Lorsqu'on se répète, la veille au soir, à quel point on a pas envie de se rendre en cours le lendemain, quand, de surcroit, on se répète à soi-même qu'on verra bien au réveil, mais qu'on s'accorde la possibilité de sécher, on sait pertinemment qu'on ne pointera pas son nez en salle de classe une fois le soleil levé. C'était exactement la réflexion que s'était faite Ginny en cherchant le sommeil au fin fond de son lit. Rien d'étonnant donc à ce que, le lendemain, elle ait écrasé son réveil d'un coup sec avant de l'ignorer sublimement, avant d'ignorer également le mouvement dans son dortoir, celui de ses camarades qui, disciplinées, elles, se levaient, s'habillaient, prêtes à entamer leur première journée de cours. Grand bien leur fasse ! Aucune d'entre elles ne songea à insister, pour essayer de la tirer du lit, elles devaient savoir que c'était peine perdue. Et de tout façon, aucune de ces filles n'étaient de ses amies. Elle n'avait pas d'amis tout court, alors autant qu'elles lui foutent la paix.

Oui, ce jour-ci, elle ferait l'école buissonnière. Ce n'était pas très avisé, étant donné que ce n'était vraiment pas la première fois depuis le début de l'année. Sans oublier qu'elle avait déjà redoublé une fois, mieux valait qu'elle ne réitère pas... Mais ça aussi, elle s'en fichait. Quel intérêt que d'atteindre le succès scolaire dans ce temps ? D'accord, d'accord, apparemment, ils y étaient coincés pour toujours, dans cette époque de malheur, mais et alors ? Ce temps ne lui appartenait pas, elle ne voulait pas qu'il lui appartienne, alors s'il devait en être ainsi, d'accord, mais elle ne serait pas actrice de cette époque. Juste une sorte de deus ex machina tordu, au pire du pire. Rien qui ne l'invite à s'extirper de son lit, en tous cas. D'ailleurs, elle ne quitta les draps que sur les coups de onze heures, quand la faim fut trop grande pour être ignorée. Elle s'était rendue aux cuisines, avait accumulé ce qu'il fallait de nourriture pour se préparer un déjeuner digne de ce nom, avait retrouvé son dortoir, et ne l'avait finalement quitté qu'à l'heure où la salle commune des rouge et or devait être vide, puisque tous les élèves étaient supposément en cours. Supposément, hein, parce qu'elle n'était pas la seule à avoir la glorieuse idée de sécher les cours, bien sûr. D'ailleurs, elle l'avait pressenti avant même de descendre les marches qui menaient à la salle commune, il y aurait forcément quelqu'un pour gâcher cette solitude qu'elle n'avait jamais tant apprécié que depuis cette année qui venait de s'écouler (et dire que jusque là, elle aimait plus que tout le reste s'entourer d'amis ! Comme on peut changer en peu de temps... et pour un rien, en plus).

Quand elle arriva à la salle commune, elle découvrit donc, en effet, qu'une de ses "camarades" faisait elle aussi l'école buissonnière. Verpey Brooklyn. Gin' poussa un soupir. Retourner à son dortoir pour fuir toute conversation ? Ouais, c'était tentant. Mais en même temps, ça aurait pas été spécialement glorieux. D'accord, elle avait beaucoup changé. Mais elle n'était pas devenue lâche, ça non.

"Alors comme ça, on sèche les cours ?" demanda-t-elle dans un fin sourire, et d'un ton qui pouvait presque rappeler la Ginny d'avant, celle qui riait d'un rien, ne se prenait jamais la tête. Elle lui manquait un peu, c'est vrai.

Pas dit qu'elle veuille vraiment faire la conversation avec Brook, mais elle n'allait quand même pas l'ignorer.

Il fallait donc que je m’occupe plus sérieusement du cas de Meredith si je voulais avoir une chance de poursuivre mon éducation auprès de Jedusor. Je l’avais parfaitement bien compris. Je ne comprenais pas son intérêt à ce que je devienne copine avec cette fille mais j’obéissais. Je sentais tout de même qu’il souhaitait briser cette bande d’amie et j’étais tout à faire favorable à cela. Je n’avais pas envie de me faire plus de réflexion. Leur faire du mal et les abattre étaient mon seul objectif et tout ce qui était en accord avec cela me convenait parfaitement. Je n’avais pas prévu au départ ce genre de subtilité. Je savais qu’il fallait se montrer intelligent, mais de là à aller copiner avec elle, non clairement non. Cependant, il m’était paru évident que le dicton « garde tes amis proches de toi et tes ennemis encore plus. » était loin d’être vide de sens et je devais apprendre à le suivre. Avec le départ de Seb, je me retrouvais toute seule à présent et cela devenait dur. La guilde avait totalement disparue alors réussi cette objectif me tenait vraiment à cœur et je ferais tout pour devenir l’amie de cette fille sans saveur et triste au possible.

Comme chaque matin, je m’étais levée et j’avais cherché autour de moi cette Meredith. Une camarade de dortoir avait finalement fini par me dire qu’elle ne s’était pas levée. Super, elle allait me faire sécher cette idiote. Cela aurait tenu de moi, je ne l’aurais pas fait. Je faisais des conneries certes mais je faisais aussi attention à mes notes. Cependant, il était urgent que j’établisse un lien avec Meredith au risque de me voir abandonner par Jedusor et puis je reconnaissais là un élément idéal de rapprochement. M’installant alors dans la salle commune, j’attendais qu’elle sorte tout en lisant un livre. Il fallait mieux que cela soit elle vienne à moi plutôt que le contraire. J’avais tendance à penser et pour cause, qu’elle serait du genre à se méfier d’une approche alors que cela ne serait pas le cas si c’était elle qui venait à moi. C’était une certitude. Et j’avais eu raison puisque finalement, elle descendit et vint à moi. « Alors comme ça, on sèche les cours ? » Refermant mon livre je me redressais en lui offrant un sourire aimable. « Oui, je me sens pas trop bien, problème de fille, si tu vois ce que je veux dire. » Je fis un clin d’œil et me massais quelques instants mon ventre. Je me donnais véritablement envie de vomir en agissant ainsi mais je devais être forte. Elle serait le clou de mon spectacle et je savais que mes efforts seraient bien récompensés. « Toi aussi tu sèche à ce que je vois ? pourquoi ? »

Gin' grimaça, presque compatissante, quand sa camarade rouge et or lui apprit les raisons pour lesquelles elle n'était pas allée en cours. Elle avait beau se méfier de tout et de tout le monde et être ignoblement paranoïaque, elle ne se méfia pas une seule seconde quand la demoiselle lui présenta sa fausse excuse. Pourquoi n'y aurait-elle pas cru ? Qui irait s'inventer des douleurs mensuelles pour le plaisir, hein ? Elle aurait peut-être pu avoir des doutes et des soupçons si elle s'était trouvée en présence d'un vert et argent, sauf que la demoiselle appartenait à la même maison qu'elle, et elle ne l'avait jamais vu côtoyer Jedusor et sa clique, alors forcément, elle ne pensait pas une seule seconde qu'on pouvait lui tendre un piège. Bref, c'était, de toute façon, toujours quand on  baissait sa vigilance qu'on pouvait se faire avoir. La pauvre rouquine risquait fort de s'en mordre les doigts. Enfin, ça restait à voir, parce que ce n'était pas parce qu'elle acceptait de vaguement parler avec la rouge et or qu'elle allait daigner se montrer aimable, sympathique et avenante comme elle avait pu l'être à l'époque. Aucun commentaires, donc, sinon la grimace, concernant les problèmes de fille de Verpey. En même temps, c'était quand même pas la peine de rentrer dans les détails glauquissimes non plus, hein. En toutes logique, elle lui demanda pourquoi elle séchait, elle. Gin' hésita à lui servir une réponse évasive avant de se barrer fissa. Finalement, elle décida de hausser les épaules et d'aller s'affaler dans le fauteuil le plus proche. Elle ne savait pas vraiment si elle avait vraiment envie de se taper longuement la causette avec Verpey, mais pourquoi pas, après tout ? Au pire, si elle en avait marre, elle pourrait toujours envoyer la blondinette sur les roses, comme si de rien n'était.

"J'avais pas envie d'y aller." répliqua-t-elle succintement. "J'ai pas redoublé pour rien, je déteste les cours".

Elle esquissa un très léger sourire. C'est vrai, elle n'aimait plus les cours. À une époque, sans être fan pour autant, elle appréciait de se rendre en cours, elle trouvait même de l'intérêt à certains d'entre eux, appréciait certains de ses professeurs... Maintenant... Les cours vous préparaient à un avenir professionnel, sauf que son avenir professionnel, Ginny n'avait aucune envie de l'envisager à cette époque. C'est bien simple, si elle devait véritablement achever ses études sans avoir eu l'occasion de retrouver l'époque qui lui convenait (enfin, pour cela il faudrait qu'elle fasse quelques efforts et ne redouble pas sans arrêts, faut remarquer, donc bref, c'était pas gagné), elle se foutrait en l'air. Au bout d'un moment, sérieusement, il ne faut pas abuser non plus.

"Tu lis quoi ?" demanda-t-elle en adressant un vague geste de la tête en direction du bouquin dans lequel Brook était plongé tantôt, et dont elle avait négligé la lecture pour lui adresser la parole.

Bon, si elle voulait retourner à sa lecture, Ginny ne la blâmerait pas, au contraire, mais pour une fois qu'elle se sentait d'humeur à parler...