L’elfe finit de coiffer Olympia, et reposa ses instruments sur la coiffeuse, puis s’esquiva.
Olympia rajusta le ruban vert dans ses cheveux, ajusta sa parure, bouffa sa robe et arrangea les plis de ses manches. Elle devait être parfaite. Aujourd’hui, elle ferait son entrée dans la haute société anglaise, et rencontrerait pour la première fois une des grandes familles de l’aristocratie sorcière anglaise. Elle n’avait pas le droit à l’erreur.
Elle se savait belle, digne, pleine de morgue, méprisante, cynique quand elle le désirait, courtoise, hypocrite quand il le fallait, imperturbable lorsque cela était approprié mais… et si… Il y avait toujours un risque. Un risque inacceptable. Elle ferait bonne impression, serait remarquée et admirée, comme en France. Cela ne pouvait être autrement, cela n’en serait jamais. Jamais.

Elle se sentit légèrement trop anxieuse, car elle avait déjà participé à nombre de réceptions, et n’avait jamais commis d’impair. Pas un seul. Et il en serait certainement ainsi le jour-même. Elle releva donc la tête, mit ses épaules en arrière, se tint droite, se leva et sortit de sa chambre. Sans un regard en arrière elle parcourut la cinquantaine de mètres qui la séparait du Grand Salon. Elle n'avait pas l'estomac noué, ni la respiration coupée, ou les lèvres mordues par ses blanches dents. Non, elle était calme. Elle savait ce qu'il fallait faire, ce qui allait se passer, elle avait la situation sous contrôle.
Ses parents l’attendaient dans le salon. Son père, élégant et impressionnant, tenait la main de sa femme, vêtue d’une ravissante robe mauve brodée d’argent. Elle les salua, puis tendit la main à son père, et ils transplanèrent tous les trois.

Olympia, habituée, ne fut pas incommodée, mais se rembrunit quelque peu lorsqu’elle constata que son frère n’était pas là. Elle avait espéré qu’il les accompagnât. Elle avait voulu penser qu’il les avait devancés, et qu’il l’attendrait devant la porte, prêt à l’accompagner à l’intérieur… Elle retint un soupir.
Ce n’était pas qu’elle ait besoin de la présence de son frère pour se sentir mieux, mais plutôt qu’elle trouvait sa présence tellement… réconfortante, apaisante, agréable…

S’il voulait s’intégrer, et accomplir la mission que leur père leur avait confiée, il aurait du saisir l’opportunité de cette visite pour rencontrer le fils des Chaser, qui avait fréquenté l'école au moment de l'incident. Il savait sûrement quelque chose, bien qu'il ait fini sa scolarité. De ce que son père lui avait dit, Daniel Chaser était digne, qu’on pouvait traduire par intégriste, versé dans les ‘’arts sombres’’ et fréquenté par des sang-purs, ou ne fréquentant que des sang-purs. Olympia quant à elle préférait réserver son opinion, et juger de la dignité de Daniel Chaser après leur entrevue. De son talent, aussi.

Elle se promit d’ailleurs d’arranger une rencontre entre son frère et le fils de leurs hôtes, si l’héritier des Chaser se montrait digne d’intérêt, ou même digne de fréquenter son frère.
Elle chemina donc jusqu’à la porte de la demeure, et attendit que son père n’avertisse leurs hôtes de leur présence, ce qu’il ne tarda pas à faire. Une jeune fille vint ouvrir, elle faisait visiblement partie de la famille étant donné son aspect vestimentaire, son allure et son maintien. Elle nous invita à entrer, et mes parents offrirent comme réponse les habituelles paroles de flatterie et de courtoisie qui commençaient tous les échanges entre gens civilisés.
Olympia n’eut pas à faire d’effort pour paraître suffisamment intéressée pour ne pas avoir l’air de s’ennuyer, mais pas au point de sembler véritablement intéressée par la conversation mondaine qu’entretenaient Andreus et Dulcenia avec la jeune fille. Cela ne paraîtrait que trop hypocrite, et s’il fallait conserver les apparences, montrer trop d’intérêt pour une conversation futile ne pouvait que desservir.

“On a des invités, ce soir. Lève tes fesses de ce lit et fais toi beau, frangin.”

Amy (la soeur de Dan), sans beaucoup d'enthousiasme, avait passé sa tête par l'entrebaillement de la porte de la chambre de Daniel, lui avait annoncé cette nouvelle. Dan, qui comatait lamentablement sur son lit, fatigué par une nouvelle semaine de stage tout aussi ennuyeuse et peu valorisante que les précédentes, prit cette nouvelle sans beaucoup de plaisir. Quelque soient les invités en question, ils n'intéressaient pas l'ancien serpentard.

“Mes fesses sont très bien où elles sont. C'est qui, ces invités?”
Amy haussa les épaules.
“Chais pas, des français, ou un truc comme ça.”

Merveilleux! Encore une famille venue de l'étranger, et partie pour s'installer en Angleterre, là pour faire le tour du bottin mondain. Enfin... Il valait sûrement mieux qu'il s'agisse de sinistres inconnus plutôt que d'autres familles que Dan ne voulait pas croiser. Genre les Hornby... les Alliane... les trois-quart de l'univers, quoi.

“Dis aux parents que je sors, ce soir.”

Depuis que Dan avait quitté Poudlard (et par la même quitté Ines), il était devenu une sorte de loque, qui ne daignait se bouger de chez lui que pour faire la tournée des pubs et se rendre au ministère, où son père lui avait trouvé un stage. Alors ce genre de mondanités, très peu pour lui.

“Les parents ont dit que t'avais pas le droit de te défiler, cette fois”.
Putain...
“C'est bon, j'ai pigé, j'me bouge”...
Ô motivation extrême! C'est en traînant des pieds qu'il daigna enfin prendre sa douche de la journée et s'habiller convenablement. Quand les Rosier arriva, il était fin prêt, au même titre que ses deux soeurs et ses parents, à faire la rencontre de cette famille de sang pur.

La réception s'avéra particulièrement ennuyeuse... Daniel adressa à peine un mot et un regard aux nouveaux arrivants, s'étant contenté de les saluer quand ils étaient arrivés. Très vite, son attention s'était attardée sur leur fille, sûrement parce qu'elle était la personne avec laquelle il était le moins susceptible de s'ennuyer dans toute cette assemblée... Parce qu'elle n'avait pas l'air beaucoup moins âgée que lui. Ça s'arrêtait là. Il n'avait pas particulièrement envie de communiquer ou d'établir le contact avec elle, mais en même temps, il avait fait à ses parents la promesse qu'il resterait jusqu'à ce que les Rosier s'en aillent, alors il fallait bien qu'il s'occupe. Il s'avança donc vers la jeune fille, et daigna se présenter auprès d'elle, le minimum vital, quoi.

“Olympia Rosier, c'est ça?” Oui, les parents Chaser avaient vaguement débriefé leurs enfants avant l'arrivée de la famille Rosier, afin qu'ils n'aient pas l'air complètement à côté de la plaque. “Moi c'est Daniel Chaser.”

Voilà, le minimum vital avait été accompli. Bon, si ça se trouve, il allait s'avérer qu'Olympia allait être une fille intéressante, et il n'allait pas s'ennuyer avec elle. Mais dans sa démotivation la plus totale, il n'en était pas totalement convaincu.

Evan avait eu raison de ne pas venir. L’ennui l’enveloppait, et la somnolence la guettait. Ce qu’elle ferait pour que quelque chose se produise ! Pour que quelque chose d’intéressant se présente à elle !


Soudain, elle se redressa. Une sensation bien connue se répandait dans son corps, en même temps que l’adrénaline. Ici ? Peut-être que cette visite ne serait pas aussi insipide qu’elle l’avait pensé.


Un étrange frisson la parcourait. Quelque chose de si familier… Quelque chose de si envoûtant… Quelque chose qu’elle avait ressenti si souvent… Quelque chose qui ne pouvait qu’être que de la magie noire. Visiblement, Daniel Chaser avait côtoyé cette forme de magie de très près. Elle le sentait quand il la fixait, bien que ce ne soit que quelques secondes, à peine deux regards que se croisent… Soit il en faisait usage régulièrement –ce qui en soi n’avait rien de très étrange- soit quelqu’un dans son entourage en était tellement imprégné que cela « débordait » sur les personnes qu’il/elle fréquentait… Le frisson habituel, d’excitation et de jouissance mêlées, que provoquait la magie noire sur elle assécha sa gorge, et fit battre son cœur un peu plus vite.


Elle avait tout son temps pour faire sa connaissance, et démêler la situation, car la charmante conversation des parents ne l’intéressait guère –euphémisme !- et elle n’y était de toute façon pas conviée –son rôle était de jouer la plante verte, certes une jolie plante verte, mais un ornement, qui faisait partie du décor- .

Olympia continua donc à lui jeter quelques regards, à la dérobée, peu discrètement, essayant de savoir qui se cachait sous son air désabusé. Tout ce qu’elle en retira fut la certitude que s’il avait pu échapper à cette réception il l’eût sans doute fait. Maigre information, qui ne l’aidait pas.
Néanmoins, comme exprimer sa frustration au beau milieu du salon n’était pas une option, elle décida d’aller lui parler, prudemment, car elle ne savait pas s’il était le principal utilisateur de magie noire ou juste une relation du réel émetteur.


Cependant, il fut le premier à l’aborder, ce qui était plus dans les convenances que le contraire, et la satisfaisait entièrement.


« Olympia Rosier, c'est ça ? »


Il n’avait pas l’air… dangereux. Enfin, moins qu’elle ne l’avait pensé. En fait, elle n’en était que plus intéressée. Quelqu’un qui semblait contrôler autant ses expressions, mais surtout quelqu’un qui pouvait camoufler cette impression de… d’être nocif, de représenter un potentiel danger que dégageaient… les gens qui utilisaient cette forme sombre de la magie, c’était précieux.


« Moi c'est Daniel Chaser »


Il était amusant de noter combien ses réactions différaient d’une personne à l’autre. Elle n’avait même pas été tentée d’adopter son habituel comportement méprisant, son « Non, vraiment ? », son regard moqueur, son rictus condescendant, un de ses sourcils légèrement relevé –mimique qu’elle avait mis du temps à maîtriser-, non, tout cela lui semblait tellement… puéril. Inapproprié.
Les bonnes manières régissant son corps –heureusement, ces réflexes avaient pris le pas sur elle-, elle hocha la tête et répondit un sobre :


« Tout à fait. Alors il paraît que le côté interdit des sorts t’intéresse… »


« Il paraît »… Pitoyable. Où était donc passée sa subtilité ? Ce devait être l’environnement anglais, cette manie de dire les choses si directement, qui commençait à déteindre sur elle. Et puis la suite de sa phrase… Aurait-elle le courage de la prononcer ? Il le lui fallait, mais s’exposer, se trahir, en quelque sorte. Mais sinon, elle n’obtiendrait rien. Elle reviendrait au point de départ, avec juste plus de questions, et un échec en travers de la gorge. Elle déglutit, espérant que son geste n’avait pas été aperçu. "Prendre son courage à deux mains ?" Quelle expression stupide !
Dissimulant au mieux ses quelques hésitations, elle continua, adoptant un ton déterminé, y ajoutant ce qu’il fallait de curiosité pour toujours pouvoir prétendre qu’elle n’était pas aussi intéressée que cela par sa réponse, mais pour interpeller son interlocuteur :


« …toi aussi ? »

Voilà, c’était dit. Avec un rictus qui insinuait qu’elle en savait plus que ce qu’elle avait révélé, malgré le fait qu’elle ne sache rien, véritablement, à part l’espèce… d’aura ? qu’il dégageait. Le bluff. Rien de tel pour récolter des informations. Enfin… Tant que cela fonctionne.

Olympia essaya de se calmer. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, après tout elle n’avait rien fait, à part accuser l’héritier d’une des familles les plus importantes d’Angleterre de pratiquer la magie noire… Et pour ne rien arranger elle avait insinué qu’elle-même trempait dans ce milieu. Vraiment, tout allait bien.

Elle aurait voulu revenir en arrière, remonter le temps, et ne jamais prononcer cette phrase. Mais apparemment, le voyage dans le temps n’était qu’une chimère, un rêve absurde, un songe insaisissable, qui était impossible même pour des sorciers. Mais pour son problème il restait le sortilège d’amnésie, bien pratique. C’était une dangereuse solution, et elle ne ferait pas l’erreur de le lancer à moins d’y être obligée. D’autant que l’angoisse n’avait pas un effet très bénéfique sur sa concentration, et sa ‘’cible’’ risquait fort de voir son quotient intellectuel baisser grandement, et devenir un légume, et accessoirement un patient permanent de… Sainte-Mangouste. Bien que cela ne lui importait guère, les conséquences pour elle seraient catastrophiques. Inutile de se créer soi-même des ennuis. Mieux valait ruser, aviser d’abord, puis attaquer ensuite, cela vaudrait mieux pour tout le monde, mais surtout pour elle. Daniel Chaser répondit ensuite, d’un ton calme et décontracté, qui ne lui permit pas de savoir ce qu’il pensait réellement :


« Il paraît ? Qui est-ce qui t'a raconté ça ? »


Eh bien, elle ne s’était pas vraiment trompée. Elle en était sûre à présent, Daniel Chaser cachait quelque chose. Quelque chose d’assez énorme pour non seulement ne pas avoir répondu négativement mais également pour être resté parfaitement calme. Ce calme parfait… Il fallait le fissurer. Créer une brèche, un trou.

Mais quelles paroles, quels mots, quelles phrase, quel discours sauraient le faire plier ? Le bluff semblait donner de maigres résultats, mais elle avait envie de l’expérimenter encore quelque peu, et puis si cela ne fonctionnait pas, elle pourrait toujours changer de stratégie.


« Je n’ai besoin de personne pour savoir cela. »


L’aura de magie noire ne s’était toujours pas dissipée, et la tension ambiante augmentait encore plus son rythme cardiaque. Merlin que c’était perturbant, de sentir ce cœur cogner, cogner si fort, et sa température monter ! Embarrassant, également. Mais Olympia aurait préféré être une cracmolle que de l’avouer. Elle aurait pu être sur le point de s’embraser qu’elle n’en eût rien dit pour autant. Elle décida de tenter une approche moins directe, plus longue certes mais sûrement plus productive.


« En France il est interdit de pratiquer ouvertement la magie noire, qu’en est-il de Poudlard ? »


Cela semblait être une question stupide de plus, posée au hasard, pour meubler le léger instant de flottement qui avait suivi sa réponse, un moyen d’éviter que le silence s’installât. Elle n’était peut-être pas au courant de tous les us et coutumes anglais, mais sa question n’avait pas pour sens premier d’obtenir une réponse, qu’elle connaissait déjà, et qui paraissait couler de source. Elle jeta un discret regard aux adultes, vérifiant que leur éloignement ne leur permettait pas d’entendre ses dires, ou ceux de Daniel Chaser, qu’elle commençait à trouver vraiment intriguant, car elle était sûre qu’il savait infiniment de choses, en particulier sur Poudlard et les récents…incidents. Elle n'avait pas encore déterminé le rôle qu'il avait joué, mais elle était sûre qu'il n'y était pas étranger. Elle était satisfaite de la tournure que prenait leur conversation, car sa remarque lui avait évité les incontournables formules de politesse, les phrases-types s’enquérant de la santé et du bien-être, ainsi que toutes les questions insipides sur son déménagement. Ils étaient entrée tant bien que mal dans le vif du sujet, et si Mélusine l’aidait elle récolterait les informations dont elle avait besoin. Peut-être devrait-elle s'aventurer sur le terrain glissant des deux victimes, les deux élèves de Serdaigle ? Elle ne connaissait pas le nom de la sang-de-bourbe, mais le jeune homme s'appelait Morgan Ciallmhar. Les serpentard n'étaient pas réputés pour être très proches des autres maisons mais Chaser devait le connaître, et elle comptait bien lui extorquer les réponses à ses questions.

Cette fille était étrange. Bon, Dan avait concrètement vu et côtoyé suffisamment de personnes étranges dans sa vie pour ne pas se laisser déstabiliser lorsque son chemin croisait celui de la moindre personne intrigante. Il était encore très loin de posséder le self-control de son maître, mais sa capacité à mentir et à ne donner l'air de rien s'était accru et aiguisé au fil des ans. Quand Olympia affirma qu'elle n'avait besoin de personne pour savoir quand quelqu'un baignait ou non dans la magie noire, il se montra plus amusé qu'angoissé. Inutile de craindre inutilement qu'elle puisse en savoir trop. Si c'était le cas, ce n'était pas forcément grave, la jeune fille semblait plus fascinée que dangereuse... et dans le pire des cas, elle n'avait de toute façon pas de preuves concrètes qui puissent la conduire à quoi que ce soit. Alors oui, Dan préféra s'amuser des propos de la demoiselle plutôt que de les prendre au sérieux. Bon, il n'alla pas jusqu'à se foutre ouvertement de sa gueule (il ne voyait d'ailleurs pas de raisons de se moquer d'elle), il trouvait juste sa façon d'agir et son léger culot... plaisants. Il ne savait pas où ça les mènerait, ni s'il était franchement intelligent de poursuivre sur un terrain aussi glissant (en même temps, on parle de Dan, alors l'intelligence, hein... bref, on repassera), mais c'était trop tentant. Il avait le sentiment qu'Olympia avait quelque chose derrière la tête. Car oui, Dan avait beau ne pas avoir la meilleure intuition du monde et être capable de passer à côté d'informations importantes, une attitude suspecte était une attitude suspect, et ne pas les déceler lorsqu'on était un chevalier de Walpurgis était un manque flagrant de professionnalisme.

Dan fut plus que certain que quelque chose se tramait dans l'esprit de la française quand il l'entendit lui demander si la magie noire était autorisée à Poudlard. Le sorcier était convaincu que son interlocutrice connaissait déjà pertinemment la réponse à sa question. Je veux dire... qui ne la connaitrait pas ? Il semblait logique qu'une école de magie digne de ce nom n'autorise pas que l'on puisse utiliser la forme de magie la plus obscure qui existe au monde (quoi qu'il était déjà arrivé à Dan d'en entendre de belles au sujet d'autres écoles, comme Durmstrang, par exemple – mais bon, entre les rumeurs et la vérité...). Si elle lui posait la question, c'est qu'elle devait avoir quelque chose en tête... quoi ?
Et l'idée lui apparut. Beaucoup d'élèves avaient été déscolarisés par leurs parents l'année passée. Poudlard avait bien subi des assauts qui pouvaient s'assimiler à de la magie noire quand la chambre des secrets avaient été ouverte. Même une étudiante venue de l'étranger devait connaître cette histoire. Il répondit donc prudemment, mais non s'en s'enfoncer dans une brêche entrouverte (car il était curieux de découvrir où tout cela allait les mener).

"Utiliser la magie noire à Poudlard est formellement interdit, évidemment." Il marqua une légère pause. "Mais cela n'a pas empêché certaines personnes de passer outre cette règle."

… Non, préciser qu'il ne connaissait que trop bien ces personnes attendrait encore un peu.

Elle était assez curieuse d’entendre la réponse qu’allait lui donner dans quelques instants l’héritier Chaser. Serait-il audacieux ? Ou au contraire se montrerait-il prudent ? Lui dévoilerait-il quelque chose ? Elle n’avait pas l’intention de le dénoncer –il lui serait facile d’inventer ou de trouver des preuves contre lui-, car cela ne lui apporterait rien. Elle préfèrerait dénoncer quelqu’un comme cette traîtresse-à-son-sang de Purdey Potter, nom abhorré, femme haïe, qu’elle se réjouissait de voir à la rentrée. Une ex-auror qui devient professeure de vol ? Quelle déchéance ! Au moins, la famille Chaser, elle, était respectable, et savait garder intact son honneur. Décidément, les traîtres-à-leur-sang semblaient proliférer, en Angleterre, car en France, même si c’était officieux, tout le monde savait qu’ils ne vivaient pas vieux, car en général quelqu’un s’arrangeait pour qu’ils aient un « accident », toujours… définitif. La réputation raciste du gouvernement magique français venait de là, mais les sang-purs préféraient « puriste », ou « traditionnaliste ». Doux euphémisme, qui sonne moins féodal à leurs oreilles.


« Utiliser la magie noire à Poudlard est formellement interdit, évidemment. »


Son interlocuteur marqua une légère pause. Visiblement, la suite de la phrase serait intéressante. Elle se savait en équilibre sur un balai, et le moindre souffle de vent, la moindre perte de concentration pouvait lui être fatale. La précision inutile –réponse superflue à une question évidente- l’avait laissée sur sa faim d’informations, et puis ce n’était pas comme si elle disposait d’une armée d’informateurs, d’autant plus que Ginger n’était clairement pas… impliquée. Daniel Chaser, qu’elle ne se décidait pas à nommer seulement par son prénom, restait un de ses seuls espoirs. Cela n’était-il point pathétique ? Non, bien sûr que non, parce qu’Olympia ne se trouvait jamais pathétique, pitoyable, méprisable, insignifiante.


« Mais cela n’a pas empêché certaines personnes de passer outre cette règle. »


Cette phrase lui semblait –à tort ou à raison- à double-sens, car Daniel Chaser ne venait-il pas d’insinuer que la magie noire était encore pratiquée à Poudlard ? Il n’avait pas donné de date, ni de sanction, il avouait donc implicitement que ces personnes ne s’étaient jamais faites prendre, or elle avait cru ouïr parler d’une arrestation… Serait-il possible que l’accusé soit… innocent ? Ou alors, plus intriguant, se pouvait-il qu’il y ait deux groupes distincts à Poudlard, les « fidèles » de l’héritier de Serpentard, et ceux d’un futur mage noir ?

Il lui fallait d’urgence clarifier le propos de son interlocuteur. Elle ne pouvait laisser ces questions en suspens. Elle continua son petit manège, et enchaîna sur une réponse-type, une de ces phrases qui ne semblent rien vouloir dire mais qui dans sa bouche, et dans la situation présente, dans l’enchaînement de leurs répliques, ferait sans aucun doute « passer le message ».


« En effet, mais l’équipe administrative semble efficace, puisque le coupable a, je crois, été arrêté. »
Elle laissa sa phrase pénétrer dans l’esprit de Daniel Chaser, puis elle reprit, un très léger –mais perceptible- sourire ironique sur les lèvres :


« Cela montre que nous sommes bien protégés, à Poudlard, n’est-ce pas ? »

Protégés ? Quand à peu près un élève par an décède mystérieusement, on ne peut pas vraiment se considérer protégé. Quand on pense que certains n’ont d’autre préoccupation dans leur misérable vie fade et insipide que leurs notes et leurs sentiments, on ne s’étonne pas que certains adultes croient Poudlard sécurisé, sûr. Cela expliquait peut-être ceci : les aurors –anglais, bien sûr- devaient avoir du mal à envisager que les élèves puissent être des meurtriers –certains élèves. Ils devaient croire les étudiants naïfs, irresponsables, impuissants, et sûrement avaient-ils du mal à admettre qu’une, ou plusieurs personnes tuaient (ou en tout cas avaient tué, mais il semblait à Olympia ridicule de penser qu’il/ils s’arrêterai(en)t en si bon chemin).

Elle ne connaissait pas vraiment le directeur de Poudlard, ce qui signifiait qu’il n’avait pas un statut élevé, ou en d’autres termes que son sang n’était pas pur. Apparemment, il était un ancien élève d’une maison nommée Pouf-quelque chose, qui n’était visiblement qu’un rassemblement hétéroclite de traîtres-à-leur-sang, de sang-de-bourbe et de sang-mêlé, sans aucune compétence, puissance ou même intelligence.

En résumé, il n’avait pas sa place à la tête de Poudlard. Cependant, avoir un pantin au poste de directeur assurait aux élèves une relative liberté, qui leur avait permis, et leur permettait, de faire à peu de choses près ce qu’ils désiraient. Pratiquer la magie noire ? Tuer ? Torturer ? Faire chanter ? Soit les membres du conseil d’administration soutenaient les responsables, soit ils étaient particulièrement gâteux, ce qui ne l’étonnait pas étant donné leur âge.



« Dippet est un incompétent doublé d’un idiot… »



Chaser ne portait pas le directeur dans son cœur, attitude logique puisque leurs classes sociales différaient, et que la plupart des sang-purs –ceux qui ne trahissaient pas leur sang- méprisaient cordialement –ou pas- les sang-mêlé qui prétendaient accéder aux ‘’hautes sphères’’… Il en devait pas être si méprisé que cela pour avoir réussi à obtenir le poste de directeur, à moins qu’il ne le soit pas défaut, parce qu’ils ne trouvaient personne, ce qui lui semblait assez plausible à présent. Cependant, elle remarqua qu’il avait omis de relever l’allusion au statut du meurtrier. Elle le scruta avec attention, sentant que le flot d’informations que contenait Chaser n’allait pas tarder à jaillir. Voilà ce qu’était Chaser : Un vase rempli d’informations qu’il fallait pencher pour récolter ce qu’on voulait. Elle ne fut pas déçue :



« Et le présumé coupable n’a pas fini en prison, il est encore à Poudlard. »



Oh ? C’était une occasion inespérée d’en apprendre plus ! Bien qu’elle commençât à avoir de sérieux doutes sur sa culpabilité, elle était sûre qu’il lui permettrait tout au moins de remonter jusqu’au véritable assassin. Il ne devait pas sembler dangereux, si les aurors l’avaient laissé regagner l’école, et peut-être les apparences étaient-elles trompeuses, mais peut-être aussi ne l’était-il pas, et se révèlerait-il inoffensif. Il lui faudrait creuser la question, le plus vite possible. Elle allait enfin pouvoir faire un rapport à son père. Son obsession des rapports et des termes « militaires » devait venir de son état d’auror, et cela enchantait Olympia, de participer à cette opération, qui mènerait au long terme à….



« Mais Poudlard est un lieu sûr, ne t’en fais pas. »



Interrompue dans sa réflexion, Olympia se ressaisit, et en profita pour ‘saisir’ la balle au bond :



« Pourquoi serais-je inquiète ? »



Elle avait parfaitement compris l’allusion à la pureté de son sang, et le lui avait signifié, mais maintenant il lui fallait s’assurer de quelque chose. Quelque chose d’important.



« La peur n’est intéressante que lorsque c’est la personne en face de soi qui l’éprouve. Sinon, c’est une émotion pour le moins désagréable. »



Qu’il comprenne ce qu’il désire comprendre. Elle estimait la peur comme une arme moldue : il était impensable que cela l’atteigne, en revanche l’utiliser sur ses ennemis la confortait dans son orgueil et la plaçait dans une position dominatrice.