Il était bien tard ce soir-là mais jamais le Ministère n'avait semble aussi bruissant de vie ! Les couloirs étaient emplis de sorciers qui avaient délaissé leurs si tristes uniformes pour leurs plus belles tenues de gala. Les hommes étaient élégants dans leurs costumes aux coupes impeccables et les femmes, quant à elles, étincelaient de mille feux dans ces bouillonnements d'étoffes qui soulignaient leurs courbes. Ce soir le Ministre recevait. Et même si la raison était de mieux corrompre certains opposants, si tout ceci n'était qu'une réunion de travail habilement travestie, tous entendaient bien en profiter. Même Nemesis, pour une fois, semblait savourer ces mondanités qu'elle avait légèrement délaissées ces derniers temps. L'héritière Colloway, plus connue maintenant en tant que future Mrs Mayfair, se faisait discrète. Et alors qu'on l'attendait dans cette réception ci elle se déclarait trop souffrante, dans cette réception là Nemesis était retenue par un dîner de famille et, pour ces oeuvres de charités dont elle était pourtant souvent la marraine, la jeune femme s'excusait prétextant être submergée par les préparatifs de ses noces. Noces qui, malgré l'impatience dont ne cessait de faire preuve son si charmant fiancé, on ne voyait toujours pas le jour arriver ! Des rumeurs commençaient même à enfler, prétendant qu'il y aurait de l'eau dans le gaz entre ces deux tourtereaux. rumeur qui cessa au moment précis où ils apparurent, si tendrement enlacés, dans cet atrium devenu pour l'occasion, salle de réception.

Nemesis rayonnait dans sa robe d'organza rose pâle et, la tenant par sa taille si fine, Tristan semblait comblé. Les regards se faisaient envieux et, le couple le savait, demain toutes  ces méchantes rumeurs à leur sujet auraient enfin cessé ! Pendant quelques instants, tout juste quelques minutes en fait, les fiancés virevoltèrent d'un groupe de convives à un autre, distribuant sourires et mots aimables à chacun. Exercice de haut vol auquel l'un comme l'autre étaient depuis longtemps rompu. Nemesis souriait et riait, s'efforçant d'être cette parfaite petite fiancée que tous voulaient qu'elle soit. Mais, pour qui la connaissait ne serait-ce qu'un peu, il semblait évident que si son corps était présent il n'en était pas de même de son esprit. Simple petite poupée mondaine qu'un fiancé trop parfait faisait valser au gré de ses ambitions politiques. Un magnifique joyau dont nul ne pouvait voir l'éclat se ternir d'instant en instant. Tristan ne voyait rien, sincèrement persuadé de faire le bonheur de son aimée. Il riait, flattant sa beauté à des collègues mais ne voyait pas ce voile qui ternissait l'océan des yeux de Nemesis. Déjà l'ennui la gagnait tandis que, de son côté, Tristan faisait ce qu'il faisait le mieux : son auto-promotion ! Et, alors, Nemesis devenait de trop... Elle le gênait ou du moins est-ce ainsi qu'elle le prit quand, dans un baiser qu'elle accepta de bien mauvaise grâce, il la conduisit auprès d'un homme auquel il la confia. Comme un vulgaire paquet qu'il récupérerait plus tard. La jeune femme peinait à masquer son agacement et elle allait faire comprendre à son chevalier servant qu'elle n'avait pas le moins besoin du monde de lui quant elle reconnut son visage. Surprise autant que soulagée elle s'avança et, prenant le bras de cet homme qui était très loin de lui être inconnu, elle le salua en ces termes

-Jacob ! Mais quel plaisir de te revoir enfin... Cela faisait si longtemps, n'est-ce pas ? On dirait que nous sommes prédestinés à nous croiser lors d'événements mondains. Que dirais-tu de me faire danser ? Trompons donc mon ennui ensemble puisque cela semble être la volonté même de mon fiancé !

Jacob était sans nuls doutes la dernière personne au monde que la jeune femme aurait songé rencontrer ce soir bien que, si elle avait pris le temps de réfléchir un tant soit peu, elle aurait trouvé sa présence plus que légitime. Peut-être était-ce du au fait que la jeune femme peinait à voir en lui cet employé ministériel modèle qu'il était devenu et ne voyait que ce jeune sorcier qu'elle avait jadis connu. Et qui, déjà à l'époque, lui avait servi de cavalier de remplacement lors de l'une de ces soirées mondaines que Nemesis avait, depuis, largement appris à se lasser. Hier il avait remplacé Kieran, aujourd'hui Tristan. Comme si l'histoire se devait d'être un éternel, et bien agaçant en de telles circonstances, recommencement. Pourtant, ce facétieux marionnettiste de Destin avait plutôt bien fait les choses puisque celui auquel Tristan l'avait ainsi abandonnée était sans doutes le seul qu'elle pourrait, non pas supporter en grinçant des dents, mais réellement et sincèrement apprécier. Certes de l'eau avait coulé sous les ponts depuis leur dernière entrevue mais Nemesis le sentait, le lien qu'ils avaient tissé jadis existait toujours. Quant à ce qu'il était vraiment, peut-être cette danse qu'ils entamaient avec grâce et légèreté lui apporterait-elle la réponse à sa question.

Et, toi, tu es toujours le meilleur des chevaliers servants tu le sais ? puis, serrant plus fortement le bras du jeune homme, se penchant vers lui pour mieux lui déposer une bise appuyée sur la joue elle rit en secouant ses boucles blondes tandis qu'elle ajoutait de sa voix emplie de malice Et il me plaît de constater que ton charme n'a su, lui aussi, que se bonifier avec le temps. Tu es un homme séduisant mais je suppose que tu le sais déjà, non ? puis, alors qu'ils rejoignaient la piste de danse elle laissa ses prunelles azurées par delà cette foule de visages qui les cernait et demanda, un index posé sur ses lèvres rosées Alors dis-moi tout... Quelle est donc la charmante personne dans cette pièce qui a su gagné la forteresse de ton cœur ? Il serait regrettable, et incompréhensible, que tu sois célibataire !

Nemesis riait, oubliant dans les bras de son vieil ami, cette morosité qui l'avait rendue bougonne après que son fiancé l'eut ainsi délaissée pour mieux se préoccuper de cette carrière qui semblait tout représenter pour lui. Parfois la jeune poupée en venait à se demander s'il l'aimait vraiment ou si elle n'était qu'une autre des cartes maîtresses dans son jeu qui en comportait déjà tellement d'autres. Tristan était un homme séduisant, affable et brillant. Mais une femme telle que Nemesis à ses côtés serait toujours un plus indéniable pour sa prometteuse ascension politique. Nemesis soupira en voyant le regard, plutôt sombre et où luisait comme une once de jalousie, de son fiancé venir surveiller, de loin, la danse dans laquelle les corps de sa belle et de Jacob se frôlaient en de bien chastes et innocentes passes. La jeune femme baissa les yeux à  la question de son cavalier avant d'hésiter. Ce qu'elle devenait ? Honnêtement elle ne le savait pas. Sa vie étant quelque peu compliquée ces derniers temps. Cependant elle esquissa ce qui se voulait être un sourire avant de répondre d'une voix qui laissait trop bien transparaître son trouble et sa tristesse

Rien de plus que ce que toute ma famille et notre société attend d'une héritière comme moi je suppose. Je suis fiancée à Tristan Mayfair et bientôt je serai une femme mariée et des plus en vue. Et je suppose qu'après il nous faudra avoir un enfant afin de former la plus parfaite des petites familles, non ? N'est-ce pas là ce que toute fille bien née se doit de faire ? puis elle ajouta à voix basse et les lèvres serrées en une moue boudeuse Si tu savais combien j'aimerais pouvoir envoyer valser tout cela parfois ! La société, ma si chère famille au sang si pur... Les convention , le travail et même Tristan tiens ! Oui, des fois j'aimerais être quelqu'un d'autre...