Faut-il que j'y vois un signe? Une chance? Une fatalité, je n'en sais trop rien. Peut-être les trois à la fois, peut-être rien de tout cela. Dans mon esprit, tout est très flou. Je savoure l'opportunité, bien sûr, mais me demande s'il n'y a pas anguille sous roche... ou bien baleine sous gravier. Mon père considère visiblement que j'ai passé suffisamment de temps à éplucher et trier des dossiers poussiéreux, et est parvenu à me faire transférer plus avant au département des mystères. J'ignore si cette perspective m'enchante, sachant qu'elle est l'initiative de mon paternel et non le fruit d'un dur labeur, la récompense pour le sérieux et la discipline dont je fais preuve depuis que j'ai intégré le ministère. Avoir les capacités de réussir par soi-même et se livrer à tant de facilités, d'hypocrisie sociale. Par moment, j'en arriverais à me dégoûter moi-même. Cela étant, je ne peux décemment pas cracher sur cette fleur que l'on me fait, sur une occasion précieuse. En ayant un rôle plus important, en apprenant plus avant les méthodes et les recherches menées au département des mystères, j'aurais plus de facilités à mener la mission folle que je me suis confiée à moi-même en acceptant de me servir de mon travail pour en apprendre plus sur le département des mystères. J'attends calmement sur ma chaise inconfortable, face à une secrétaire aux airs blasés, que mon nouveau tuteur professionnel arrive enfin. Je ne sais rien de cet homme, si ce n'est qu'il s'appelle Jacob Hoover. Un autre mystère parmi les mystères. J'ignore s'il me tarde de découvrir celui-ci, au moins me dis-je qu'il ne peut guère être pire que mon ancien tuteur, qui ne s'adressait à moi que pour me demander de lui apporter son café, mission extrêmement périlleuse, bien sûr.

Nous nous regardons en chiens de faïence plusieurs longues minutes, moi et la secrétaire, puis le fameux Mr Hoover arrive enfin. Il ne paye vraiment pas de mine, dans son pauvre costume, avec ses airs de... ne pas avoir l'air. Mais je choisis de lui laisser le bénéfice du doute. Sous ses airs de ne pas y toucher,peut-être dissimule-t-il des trésors d'intelligence et de génie. Bien dissimulés, alors. Enfin, je ne vais pas me mettre à mépriser mon maître de stage. Pas tout de suite, en tous cas.

- Jacob Hoover, Comité des Sortilèges Expérimentaux. Caleb Lestrange, c'est ça?

À ces prémisses d'échange, mon avis sur lui ne change pas. Mais je ne dis rien. C'est bien moi donc j'opine du chef, c'est tout. Il mentionne mon nom, et tout à coup, j'ai l'impression qu'il me fait perdre toute ma légitimité à être ici, quand bien même, c'est vrai, et c'est paradoxal, je suis ici grâce à ce même nom.

- C'est toujours un peu la course dans notre service, avec quelques périodes de rush. Tu tombes en plein dedans, pas de chance.

Pas de chances. Ou toutes les chances du monde, bien au contraire. Je n'aime pas l'idée de venir au travail et de me tourner les pouces. Pour ma part, il est évident qu'arriver en période de pleine frénésie sera bien.

Il m'emmène dans ce fameux dédale de porte qui semblent toutes se ressembler, il me guide sans mal dans ces étendues labyrinthiques. En mon esprit, j'essaye de me rappeler notre itinéraire. Je doute néanmoins d'y être parvenu. Je m'attend à me perdre souvent dans ces dédales. Et à laisser ma fierté me dicter de ne pas demander mon chemin malgré tout.

- Quelques services sont verrouillés et imperméables à l'Alohomora. C'est le cas ici, il faudra que tu passes voir la sorcière en charge du système de sécurité à la pause de midi pour qu'elle enregistre la signature magique de ta baguette. Tu sais où c'est?

J'aime ce discours, cela signifie visiblement que j'aurais enfin accès à ces services que l'on m'avait refusé jusqu'alors. Tout à coup, ma vie professionnel semble gagner en intérêt, et pour cela, je ne peux que remercier mon tuteur, même si j'ignore encore quelle place il doit avoir dans mon estime. J'acquiesce de nouveau quand il me demande où enregistrer la signature magique de ma baguette avant de me chercher une place dans son bureau encombré de paperasse.
Immédiatement, à la fois pour montrer ma motivation et taire mon impatience, je demande :

-Quel sera mon travail, exactement?

Car à ce sujet, mon père ne m'a rien dit, et je dois admettre que ça me frustre.

- Et bien... En gros, il s'agit de m'assister dans le travail que je fais.

J'empêche in extremis une grimace de prendre place sur mon visage. En tant que stagiaire, son rôle va être de m'assister... il en a d'autres des scoops comme celui-ci ? Ou bien me prend-t-il pour le plus total des demeurés? C'est peut-être la seconde option, en fait. Je réalise bien que mon nom est un avantage sur la forme et pas sur le fond. Il doit penser que je suis un incapable, et je compte bien lui prouver le contraire. À moins qu'il ne soit l'incapable et n'ait même pas cerné l'évidence de ses observations ? Pour le moment, je reste indécis. La seule chose qui soit vraiment certaine à mes yeux, c'est qu'il ne paye pas de mine. Ça ne veut pas dire que les apparences ne sont pas trompeuses, ça je suis bien placé pour le savoir, juste que pour le moment, je ne cerne de lui qu'une partie visible de l'iceberg, peu fascinante.

- C'est assez varié comme travail. Ca va de la création d'objets magiques à leur identification en passant par la découverte de leurs fonctionnalités. Et ca varie énormément en fonction de l'artefact sur lequel tu travailles.

Voilà déjà des informations un peu plus précise et intéressantes, bien qu'elles ne soient pas vraiment inédites pour autant. C'est le premier pied que je met concrètement au département des mystères, je m'attends à être plus surpris que cela. Mais je sens que cela ne va pas tarder à venir. Si du moins je ne suis pas mis à l'écart, comme j'ai pu l'être jusqu'ici, quand je devais me contenter de trier bêtement de la paperasse.

- En ce moment, mon boulot consiste à chercher à quoi sert la sphère bleue dans l'armoire. Ton rôle, c'est aussi le mien. Trouver à quoi ça sert.

Mon regard se tourne instinctivement vers l'armoire en question. De loin, je découvre la sphère bleu, et je me sens aussitôt à la fois fasciné et piqué de curiosité. De quoi peut-il s'agir? À quoi cela sert-il? Ma curiosité naturelle revient au grand galop, et j sens, tandis que dans mon esprit s'échafaudent plusieurs plans afin de percer ce mystère, que j'ai peut-être ma place ici, finalement. Quand mes yeux retournent à mon interlocuteur, un vieux livre, un pavé dont j'ignore le contenu et la raison de sa soudaine présence sur le bureau de Mr Hoover se trouve entre nous, et c'est à son tour d'avoir droit à des coups d'oeil intrigués. Je ne le quitte pas des yeux tandis que je répond à la question de mon maître de stage.

-J'ai fait de l'arithmancie et de l'étude des runes. Après mes BUSE, j'ai continué en plus des potions, de la métamorphose, de l'histoire de la magie, et des cours d'enchantement et de défense contre les forces du mal.

Je réponds assez évasivement, ne m'attardant pas sur mes résultats (bien que brillants) ou mes préférences. Je doute que ce soit dans mon cursus qu'il va trouver la réponse à la question qu'il se pose visiblement : suis-je à la hauteur?

-Pour la sphère bleue... je suppose que vous l'avez déjà exposé aux différentes conditions climatiques et thermiques et avez utilisé les contre-sortilèges de base?

- Parfait, l'étude des runes et l'arithmancie sont plutôt utiles, bien que la seconde serve surtout lorsqu'on doit créer des objets.

Sans doute, sans doute... Je m'abstiens de lui apprendre que je suis de toute manière compétent dans tous les domaines. J'imagine qu'un brin d'humilité lorsqu'on débute dans un métier est toujours bon à avoir. Ou à faire mine d'avoir. Animé comme je le suis d'un besoin de faire mes preuves sans qu'on me compare constamment à mon paternel, je sais que j'ai plutôt intérêt à filer doux, ou au moins un peu, et à savoir me faire remarquer pour les bonnes raisons. C'est pour cela que j'ai préféré y aller de suggestions concrètes plutôt que de jouer les prétentieux... que je suis certainement un peu. Et j'ai bien fait d'éviter mes déballages d'auto-suffisance, puisqu'Hoover me remet bien vite à sa place.

- Il y a différents moyens d'obtenir ce que l'on cherche... Le moyen expérimental en fait partie, bien sûr. Mais ce n'est pas vraiment le plus efficace. A vrai dire, il est complètement aléatoire... Et comporte des risques non négligeables.

Clairement, son point de vue se défendait. Il est vrai que quand on ne sait pas à quoi on s'expose, il vaut mieux en rester le plus longtemps possible au stade de l'observation. Mais si cette observation ne donne rien, qu'advient-il alors? Combien de temps doit on passer à regarder un objet sous tous ses angles avant de daigner passer à une phase plus expérimentale ? Ce n'est pas que je manque de patience, mais un tel exercice peut durer des décennies. J'imaginais ce corps de métier plus fascinant, je dois l'admettre. Mais peut-être aussi, en si peu de temps, me fais-je une fausse opinion de tout cela. J'attends d'être surpris, et passionné, en tous cas.

- Il y a quelque chose que tu dois savoir Caleb. Tant que tu as le choix, ne fait pas de magie inconsidérée sur des objets dont tu ne sais absolument rien. Vois-tu, certains sont enchantés pour réagir à certains sorts, et peuvent causer des dommages assez importants. J'ai faillit perdre un doigt avec un vulgaire sort de nettoyage une fois. Crois moi, tu ne fait l'erreur qu'une seule fois...

Je n'aime pas qu'on me fasse leçon ou qu'on me donne conseil, cela me donne toujours l'impression d'être un idiot fini. Bien sûr, mon nouveau patron a toutes les raisons du monde de s'adresser ainsi à moi, et ses conseils sont judicieux, il n'empêche que je me sens toujours un peu idiot quand ce genre de conseils me sont prodigués. Je ne dis rien, cependant, et je garde pour moi ma frustration, me contentant d'un simple et bête hochement de tête.

- Il y a d'autres indices. La forme, la couleur, les inscriptions. Les objets qu'on nous confie sont généralement assez anciens.

J'observe avec intérêt l'ouvrage qu'il me met sous le nez. Outre le fait qu'il s'agisse de la sorte de livres que j'apprécie particulièrement, son contenu potentiel éveille en moi beaucoup de curiosité. Il l'ouvre à une page spécifique. J'avoue, malheureusement, ne pas être au fait de son contenu.

- Ça te parle? Je ne sais pas si les programmes de Poudlard ont évolués entre temps ou pas...

Je fais non de la tête, plutôt déçu d'étaler autant d'ignorance en présence de quelqu'un auprès duquel j'aurais préféré briller par mon intelligence.

-Non.

Et voilà comment je vais passer pour un ignare et un incompétent. Bon, beaucoup diront que c'est normal de ne pas savoir grand chose au début. Mais moi je veux tout savoir tout de suite, est-ce un mal?

- Ne t'inquiète pas, c'était mon cas aussi, et on s'en sort bien. Sur la sphère, il y a inscrit ça.

Il me semble que nous n'avons pas la même définition de ce que cette expression signifie : "on s'en sort bien"... lui peut-être, était arrivé à quelques conclusions vagues après des heures et des heures de recherches, moi, après seulement quelques minutes, j'ai juste l'impression de m'immerger dans un profond marasme. Mais bon. Ce n'est après tout que le début, personne ne peut obtenir un résultat parfait au premier jour, et si mon patron est toujours aussi dubitatif sur la question après des mois de recherche, ce n'est pas moi, en une fractions de secondes, qui vais avoir réponse à son problème devenu aussi le mien. Bon, un regard neuf peut parfois faire la différence, mais mon inexpérience, je le réalise, joue quelque peu en ma défaveur. C'est une chose à laquelle il va falloir que je m'habitue, je le crains. J'avoue sans mal que j'aurais préféré me l'épargner... ce travail risque de blesser plus d'une fois mon orgueil surdimensionné... Mais peut-être cela ne me fera-t-il pas de mal, dans le fond ?

- Ne t'inquiète pas, c'était mon cas aussi, et on s'en sort bien. Sur la sphère, il y a inscrit ça.

Il me tend un morceau de parchemin. Il connaît l'énigme de tête. Ce n'est pas surprenant, il doit cogiter dessus depuis un moment déjà. Je songe à toutes les possibilités, il peut s'agir d'une énigme, il peut s'agir d'un code, ou peut-être est-il question d'un anagramme. Peut-être la citation en elle-même appartient-elle à un recueil quelconque ? Peut-être... La foule des possibilités est infinie, et je discerne toute la difficulté du métier.

-Voilà, j'en suis rendu là. Ca va faire deux semaines que je bloque dessus, et au bout d'un mois sans qu'on trouve quelque chose, l'affaire passe à un collègue. Histoire d'avoir un regard nouveau sur le sujet. Si jamais tu as une idées, hésite pas. Et... Bonnes recherches Caleb.

Je me contente de hocher légèrement la tête. Je comprends la frustration que sera la sienne s'il est contraint de transmettre l'affaire à quelqu'un d'autre. En ce qui me concerne, je déteste par dessus tout ne pas achever ce que j'ai commencé. Enfin, un mois, c'est tout de même suffisamment long pour qu'à deux, on parvienne à quelque chose, non ? Je vais espérer que oui. J'ignore si Jacob Hoover m'inspire vraiment beaucoup de sympathie, mais je n'ai en tous cas nulle intention de le décevoir, et surtout, j'ai des preuves à faire.

Sans plus prononcer le moindre mot, je me lance donc à la conquête de cette épineuse énigme, tandis qu'une part de moi se demande au terme de combien de mystères irrésolus, l'on finit par être considéré comme inapte au travail... Je m'empare d'une plume, d'un parchemin, je réécris les fameux mots plusieurs fois, en les séparant par membres de phrases, puis en isolant chaque l'autre, encore en isolant chaque lettre, je décide de m'attaquer à la forme avant de passer au fond, d'autant que je crois que mon patron s'occupe de ce dernier aspect. Je compte le retour de certaines lettres, je cherche à les inverser, ou de les remplacer par celle qui suit ou la précédente... Je me promets d'acquérir de meilleures notions en cryptologie dès que possible.
Déjà je réalise que, en vérité, ce métier me passionne. C'est bien plus intéressant, en tous cas, que de seulement servir le café.