plus plongé encore. Mais la présence rassurante d'Amy à ses côtés ne suffisait pas non plus. Et Audrey s'enferrait dans un tourbillon destructeur, faisant du mal de façon aussi violente que gratuite. Elle s'enlisait, se perdait, mais rien ne semblait pouvoir l'arrêter dans sa folie destructrice. Rien, non. Quelqu'un ? Peut-être. Qui sait ?