Les arbres oscillaient et leurs feuilles bruissaient sous un vent violent et une pluie battante. N’importe qui se promenant dehors aurait très vite décidé de rentrer chez lui pour se servir une bonne tasse de thé en écoutant les dernières informations météos à la radio. L’eau ruisselait dans les rigoles et tombait sur les toits, fouettant au passage les fenêtres tremblantes et vibrant sous la pression. Le tonnerre qui se rapprochait et résonnait au loin dans les nuages noirs gorgés d’eau effrayait les enfants cachés sous leurs chaudes couvertures, tentant de se réconforter à l’aide de mots enchanteurs et de chansons envoutantes. En se rapprochant silencieusement du numéro 18 d’Anson Road à Londres, en vous frayant un chemin derrière les arbres pour qu’elle ne vous aperçoive pas, vous auriez aperçu la charmante Jude Applegate, ma mère, une jeune femme d’une trentaine d’année passant son temps sur les bons petits plats qu’elle projetait de faire à son fils, moi, qui rentrerai bientôt de chez Mrs. Mayson qui vivait à trois rues de la maison. Son fils, oui elle avait un fils, et je suis d’ailleurs le seul qu’elle ait eu… donc je m’étais porté volontaire, il y a quelques semaines, pour remettre en ordre la petite remise construite par le défunt Mr. Mayson, Erik Mayson, dans le jardin de Katy Mayson, sa femme, une petite vieille adorable mais plus intéressée par ses deux chiens minuscules, Toby et Selma, que par les planches de bois rongées par les mites ou les outils vieillis et rouillés entreposés sur le sol de la maisonnette. Bien sûr, n’allez surtout pas croire que je fis tout ça pour le plaisir. A vrai dire, Mrs. Mayson est une sorcière, la seule de sa famille. J’étais près à dire « comme moi » mais je n’étais pas sûr que ça convienne.

La nuit était déjà tombée en ce jour d’Août, mais je lui avais promis de tout faire pour terminer ce soir. Un observateur qui passerait dans le coin n’aurait sans doute pas pensé, qu’un jour, cette remise serait redevenue comme neuve, comme au premier jour. Néanmoins, moi, Darryl Applegate, avais enfilé une paire de gants et passé un bandana jaune canari autour de mon nez et de ma bouche et m’étais également muni d’un vieux balais semblable à un Brossdur 5, juste un peu plus droit, et d’une serpillère pour chasser parasites, poussière, toiles d’araignées et vieux débris de cette cabane lugubre et puante. Quel ennui de ne pas pouvoir utiliser la magie en dehors de l’école. J’aime beaucoup Poudlard, mais cette règle idiote de ne pas pouvoir user de sa baguette magique chez soi après avoir appris tant de sortilèges est vraiment ridicule… Le temps que j’atteigne la majorité sorcière, les araignées que j’avais chassées disposaient de tout celui qu’elles désiraient pour revenir.

Ainsi, Londres était en proie à une de ses fameuses tempêtes qui régnaient ces jours-ci après la semaine brûlante qui avait enveloppé la ville. J’aurais pu vous raconter tellement de choses sur ma nouvelle vie dans la capitale anglaise, comme le fait que je découvris mon épouvantard dans un placard, que je n’eu pas le moindre ami à l’école, que je ne dormais que la moitié du temps que je devrais chaque nuit ou même que maman retomba en dépression. Tellement de choses… Cette ville une fois brûlante, une fois trempée, reflétait très bien les changements d’humeur que je subissais avec maman. Mais bientôt, je devrai encore la laisser toute seule, car je retournais à Poudlard pour ma troisième année à Serpentard.

Le matin du premier jour de Septembre, tous les sorciers et sorcières, qu’ils soient à peine entrés dans l’adolescence ou qu’ils commencent à en sortir, se précipitent à la gare de King’s Cross pour sauter dans le Poudlard Express. Vous ne diriez jamais le contraire, vous aussi vous avez hâte d’être le jour de la rentrée. Personnellement, je n’avais pas pu m’endormir avant cinq ou six heures du matin, oscillant entre des états d’inconscience et de somnolence forts dérangeants. J’avais bien évidemment branché mon réveil matin à neuf heures, me laissant le temps de me préparer avant d’emprunter le conduit de cheminée pour rejoindre le Chaudron Baveur puis la gare voisine. Je dormis donc à peine cinq heures, me laissant néanmoins transparaître bien réveillé lorsque je posai pied à terre. J’ouvris grand les rideaux de ma chambre avant de passer aux fenêtres, laissant s’engouffrer le vent marin dans la pièce. Celui-ci souleva mes draps qui se bombèrent sous son passage. Il perturba également l’organisation des feuilles de dessin qui étaient étalées sur mon bureau sous des tonnes de crayons tous de couleur et de taille différente. Les guirlandes de coquillages suspendues aux murs s’entrechoquèrent produisant cette mélodie que j’aimais tant. Mes yeux se fermèrent tandis que je laissais cette musique me bercer lentement, me faisant presque regretter mes insomnies.

Lorsque je fermai ma valise et le dernier bouton de ma veste, je m’emparai de la cage de ma chouette hulotte en même temps que le reste puis dévalai les marches en manquant de les sauter complètement en glissant sur les deux premières. Mes pas me guidèrent vers le gobelet sensé contenir la poudre de cheminette… Mais je réalisai immédiatement que jamais je n’en aurais assez pour en faire une poignée. Utiliser le peu de poudre qui restait se serait avéré vraiment dangereux si mon souhait était de me perdre ou de me faire démembrer. Ma mère était partie à la ville, et l’aiguille se rapprochait très dangereusement de l’heure fatidique, me laissant trente petites minutes pour me décider. Ma main gauche attrapa ma baguette cachée dans la poche de ma veste en cuir. Je ne savais pas quoi faire. C’était horrible, vous savez, cet instant de panique qui vous saisit au ventre, à la gorge et à l’esprit, vous paralysant sur place et bousculant vos idées vous plongeant dans la confusion.

Je sentais des gouttes de sueur perler sur mon front et un souffle glacé parcourir mon dos. Je n’irai pas à Poudlard, c’était terminé. Mes jambes me conduisirent au dehors, chargé de toutes mes affaires destinées à mon année à l’école. Complètement désemparé, je ne pus retenir les larmes qui se mirent à couler sur mes joues, me faisant grimacer et perdre complètement la tête. Le vent qui fouettait mon visage et qui sifflait dans mes oreilles me fit vaciller et finalement tomber bêtement sur les fesses à l’entrée de chez moi. Puis il arriva... à onze heures précises.

Il roulait depuis déjà vingt minutes, slalomant entre toutes les voitures moldues qui s’opposaient à lui. Personne ne le voyait, personne ne le sentait, aucune personne autour de nous ne pouvait nous voir. Mes mains tenaient fermement la barre en métal qui trônait derrière le compartiment du conducteur, vêtu d’énormes lunettes et d’une robe de sorcier brune vieillie par le temps. Toute mon attention se focalisait sur les paroles du contrôleur qui tenait dans sa main les onze mornilles que je venais de lui payer pour obtenir mon ticket. J’avais beaucoup de mal à tenir debout, m’agrippant de toute mes forces à tout ce que je pouvais attraper, mes pieds glissant sur le sol fraîchement ciré.
- Rappelle-moi ton nom petit ?
- Darryl… euh… Je glissai dangereusement, finissant sur les fesses.
- Darryl ? C’est pas très commun, si ? Me répondit-il en m’aidant à se relever.
- Nan. C’est vrai !! Criai-je en tentant de couvrir les claquements provoqués par les lits sur les fenêtres.
- Et où on va déjà ? continua tranquillement le contrôleur.
- A King’s Cross, pour que je prenne un autre train vers Poudlard !
- Un autre train ?! Mais tu as bu ou quoi petit ! Il n’y a qu’un seul et unique Poudlard Express ! Pourquoi voudrais-tu qu’il y en ait deux ?
- QUOI ?! m’époumonai-je.
- Ernie ! ERNIE ! hurla-t-il en plongeant sur la fenêtre nous séparant de celui-ci. ERNIE ! ON CHANGE DE CAP !

Ce fut sur les coups de midi que le Magicobus me déposa à la gare de Pré-au-Lard après que j’eus enfilé tant bien que mal mon uniforme au troisième étage du véhicule. Réajustant ma cravate, je remerciai les deux hommes avant de voir disparaître en un vrombissement et dans un nuage de poussière le bus d’un violet éclatant. C’est ainsi que je me retrouvai seul, assis sur un banc, sur le quai au bord duquel était sensé arrivé le train à la tombée de la nuit. Je ne vous cache pas que je fis plusieurs allés et retours au village pour remplir mon estomac, mais l’ennui fut bien présent avant que la magie n’arrive et que je rejoigne les autres premières années à bord des barques filant sur l’eau vers le château.

Depuis, toutes mes années se passèrent à peu près de la même manière après l’annonce du décès de mon père par télégramme pour ma mère et, de mon côté, par annonce orale dans le bureau du directeur. Mes matières fétiches restent les Potions et la Botanique, sans aucun doute, mais je n’ai aucune idée de ce que je veux faire de mon avenir. J’aimerais juste attirer l’attention de Gloria…