Chapitre 1 :
Regardez les filles pleurer
Il était une fois, dans un pays ravagé par la guerre, une belle jeune fille. De grands yeux pétillants, la peau douce et tendre, la taille svelte, elle incarnait à merveille le bonheur et la joie de vivre. Les malheurs du quotidiens n'avaient pas de prise sur elle. D'ailleurs, il n'y avait plus de malheurs, la Grande Guerre était terminée depuis peu. Ne restait plus qu'à se relever et avancer, se disait-elle, avec cette insouciance propre à la jeunesse. Son mariage était trop récent, son cher et tendre époux trop parfait. Elle rayonnait, la belle demoiselle, et s'avancait d'un pas léger en chantonnant une comptine, ses jupons rouge dansant à chaque pas. Oh, comme tout était beau en ce jour de printemps ! La saison des amours et de la famille. Elle espérait en avoir, un jour, d'enfant. Trois ou quatre, au moins. Une famille nombreuse, en tout cas, pour pouvoir donner cette amour et cette vitalité qui débordaient et la submergaient. Oh qu'elle était heureuse, la tendre Catherine. D'ailleurs, nous étions un grand jour, et elle avait acheté au marché de quoi faire un petit festin, autant que possible. Cela faisait un mois, jour pour jour, qu'elle avait fêté ses noces. Paul son époux n'avait pas eu de quoi lui offrir de voyage de noce, mais peu importait. Tant qu'il était avec elle, tout lui allait, tout lui irait toujours.
C'est naïf, une jeune mariée. Catherine n'échappait pas à la règle. Belle et fragile à la fois, cette foi en l'avenir la faisait rayonner et lui donnait un charme supplémentaire. Charme qui sera remarqué par un homme désoeuvré. Il s'appellait Claude, il s'appellait Jean, il s'appellait Henri. Il était comme tous les autres gars de son genre, un ivrogne invétéré. De ceux qui démarraient la journée avec un petit blanc sec à l'aube, et la terminaient à grands renforts de gnôle qui les feront sombrer dans un profond sommeil éthylique. Du travail, il n'en avait plus depuis un moment. Ex-soldat désavoué, sa petite pension d'invalide ne lui donnait pas de quoi faire bombance et ne remplacera pas son oeil manquant. Alors il buvait. Pour oublier la guerre, pour oublier les tranchées, pour oublier son œil. Au final, il en oubliait ce qu'il devait oublier, mais ce n'était pas grave. Sa bouteille était là, c'était l'essentiel. Au fond, il n'était pas méchant, le pauvre homme. Juste un peu désœuvré.
Lorsqu'il s'avança avec le regard torve et des jurons plein la bouche, il ne pensait au départ qu'à vider son quolibet habituel d'idées amères sur cette jeunette qui profitait de la vie. Le bonheur des autres lui semblait de plus en plus insupportable au fur et à mesure que lui même s'enfoncait dans la dépression. Mais voilà, un truc dérapa. Il ne savait pas trop ce qu'il faisait, et ne réfléchissait pas vraiment, en fait. C'était comme une sorte d'instinct, c'était animal. Ça le dépassa. Lorsque la jeune femme prit peur et accèlèra le pas, il en fit de même en râlant un peu plus fort. Quand elle se mit à trottiner puis courir de plus en plus vite, l'ivrogne se découvrit une férocité et une énergie qu'il pensait avoir laissé aux tranchées avec son oeil. C'est finalement hors de la ville que tu parvins à la coincer, mon pauvre fou. En lui lançant ta bouteille dessus, tu parvins à l'assommer ou en tout cas à l'étourdir sérieusement. Joli tir. D'abord inquiet de voir le corps chuter brusquement, il s'approcha à pas lents. Et si elle était morte ? Ça lui retomberait dessus, tiens ! Une fois arrivé à son niveau, le temps s'arrêta et la respiration du borgne aussi. Un instant, il cru mourir à son tour. Puis, ce fut le soulagement : elle respirait. Oui oui, il le voyait. Son ventre rythmait subtilement le souffle pendant que la jolie poitrine marquait davantage la respiration, tout allait bien. Sa peau tendre était encore chaude et pleine de vie, tout allait bien. C'est ce qu'il lui répètait, d'ailleurs, en lui prenant la main alors qu'elle reprenait doucettement ses esprits.
Tout va bien. Elle était jolie, si jolie. Cette bouche délicatement rosée qui donnait l'impression d'être faite pour qu'on l'embrasse, ses yeux qui en s'entrouvrant laissaient voir un regard vif même si elle était encore à moitié assommée... Elle le tentait exprès, la coquine. Elle était si jolie. Si jeune. La garce, elle le narguait, lui le pauvre borgne aviné. L'homme sentit une bouffée de haine et de colère remonter en lui, avec une soudaineté et une violence fulgurantes. Ah, elle croyait être trop bien pour lui ? Ah, elle s'amusait à se pavaner, indolente et sensuelle, en faisant mine d'être à moitié évanouie ? Elle en aura pour son argent, la catin ! Bloquant la jeune femme avec force, il souleva les jupons et huma cette peau délicate. Depuis combien de temps n'avait-il pas touché une femme ? Elles l'évitaient toutes. Et celle-ci payera à leur place. Garce ! Ça lui fera les pieds ! Au fur et à mesure qu'il la goûtait, d'abord en tâtonnant, puis avec de plus en plus de vigueur, la jeune femme reprenait conscience. Trop tard, ma petite. Le loup est là, tu vas te faire dévorer. Catherine voulut hurler, mais une main sale lui fourra d'office son propre foulard dans la bouche en guise de baillon, avec lequel elle manqua de s'étouffer. Un bras encore vigoureux la maintint bloquée et une main à la poigne douloureuse retint prisonniers ses deux poignets tandis que l'autre explora avec délice chaque centimètre de sa peau. Et tu entendis ses râles de jouissances, alors qu'il posait sur toi un regard fou que tu ne pouvais pas voir à travers tes larmes, n'est-ce pas Catherine? Le poids trop lourd de son corps qui te blessait et t'écorchait contre les cailloux, ce mouvement de hanche qui à chaque impulsion te faisait pleurer un peu plus de désespoir et de douleur, tout cela te dépassait trop fort et te perdait. Et tout ce que tu pus faire, jolie Catherine, ce fut de sombrer à nouveau. Perdre connaissance, pour fuir ce cauchemard qui soudain avait ruiné ton monde et ta vie. Va petite, rendors toi. C'est ce qu'il y a de mieux à faire. Lorsqu'il finit son festin, ton assaillant te laissa là et s'en alla sans un bruit, repu et pantelant. Ce fut le voisin qui te découvrit ensuite, inconsciente et indécente, à travers le chemin. Trop tard, monsieur le bûcheron : le loup est passé, et le petit chaperon s'est fait dévorer.
Chapitre 2 :
Tricycle jaune
Paul et Catherine ? Un couple charmant, tout le monde vous le dira. Malgré le drame qui s'était abattu sur eux au début de leur ménage, on pouvait dire que celui-ci était soudé. L'agression de la jeune femme avait pourtant jeté un froid à moment donné. Il faut tout de même admettre qu'elle avait du la chercher pour se la prendre sur le museau, ou au moins faire la maline cette petite sotte. Si encore l'homme s'était contenté de la frapper, ou de lui voler ses achats.. Passe encore, là oui elle serait innocente. Mais pour qu'il soit allé plus loin, il faut bien qu'elle l'y ait un peu poussé, non ? La jeune mariée a du apprendre à ravaler sa fierté et à baisser la tête. Ni la Justice ni la mentalité de l’époque n'admettent ici qu'un viol puisse être gratuit. Ce serait trop facile, de se décharger de toute responsabilité. Elle a bien du faire
un truc, à moment donné.
Mais non, rien. Elle n'avait
rien fait. Inciter au viol ? Mais c'était ridicule ! Ça ne tenait pas debout ! La jeune femme voulait lutter, convaincre tout le monde qu'elle n'y était pour rien. Mais même sur le visage de son mari, elle voyait cette ombre de scepticisme qui passait lorsqu'elle abordait le sujet. Il aurait pu partir, s'ils n'avaient pas été mariés. Et peut-être l'aurait-il fait, qui sait ? C'est étonnant de voir comme deux anneaux peuvent enchainer ensemble des êtres. Paul ne partit pas parti et mura tout cela en lui, pour continuer à vivre normalement. Catherine en fit de même. Non, il ne s'était rien passé. Rien d'important, rien qui ne vaille la peine d'en parler. Il fallu du temps à la jeune femme pour accepter cela. Les non-dits sont aisé à installer, mais moins évident à vivre lorsqu'on en est le sujet. Bah, la vie continue... Et justement, comme pour contrebalancer ce drame étouffé, le petit couple appris quelques mois plus tard qu'il allait avoir un enfant. Oh, comme ils étaient heureux, à cet instant ! Tous deux rayonnaient, réellement. Ventre en avant et grand sourire, la jeune femme évacua tout ce qui s'était passé un peu plus tôt pour se concentrer sur le bébé seul. Il était sa chair, sa vie, son avenir. Son sauveur, aussi, puisqu'il la tirait de sa triste humeur.
Lorsque l'enfant vient au monde, tout le monde s'émerveille de la ressemblance plus que frappante entre lui et ses parents. C'est ainsi : avant même de savoir si c'est un garçon ou une fille, le bébé est déjà le portrait craché de ses géniteurs. On voit et on imagine toutes les similitudes, on félicite pour chaque point commun identifié, même si ceux-ci ne sont pas vraiment visible. Il leur ressemblera, ça se sent ces choses là. Alors tout va pour le mieux, et le monde tourne droit. Bienvenue parmi nous, Camille.
Et il est intelligent, cet enfant. Vif, curieux de tout. On ne peut pas dire que ce soit un gros gabarit, mais peut importe. Agile, le petit garçon peut se faufiler partout sans un bruit et n'a pas son pareil pour grimper aux arbres ou braconner un peu. Bien sûr, on le gronde. Mais au fond, c'est la preuve que c'est un enfant débrouillard et plein de vie. Au fur et à mesure qu'il grandit, on peut voir la ressemblance plus qu'évidente avec sa mère. La même finesse, la même peau pâle, la même bouche tendre. Avec Paul, en revanche, difficile de trouver un point commun physique. L'héritage sera davantage moral : minutieux et déterminé dans ce qu'il entreprend, on retrouve chez tous deux cette loyauté à toute épreuve lorsqu'elle est engagée et cette force étonnante qui les pousse à aller de l'avant quoi qu'il arrive.
Lorsqu'il tombait en apprenant à marcher, à grimper, ou a lutter en jouant avec les autres enfants, ce n'est pas tant de douleur que de frustration. Il veut savoir faire, réussir. Progresser. Mais Paul a beau se retrouver en cet enfant courageux et rieur, sa femme sait ce qu'il en est. Elle est la seule à l'avoir vu,
lui. Il vient lui rendre visite encore, parfois, lorsqu'elle dort. Pendant un long moment, il l'avait poursuivi impitoyablement, et c'est son visage à lui qu'elle voyait terrifiée lorsque son époux honorait le devoir conjugal. Catherine
sait. Les détails infimes ne lui échappent pas. Elle les voit, ces pommettes saillantes que ni elle, ni son époux ne possèdent. Et ce nez droit, de qui pensez-vous qu'il vienne ? Alors elle constate en silence, et béni le ciel que ce soit à elle que son enfant ressemble le plus. Le père a peut être quelques doutes, lui aussi, mais il préfère ne rien voir.
Catherine, bien qu'elle aime sincèrement son fils, a de plus en plus de mal à voir autre chose que ce qu'il lui rappelle comme souvenir douloureux. Elle voudrait pouvoir oublier, tourner la page, l'aimer uniquement pour ce qu'il est, et non pas le craindre pour ce qu'il lui remémore. Alors lorsqu'une autre naissance est annoncée, comme la première fois, elle se l'accapare et en fait sa priorité. Ou plutôt, ses priorités : ce sont des jumeaux. Julie et Timothée. La famille s'agrandit, comme elle l'avait souhaité, et à quatre ans Camille admire les deux bébés avec de grands yeux. Frères et sœurs. C'est inédit, et pour lui ça sonne comme une incantation magique. Ils sont frères et sœurs. Toute son enfance, l'ainée s'occupe d'eux, les initie à des jeux, les accompagne, les protège. Et il en fera de même pour Sébastien, le petit dernier, avec lequel il a six ans de différence. Au prix de gros efforts, leur mère essaye de ne pas faire de favoritisme, et surtout de ne pas trop mettre son ainé à l'écart. Celui-ci sent bien qu'il est à part pour elle, mais accepte de bonne grâce son sort en le mettant sur le compte de sa débrouillardise et de la jeunesse de ses frères et sœurs. Et puis, il ne veut pas être un fardeau.
Pourtant, c'est définitivement ce qu'il aura l'impression d'être lorsque vers ses onze ans ils reçoivent une étrange lettre informant le foyer qu'une école le réquisitionne. Et pas n'importe quelle école. Une qui enseigne la Magie, s'il vous plait. Avec un ricanement, Paul avait jeté le papier au feu. Foutaises, la magie n'existe pas ! Et pourquoi Camille, d'abord ? Hein ? Silencieux, l'intéressé réfléchit. Effectivement, il y a s'est passé un truc étrange ce jour là, quand il était dans les bois. Perché haut dans les branches pour admirer un nid d'oiseau de plus près, il avait glissé. La chute aurait pu être réellement douloureuse si par chance un énorme buisson n'avait pas amorti sa chute. Au final, le garçon s'en était tiré avec de simples égratignures. Par contre, il aurait juré que le fameux buisson feuillu était à peine un arbrisseau lorsqu'il avait grimpé...
D'autres courriers arrivent, le couple ne comprend pas et commence à s'énerver. C'est de la persécution, à ce stade là ! Confier un de leur enfant Dieu-sait-qui pour apprendre Dieu-sait-quoi ? Ridicule ! Hors de question ! Impossible ! Ils s'enlisent donc dans cette étrange situation sans oser en parler à qui que ce soit, lorsqu'un soir le concerné vient les voir alors que le reste de la fratrie dort à poings fermés. Étonnés, ses parents lui demandent ce qu'il y a. Et Camille, avec ce regard décidé qu'ils connaissent bien, leur dit qu'il ira à cette école. Que ça fera une bouche de moins à nourrir, du temps en plus pour s'occuper des autres et pour travailler. Les parents rechignent, mais pour une fois c'est l'enfant qui impose sa loi. Le ton est sans appel. Il ira. Même s'ils ne sont pas d'accord. C'est sa première décision d'adulte. Ou en tout cas de personne responsable. Alors, finalement, le jeune garçon obtient gain de cause et accueille avec un sourire satisfait les préparatifs du départ. Mais jamais il n'oubliera ce qu'il a vu dans le regard de sa mère ce soir là, qui l'avait comme poignardé sans qu'il ne s'en rende encore compte.
L'énorme soulagement de le voir partir. Voir de la reconnaissance.
Chapitre 3 :
Les cours des Lycées
Aurore le déconcerte, il ne sait pas comment l'aborder. Elle est à la fois espiègle et raffinée, lui donnant l'impression d'être un simple bouseux qui débarque de sa campagne. Et il y a un peu de ça, au fond. Ici, pas de jeux dans les champs, pas de courses à travers les bois ni de braconnage. On ne peut pas y cueillir de bais ni observer les animaux sauvages à travers les fourrés. Savoir marcher sans un bruit devient inutile, connaitre les champignons comestibles ou toxique également. Camille est déconcerté. S'il sait bien se débrouiller dans les bois, la vie en société lui est étrangère, du moins celle là. On ne l'a pas habitué à ce rythme de vie et l'enfant met quelques temps à s'y accoutumer. Curieux de tout, il englouti livres et leçons, étourdis ses enseignants de questions, voudrait tout connaitre, tout de suite. Habitué à côtoyer d'autres enfants grâce à sa fratrie, c'est un garçon sociable qui n'hésite pas à amuser la galerie en racontant les 400 coups qu'il a fait lorsqu'il vivait chez ses parents. Quant à ceux qui tâche de recadrer le phénomène ce sont des piques acides qui les accueille aussitôt avec aisance. Camille a la langue agile et le verbe facile. Sollicité en permanence par ces leçons d'un genre nouveau, son esprit s'aiguise un peu plus et s'affirme.
Plus le temps passe, et plus en grandissant le gamin des bois se retrouve en cette école davantage que chez lui. Ne rentrant que pour les grandes vacances en raison de la distance, il ne peut que difficilement parler de ce qu'il y fait à ses parents. À chaque retour, l'ambiance est un peu plus pesante. Bien que l'appréciant toujours, sa fratrie commence à le traiter en étranger tant leur vies n'ont plus rien à voir. Non, Camille n'a pas vu la femme du fermier et n'était pas là au mariage, non il n'a pas vu leur chiens grandirent, non il ne les a pas vu
eux grandir. Non, il n'a rien vu. Et eux ne connaissent pas sa vie non plus, c'est comme un fossé qui les séparent, d'où Camille voit sa famille avancer sans lui. Au fond, c'est peut être pas plus mal. Il n'est pas indispensable, et sens bien qu'il gêne. La situation est délicate et chacun fait de son mieux. Julie, Timothée et Sébastien culpabilisent de cette distance forcée qu'ils instaurent malgré eux. Ils aiment leur frère, et la réciproque est vraie ils le savent aussi. Chacun garde en mémoire avec une petite touche de regret les souvenirs de cette époque bénie ou Camille s'occupait d'eux tous et jouait son rôle de grand frère. Et finalement, chacun accepte cette nouvelle relation. C'est une évolution, et non la fin. Mais que c'est triste.
Vis-à-vis de sa mère, c'est tout aussi complexe. Dès que son fils est parti, elle culpabilise d'avoir souhaité son départ et ne souhaite que son retour pour le serrer dans ses bras. Il est la chair de sa chair, son fils. Les similitudes de caractères qu'il a avec son père sont à chaque retour plus fragrantes. Les souvenirs cauchemardesques reviennent en même temps que le petit garçon qui devient peu à peu jeune homme avec toujours un peu plus de violence. Comme si leur force grandissait en même temps que lui, comme si le fait qu'il devienne peu à peu un homme le rapprochait toujours plus de celui qui l'avait agressé. Et pourtant, c'est à elle qu'il ressemble le plus, sans conteste. Et c'est sa reconnaissance à elle qu'il recherche, ne comprenant pas l'origine de ce malaise qui l'étouffe mais voulant se racheter malgré tout.
Alors plus il grandit, plus il s'investit dans ses cours. C'est un vrai forcené du travail, se disant qu'à défaut de comprendre ce qu'il fait elle pourra toujours voir que ses résultats sont bons. Camille ne veut pas que ses parents croient avoir fait une faute en acceptant qu'il aille dans cette école. Il s'y épanouie, même s'il estime que tout de même, c'est une ambiance un peu niaise et superficielle. Notamment sur la déco. Bah, rien n'est parfait. Plus que nul part ailleurs, il apprend tant sur le plan humain que magique. C'est durant ses années également qu'il se forme secrètement à devenir animagus. Il a toujours rêvé d'être un animal, libre, sans contrainte ni passé pesant. Invisible mais présent. Comme une nouvelle vie, une renaissance, il rêve de vivre sous forme animal. Alors lorsqu’il parvient enfin après de nombreuses et éreintantes séances d'entrainement, c'est avec satisfaction qu'il court sur les toits de son école, se faufile par-ci par là, échappant au regard de tous. Il est fort, il est agile, il est fragile. C'est un prédateur, et pourtant il est si loin de dominer la chaine alimentaire. Non, il n'est pas gros, grand. No, il n'inspire pas le respect et la crainte au premier regard comme le ferait un ours. Chat marbré il est, et ça lui convient très bien. Patte de velours et griffes d'acier, il avance, toujours, il avance.
Et puis, alors qu'il s'était fait à cette vie libre d'étudiant, un drame survient. Un évènement qui changera sa vie et le marquera plus qu'il ne l'aurait cru si on le lui avait annoncé.
C'est la Guerre.
Au début, chacun est sceptique par rapport à celle-ci. Qui imaginerait qu'un conflit éclaterait si tôt après la Guerre mondiale ? Et qu'il prendrait cette envergure ? Ils sont nombreux à sous estimer la gravité de la situation, surtout à Aurore. Même lorsque la France entre en pénurie, puis devient occupée. Alors, lorsqu'il reçoit une lettre de sa famille en préparant ses bagages pour rentrer, Camille n'en revient pas. Dans la missive, tout le monde lui conseille de ne pas revenir. La situation est délicate, les allemands surveillent tout, et ils n'auraient pas de quoi nourrir une bouche de plus. Non, ne vient pas, c'est trop dangereux, trop difficile. En lisant cela, Camille a d'abord l'impression qu'on le rejette. Ça y est, ils le disent enfin, qu'ils ne veulent pas de lui. Poubelle. Fini. Game over. Ressortent alors tous ces souvenirs vaseux qu'il fuyait, tous ces regards contraints qu'il sentait peser sur lui à la maison, toute cette tension lorsqu'il rentrait de l'école en juin. Et ses regard à elle, cette femme qu'il aime et poursuit, sa chère mère. Camille a 16 ans et demi, et son monde s'écroule pour de bon. Il n'a plus de famille, c'est ainsi qu'il le ressent.
Ne voulant pas s'imposer puisque tous sont d'accord pour l'éloigner, le jeune homme erre comme une âme en peine à l'école. Achève de découvrir les derniers recoins de la bâtisse, admire encore ces énormes chevaux que sont les Abraxans, ressasse sa situation. En compensation, il arpente plus que jamais cette prison qu'il aime malgré tout sous sa forme de chat. Certains le voient passer ainsi, et se demande ce que c'est que ce drôle d'animal. C'est joli, on dirait un mélange de chat et de panthère. Camille enrage, Camille rumine. Cette douleur qu'il ressent, il la transforme peu à peu en colère pour que ce soit supportable. Très bien. Puisque c'est comme ça, lui non plus n'aura pas besoin d'eux. C'est une décision bien chimérique qu'il ne pourra pas tenir, mais qu'importe. Ça fait du bien, quelque part. Ou pas, au contraire. Il ne sait plus où il en est, a la rage au ventre, et croit de toutes ses tripes qu'il a été renié. Poliment, mais renié quand même. Ils se débrouillent mieux sans lui, voilà le message, il en est persuadé. Et bien il se débrouillera sans eux !
Ce n'est qu'à la rentrée lorsque les autres qui ont pu partir reviennent qu'il réalise un peu plus la situation. L'ennemi est là. Les foutu boches occupent la France. En entendant tous ces récits effarés, Camille se dit que finalement, peut être, sa famille ne l'a pas rejeté. Et s'ils avaient vraiment voulu le protéger ? Et si c'était lui qui s'était emballé ? Alors il écoute, il questionne et se renseigne. Emmagasine chaque information pour avoir une vue d'ensemble. Au fur et à mesure qu'il en sait davantage et que donc sa famille est blanchie de l'abandon dont il les accusait en son for intérieur, Camille sent sa colère gronder davantage. Ce n'est pas une tempête violente mais brève dans son cœur, mais plutôt comme un volcan qui inlassablement déverse sa chaleur mortel sur tout ce qui l'entoure. Sans explosion, sans tonnerre et fracas. Mais avec un calme effrayant, oui. Le jeune homme a la colère froide, de celles qui vont le plus loin, de celles qui sont les plus dangereuses. Pas de cris, mais une volonté haineuse qu'il reporte sur l'ennemi qui en plus d'avoir failli le détourner des siens s'est emparé de son pays. De leur liberté. Connard de boches.
Chapitre 4 :
Jeunesse, lève toi.
Dès que ses études sont finies et qu'il a brillamment obtenu son diplôme, Camille disparait. Ni l'école, ni sa famille ne savent où il se cache. Il n'est plus là, et n'est trouvable nul part. Comme si son existence n'avait été qu'un rêve éveillé toutes ses années. Catherine et Paul s'inquiètent, cherchent une piste qui pourrait les mener à leur fils tout en minimisant la situation devant leurs autres enfants pour que ceux-ci ne s'inquiètent pas. La mère, surtout, repense à cet homme qui l'avait agressé il y a dix sept ans. Et s'il avait attaqué Camille à son tour ? Et s'il s'acharnait sur leur famille, comme un fanatique ?
C'est lors d'un voyage pour aller voir une cousine que le hasard dévoile où se cachait le jeune homme. Cela fait trois ans qu'ils ne l'ont pas vu, dont plus de la moitié sans la moindre nouvelle. Selon leur calcul, Camille a dix huit ans tout frais. Nous sommes en 1940, et les fêtes de Noël et du nouvel an approchent. Tout le monde espère une année meilleure, sans occupant ni rationnement. La neige est partout, comme pour cacher la misère et les traces de vie de l'envahisseur. Dans le train qui les achemine vers leur destination pour fêter en famille la nouvelle année, l'ambiance devient soudainement survoltée. Les agents courent en tout sens, et de l'allemand est crié à tout bout de champs par des soldats avec ça et là des termes français. Soudain, le train s'arrête. C'est la panique, et chacun se demande ce qu'il se passe. Pourquoi n'avance-t-on plus ? Et si c'était une panne ? Ou un contrôle ? Au milieu de rien, entouré de bois enneigés qui semblent si inhospitalier que l'on repense à ces contes de fée où le grand méchant loup rôde, l'angoisse prend les passagers. Julie et Sébastien passent le temps en admirant le paysage pendant que leurs parents et Timothée débattent pour deviner ce qui se passe. Soudain, la jeune fille pointe du doigt des formes floues qui s'animent à l'orée du bois.
– Les résistants ! Ce sont les gars de la résistance !
Toute la famille se rue à la fenêtre pour observer ces suicidaires qui ont décidé de se lever contre les occupants. S'ils attaquent ce train, c'est parce qu'en plus de transporter des civils il sert également de convoi de ravitaillement pour l'état de Vichy en haut. Ils ne toucheront pas aux passagers, mais en revanche comptent bien faire main basse sur les victuailles des gars de là-haut ! Et puis, de se montrer ainsi, c'est un peu comme une bouffée d'espoir qu'ils veulent donner aux français.
On se battra coûte que coûte. La France n'est pas morte ! Les allemands de leurs côté résistent et ripostent, mais les attaquants sont comme invisibles et efficaces. Finalement, le train se rend. Que peuvent-ils faire ? Il leur faudrait plus d'hommes pour tenir face à cette équipe organisée et trop nombreuses pour eux. Alors pendant que certains tiennent en joue l'équipage pour que ne leur vienne pas une bouffé d'héroïsme, le reste de la troupe s'occupe de décharger le précieux chargement et de l'acheminer en sureté. Ce qui est aux français doit rester au français. C'est ce qu'ils pensent tous, c'est ce qu'ils veulent montrer.
– Maman ! Regarde ! Celui qui surveille les soldats allemands !
C'est Timothée qui l'a vu en premier. Fier et avec un sourire victorieux, il est là, à 300 mètres. Camille. Oh comme il a changé, comme il a grandi. Comme il a maigri, aussi. Protégé du froid par un manteau et une écharpe, il tient fermement en joue ses ennemis. Son regard est dur, déterminé. Oh, comme il a changé, comme il a grandi. Les siens le regardent avec des yeux ronds, sidérés de le retrouver là parmi cette meute d'hommes libres qui donnent autant de fil à retordre aux occupants. Les résistants. Ces hommes recherchés partout, considérés comme ennemis de la nation par Vichy même. Les résistants. Ces gars qui se battent avec rage et témérité pour montrer que la guerre n'est pas finie, que rien n'est joué. Les résistants. Ces types un peu fous qui s'attaquent au colosse allemand et que Camille avait rejoint dès sa sortie d'école.
Oui, c'est là qu'il était. Parmi ces kamikaze occidentaux, à jouer avec la mort comme d'autres s'amusent avec un ballon. Cette rage au ventre qui ne l'a pas quitté depuis cet été où il était resté à Aurore, il s'en sert comme d'un moteur et une raison de vivre.
La France se libérera. Un jour, à nouveau, elle pourra respirer librement. Dans la faction qu'il a intégré, il a beaucoup appris, avec cette même ferveur effrayante que durant sa scolarité. Ce sont des moldus, tous. La plupart des sorciers sont restés entre eux, même si certains ont grossi les rangs de la résistance. Parce qu'avant d'être moldu ou sorcier, ils sont patriotes. Dans le groupe qui l'a accueilli, il n'y a pas de sorcier du tout. Il fait comme eux et vit sans magie. Il faut dire que c'est loin d'être le plus gros rassemblement. Alors il apprend à manier une arme, la démonter-remonter en moins d'une minutes, charger, viser, tirer. Encaisser le recul. Bloquer les voies, les faire sauter, tout exploser. Agile dans les bois et retrouvant tout ce qu'il avait appris dans sa jeunesse, le jeune homme est bien vite désigné comme éclaireur et attaquant furtif. Organiser le campement, la survie sauvage, ça il ne sait pas vraiment faire. Vivre seul dans les bois, oui, mais pas pour une grande communauté. Alors il se concentre sur ce qu'il fait de mieux : épier comme un chat pour attaquer par surprise ensuite. D'ailleurs, lorsqu'il part en repérage seul, une fois qu'il est sûr d'être hors de vue de ses camarades d'armes, Camille se sert de sa forme animagus bien plus discrète et rapide. C'est grâce à cela qu'on la remarqué au départ : vous avez l'impression d'être seul, et soudain il est là derrière vous sans que personne ne l'ai entendu ou vu venir. Mais chut, personne ne doit savoir qu'il peut se transformer à sa guise. Les moldus ne doivent rien savoir, jamais. C'est pour ça qu'il fait comme eux et vit sans magie.
Sa famille le contemple, sans mot dire. Si un allemand passait et comprenait qu'ils connaissent un de ces gars qui pillent le train, aucun n'en réchapperait. Pour vivre il faut se taire, ne pas admettre que ce blond fougueux est de leur tribu. Il est beau, il est fou. Comme un félin sauvage que rien ne pourrait enchainer. Comme un homme qui s'est trouvé et n'a plus rien à perdre, et mise tout sur l'avenir. Puis vient le signal de départ. Les troupes se replient, Camille fait partie des derniers à fuirent, tenant en respect jusqu'au bout leur ennemis. Et au moment de faire volte-face pour disparaitre, à l'instant précis où il détourne la tête, le jeune homme les voit. L'image de sa famille accroche sur sa rétine et une forte émotion le submerge. Il faut qu'une balle siffle à son oreille et que ses camarades hurlent son nom pour qu'enfin le blond réalise et se mette à courir pour sauver sa vie. Mais ni lui ni les siens n'oublieront que pendant une seconde,
ils se sont retrouvés.Chapitre 5 :
Ça fait du mal
Le temps passe et l'occupation reste. Quelques mois après avoir aperçu Camille durant l'attaque du train, la famille trouve devant la porte un panier, contenant chapon et légumes frais. Tous pensent à Camille, évidemment. Pendant quelques temps, celui-ci trouve le moyen de leur transmettre un peu de viande, qui est décidément horriblement chère par les temps qui courent. Un jour, il arrive même à leur dégotter une tablette de chocolat. Pour être plus près des siens, le jeune résistant à rejoint une autre faction, plus proche d'eux géographiquement. Plus importante, aussi, et aux missions plus risquées. Qu'importe, mourir pour la France ne lui fait pas peur. D'ailleurs, au fond, le sorcier est persuadé qu'il ne pourra pas mourir. Pas tant que son pays aura besoin de lui.
Un soir, sous couvert d'un déguisement, Camille s'enhardit et frappe à la porte du domicile familiale. Lorsque Sébastien ouvre, il le prend au départ pour un étranger, un pauvre parigot exilé qui vient taxer. Ce n'est que lorsque son frère l'appelle Batien qu'il comprend et le fait rentrer avant de se jeter dans ses bras. Batien, c'est comme ça que l'ainé avait toujours appelé son plus jeune frère, en réponse à son propre prénom que celui-ci écorchait tout gamin pour l'appeler Cami. Bref, un truc de gosse. Et ce sont deux gosses surexcités qui rient et se serrent dans les bras de l’autre à l'heure des retrouvailles. Bien vite le reste de la famille arrive, et une fois la surprise passée ce sont larmes, rires et embrassades dans tous les sens. Camille est de retour, pour juste une soirée. Et il n'est pas venu les mains vides, non. Là encore, des victuailles chargent ses bras pour améliorer le quotidien frugal. Assis à la table, il écoute tout ce que les autres ont à lui dire sur les temps durs. Avec une gravité que ses frères et sœurs ne lui connaissent pas et qui rappelle aux parents ce soir où il avait annoncé partir pour Aurore, Camille discute et tente de réconforter tout le monde tout en analysant la situation. Pas une seule fois, il ne parle de la Résistance, de l'organisation des autres gars, des bases. C'est la règle numéro un : ne jamais dévoiler quoi que ce soit à ce sujet. À même pas vingt ans, il est devenu un homme réfléchit, mélange étonnant de fougue cérébrale. Ce qu'il ne dit pas non plus, c'est que bientôt, il partira à nouveau. On le change d'affectation pour un autre groupe, bien plus loin dans le centre-est de la France. Alors il profite de cette soirée comme si c'était la dernière, ne sachant pas quand il reverra sa famille. Il est venu ici pour une chose précise, outre le plaisir de voir ses proches.
Ce n'est qu'une fois tout le monde couché et qu'il ne reste plus que lui et sa mère qu'il aborde précautionneusement le sujet. Le blond a du mal à trouver ses mots alors qu'il a répéter des centaines de fois dans sa tête ses questions et les réponses qu'il désire. Pourtant, une fois devant elle qui le regarde comme toujours avec ce mélange d'amour, de gêne et de douleur, il bafouille et perd ses mots. Soupire, avant de reprendre ensuite d'une voix neutre pour cacher l'émotion. Il a peur de faire une bêtise, mais il veut savoir à tout prix. Il en a
besoin. Quelle faute a-t-il fait, pour se trainer en permanence ce sentiment de culpabilité et de malaise ? Quel est son crime ?
Catherine s'attendait à ces questions légitimes de la part de son fils, et qu'il lui demande des comptes un jour. Il est loin d'être bête, évidemment qu'il a senti son mal-être à elle. Pourtant, elle est la première surprise lorsqu'il aborde le sujet. Un instant, la femme le trouve culotté et blessant de remuer le couteau dans la plaie. La seconde d'après, la mère l'estime courageux de crever l'abcès. C'est toujours avec ce mélange de sentiments contradictoires qu'ensuite elle s'exprime avec lenteur et raconte la vérité. Les mots ont du mal à sortir et restent d'abord coincés dans sa gorge. Puis, petit à petit, c'est l'effet inverse. Elle a du mal à les contenir, à arrêter ce flot interminable de paroles douloureuses et accusatrices malgré elle qu'elle profère d'une voix blanche. Pour la première fois de sa vie, Catherine parle réellement et on l'écoute. Mais pourquoi faut-il que ce soit justement lui qui encaisse tout cela ? Sans un mot, il entend la douleur à fleur de peau qui hante sa mère depuis tant d'années. Il a les mâchoires serrées, les poings crispés, mais ne dit rien et l'écoute, les yeux braqués dans les siens. Non, il ne détournera pas son regard. Non, il ne la laissera plus porter seule cette douleur, ces souvenirs cauchemardesques. Camille se contient, de toutes ses forces. Il est content d'être assis, ses jambes ne l'auraient peut être pas portées pendant que sa génitrice déverse encore et encore cette douloureuse confession. La tête lui en tourne, alors qu'elle parle encore et encore. De façon crue, sans rien omettre, sans qu'un seul détail, un seul sentiment ne manque à l'appel, elle révèle tout. Oui, Catherine parle, pleure, passe par des accès d'émotions tels que la femme en est au bord de l'évanouissement. Pendant cinq heures, elle continuera, sans s'arrêter. Quelque part, elle sent que c'est la seule occasion qu'elle aura de s'exprimer librement sans être jugée, alors elle continue. Même si c'est sur son fils que désormais va peser une bonne part de cette souffrance impuissante. Voir sa totalité, tant elle lui transmet d'émotion. Même si elle s'en veut que ce soit sur lui que ça retombe, car elle le connait et sait qu'il se sentira responsable alors qu'il n'y est pour rien. Lors qu’enfin elle termine son récit, Camille la prend dans ses bras. La porte jusqu'à son lit. Dépose un baiser sur son front. Disparait comme il était venu. Elle s'endort avant même qu'il ai refermé la porte tant elle est épuisée. Le jour se lève alors que ses yeux se ferment.
Jamais ils ne se reverront, et ils le savent tous deux.
Chapitre 6 :
Lula
Et c'est un nouveau départ, pour un autre genre de mission. Camille a de nouveau été muté pour rejoindre un nouveau groupe particulièrement actif aux activités plus spécifiques. Bien sûr ils attaquent les convois allemands etc. Mais leur spécialité à eux, la fabrique de la maison, c'est la récolte d'information davantage que l'attaque pure et dure. Avec son fort esprit d'analyse, son sang-froid remarquable et son courage frôlant la témérité, le blond est envoyé en renfort. En arrivant là bas, Camille est quelque peu surpris de constater qu'il est l'un des plus jeunes. Et il le sera plus encore lorsqu'il croisera une connaissance d'Aurore : Antonin. Ainsi donc il n'était pas le seul à se battre aux côtés des moldus ? Bien que son ancien camarade et lui n'aient jamais réellement parlé, cela mit du baume au cœur du blond de retrouver ainsi une tête connue. Il faut croire que cela était vrai aussi pour l'autre puisqu'en reconnaissant l'animagus un franc sourire éclaira son visage.
Dès lors, les deux jeunes hommes discutent beaucoup ensembles. Il aura fallu ces conditions extrêmes pour qu'ils apprennent un peu à se connaitre, alors qu'ils se sont côtoyés pendant des années dans la même école sans jamais se voir réellement. Antonin, de deux ans son ainé, est chargé de le former et de lui enseigner tout ce qu'il faut savoir pour les missions qui leur seront confiées. Au bout de quelques temps et après une formation express, Camille effectue sous le regard critique de son nouveau prof quelques missions relativement mineures, pour se faire les crocs. C'est un bon acteur, il le découvre à cette occasion là. Travaillant en binôme ou à plus nombreux, le jeune homme prend de l'assurance et s'enhardit. Avec une énergie et une volonté inépuisable, Camille se propose sur tous les fronts, pour toutes les missions. Et si au départ on lui en refuse beaucoup à cause de son inexpérience, les choses allant on lui en donne davantage.
Bien.C'est lors d'une réunion en petit comité qu'une mission inattendue lui tombera dessus. Et pour une fois, il aurait préféré s'en passer. La situation est simple : à l'occasion d'une soirée donnée en l'honneur de quelques dignitaires allemands qui arrivaient pour prêter main forte, le renforcement des milices sera organisé, et la liste des nouveaux effectifs et de leur secteur de ronde transmise au préfet. Le but de cette mission organisée de longue date était donc évidemment de s'emparer de la dite liste et ce, toute discrétion. Un proche du préfet servant les intérêts de la Résistance et faisant office de taupe était censé organiser cette fameuse soirée chez lui, à la demande du dignitaire français. Il pouvait donc tout à fait introduire un membre ou deux du groupe en prétextant qu'il s'agit de nouveaux domestiques. Mais un souci subsistait : l'un des dignitaires allemand, devenu légèrement paranoïaque après un attentat à son encontre, avait exigé que les femmes seules soient de services lorsqu'il viendrait. Apparemment, il semblait considérer que les hommes étaient les uniques membres actifs de l'opposition directe et que jamais une demoiselle n'oserait s'attaquer de front à des allemands. Étrange vision des choses qui n'arrange pas les affaires de la faction. Comment faire ? Les femmes auxquelles ils auraient pu demander ce service étaient déjà sous surveillance nazis ou bien manquaient encore d'expérience. Mais pourtant, ils
devaient obtenir cette liste, l'occasion était unique. Jamais ils n'auront l'occasion de mettre la main sur ce document, d'autant que les allemands étaient rapides à mettre en place les aménagements militaires une fois que ceux-ci avaient été décidés. Ils avaient un mois avant cette fameuses soirée, mais pourtant toujours personne à envoyer là bas.
À cette fameuse réunion, ils étaient une poignée d'homme à chercher un moyen de contrer l'obstacle. Le chef de la faction, son bras droit, le messager qui fera le lien avec la taupe, Antonin et Camille. Il a le visage grave, le petit bond. Ses cheveux longs qu'il n'a jamais le temps de couper sont toujours tirés en arrière et coiffés en une queue de cheval impeccable. Il s'est mis à fumer, aussi, et réfléchit à l'épineux problème en inspirant des bouffées de nicotines.
S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème. Donc il
devait y avoir un moyen d'accomplir leur objectif. Finalement, c'est Antonin qui a une idée le premier, en regardant d'un drôle d'air son ami.
–Camille ? Détache tes cheveux, une seconde, s'il te plait.
–… Quoi ? Pourquoi tu veux que je
–Pose pas de question. J'veux vérifier un truc.
–Quel rapport avec ce qui nous occupe, Antonin ?
–T'occupe. Fais ce que je te dis.
Avec un grognement, Camille s'exécute. Une fois lâchés, ses cheveux qui arrivent à hauteur d'épaules retombent naturellement autour de son visage, adoucissant celui-ci de façon notable. Antonin jette un regard aux trois autres hommes, avec sourire espiègle, l'air de dire “vous pensez à ce que je pense ?” Camille, de son côté, se sent mal à l'aise soudain que ces trois mecs le regardent aussi bizarrement. Bah quoi. Il a les cheveux libres, et alors ? Et si on retournait au problème qui nous occupe ? La mine boudeuse, il s'impatiente.
–Bon, alors ? Quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?
Un truc cloche. Y a un machin pas net, il le sent lorsqu'il voit tout à coup les trois autres se lancer des regards entendus avec des sourires qui ne lui inspirent rien de bon. Le leader se met soudain à griffonner un truc sur un bout de papier. Immédiatement, Antonin saisit celui-ci et sort d'un pas vif porter les instructions. Le second, de son côté, se tourne enfin vers le blond et lui demande de se recoiffer avec un sourire en coin. Merde, c'est quoi cette histoire ? Puis, les dirigeants lui expliquent que dès le lendemain, il suivra une nouvelle formation. On lui assignera une grande tente qu'il ne devra pas quitter avant la fin de celle-ci, ou en tout cas pas sans certaines conditions. Secret absolu. Et la mission, elle est en rapport avec la soirée ? T'occupe, qu'on lui répond. Ce sera le rôle de ta vie, mon gars. Pour l'instant, va te coucher, t'auras besoin d'être en forme demain.
Le lendemain, on vient le réveiller à l'aube pour cette fameuse formation. Tout le monde dort, et le jeune homme est donc le seul à s'étonner que ce soit une femme qui vienne le chercher. Sourcils froncés et avec une drôle d'appréhension, il la suit donc et se retrouve finalement dans une immense tente où Antonin l'attend déjà en se marrant. Avec lui, deux autres femmes plutôt jolies, et pas mal de malles et de bagages. C'est quoi ce bordel ?
–Camille, mon gars. Ça va être ton heure de gloire. On va faire de toi, cochonnet, le plus pur des saphirs.
–Gné ? Qu'est-ce que tu me chantes encore ?
–Dans cette tente, tu vas te sublimer. C'est en effet ici que tu deviendras une femme accomplie.
–….................... Blague ?
Mais le jeune homme ne plaisante pas, même si un petit rire moqueur lui échappe de temps à autre. Les trois miss, qui seront apparemment les institutrices de l'animagus, pouffent également avec des regards complices. Une femme déguisée en homme pour la bonne cause, okay. Mai l'inverse est nettement moins courant. Camille s'indigne, réfute, proteste. Ah non, pas en robe ! Il est né homme, il restera homme. Il fallut qu'Antonin lui rappelle d'une voix grave et sans appel que c'était pour le bien du réseau et de la France. Alors, seulement, le blond accepta ce rôle qui lui était confié. Mais bordel, quel merdier. Saloperie de guerre, vraiment. Il aurait préféré partir à l'assaut d'un tank nu comme un ver. Avec une petite tape de fausse compassion, son ami l'abandonna au moins des trois demoiselles avec un dernier mot d'encouragement.
Et c'est le début du calvaire selon Camille. Si on lui avait dit qu'un jour il se travestirait, il aurait ri au nez de son interlocuteur.
En femme, quoi. Avait-on idée de penser des trucs aussi tordus. Merci, Antonin, vraiment merci ! La première étape consiste à prendre ses mesures pour lui faire des vêtements à sa taille. C'est trios abeilles qui virevoltent autour du pauvre jeune homme résigné, notent les cotes, mesures tout un tas de trucs dont il se demande si c'est bien la peine. Et bien sur, avec des petits commentaires charmants. Ce sont des femmes, après tout.
–Oh, tu as vus ses poignets, comme ils sont fins ? Et ses mains ? On ne dirait pas que ce sont ceux d'un homme !
–Moi c'est le tour de taille que j'admire. Si je pouvais avoir le même, Thomas me regarderait plus.
–Stop. Sans commentaire, les filles. Faites votre travail en silence.
Et ça glousse, et ça piaille, c'est la fête à la volaille. En soupirant, Camille fait appelle à son self control pour le pas s'énerver. Et se répète que c'est pour le bien de la partie. Après les mesures, pendant que deux d'entre elles lui confectionnent des vêtements sur mesures, la troisième entreprend de lui enseigner l'art du maquillage, du maintien féminin, des attitudes, de la démarche. Bien sûr, un four rire général accompagne les premiers pas du pauvre garçon en talons. Lui même, au bout d'un moment, n'en peut plus et éclate de rire.
Mon dieu si Julie le voyait. Peu à peu, il se prend au jeu et s'intéresse à sa formation. Assez vite, les talons ne sont plus un obstacle insurmontable et la trousse à maquillage lui devient familière. Au bout de deux semaines, la garde robe est parée pour un premier essayage. Caché derrière un paravent, Camille essaye la première robe devant le miroir et se trouve affligeant. Et Merde, comment en est-il arrivé là ?
–Alors, ça donne quoi ?
–Y a des trucs qui vont pas du tout.
–Ah… Montre ? Qu'est ce qu'il ne va pas ?
Résigné, Camille sort de sa cachette. C'est du bon travail, il faut le reconnaitre. Le tissus s'adapte parfaitement à sa silhouette, marque sa taille fine, souligne sa sveltesse. Bref, met l'accent sur tout ce que son corps androgyne peut avoir de féminin. À un détail près.
–Trouvez pas qu'il manque un truc ?
Avec un sourire à la fois exaspéré et narquois, le jeune homme saisit le tissu au niveau de son torse et le tire devant lui pour souligner l'absence de poitrine. Les quelques secondes de blanc qui s'ensuivent resteront sans doute dans sa mémoire comme étant les plus remarquables de stupéfaction qu'il ai connu. Puis c'est de nouveau un fou rire général. Les gars de dehors doivent se demander ce qui se passe dans cette tente pour qu'on y entende une telle hilarité. Et la formation reprend, les éternels exercices pour marcher, parler, se maquiller, se tenir. Les dernières retouches se font et un soutien-gorge push up sur mesure est fait pour pallier à son manque de rondeurs. Lorsqu'enfin tout est près, il ne reste que quatre jours avant la soirée. Camille a mémorisé les informations nécessaires à l'opération avec aisance. Retenir les noms et visages des dignitaires qui seront présents, ça lui semble si facile comparé à l'apprentissage douloureux de l'épilation. Parce que oui, il a fallu en plus qu'il passe par là. Pauvre garçon. Quand enfin habillé, maquillé et chaussé il sort de la cabine d'essayage pour la première fois avec l'assortiment complet, un sourire admiratif devant le travail accompli se fait entendre des quatre témoins. Quatre, oui : les trois demoiselles et Antonin, qui venait souvent rendre visite à son infortuné camarade.
En guise de premier test, Camille doit sortir de la tente et traverser le campement jusqu'à la tente du leader. Accompagné de son cher Antonin, le travesti appréhende et redoute l'instant où il se montrera ainsi. Tout le monde va se foutre de lui, ça c'est sur. Quelle honte, mais quelle honte ! Forcé par son ainé, il finit par poser un pied dehors et faire un pas. Puis un second. Et un troisième. Les rires et quolibets qu’ils redoutent tant ne se font pas entendre de tout le trajet, finalement. À la place, quelques sifflements appréciateurs le suivent jusqu'à la tente. Et lorsqu'il pénètre, le chef de la faction et son second mettent quelques secondes à réaliser qui il est. Bordel, on s'y croirait. Ne reste qu'à trouver le nom de code pour désigner cette blonde féline qui se tient devant eux.
- Bienvenue parmi nous, Lula.
Chapitre 7 :
Fils de France
N'empêche, qu'est-ce qu'il n'aura pas fait pour servir la France ! Lula, depuis la totale réussite de sa première mission, a pris de l'assurance dans son rôle. Malgré les coiffures différentes et les déguisements variés utilisés, c'est toujours à Lula que l'on file désormais ces missions un peu trop risquées pour une approche standard. Travaillant toujours en binôme avec Antonin avec qui il a une très forte complicité à présent, Camille a officiellement changé de faction pour faire la place à Lula. Et le changement est tellement incongru, le rapprochement tellement peu dans la logique de l'époque, que tout le monde n'y voit que du feu. Et plus d'un envie Anton' d'avoir été mis en équipe avec cette blonde qui ne se laisse pas démonter avec un charme féroce. Sous son apparence féminine, Camille développe une nouvelle façon d'aborder les choses. Ce respect et cette reconnaissance pour ses compétences, s'ils étaient relativement aisément donnés lorsqu'il était le Camille que tout le monde connait, étaient bien plus délicat à obtenir avec le corps d'une demoiselle. Il a fallu à plusieurs reprises recadrer de manière un peu corsée quelques sceptiques pour lesquels une femme devrait simplement être aux fourneaux à s'occuper des gosses. Alors, pour pallier ce scepticisme, Lula devient sarcastique et acide. Elle fait ses griffes, la belle, et gare à celui qui la provoquerait.
Mais tout à une fin. Finalement, Lula meurt elle aussi. Le 3 décembre 1943, alors que Camille a chaussé les talons depuis un peu plus d'un an et demi sans relâche, Antonin vient le voir au beau milieu de la nuit. Il est, quoi, 4 heures du matin peut être. C'est nuit noire. Surpris, Camille ne comprend pas pourquoi son cher ami le réveille à la hâte. Puis, celui-ci lui explique. Il y a eu une fuite, un truc a foiré. Lula a été vendue aux nazis. Le jeune homme n'a que quelques heures d'avance, il faut fuir, absolument. Mais où ? Le blond apprend alors que tout a été organisé en urgence. Pendant que son ami le force à enfiler chemise et pantalon -les allemands recherches une femme, et de toute façon il faudra courir- il comprend qu'un avion les attend et partira dans une heure pour l'Angleterre. Là bas, il n'y aura plus de danger.
Alors Camille s'habille à la hâte, et enfile ses chaussures pendant que l'autre résistant met dans un sac l'essentiel. Et ils courent, ils courent. À en perdre haleine, ils s'enfuient, coupant à travers bois. Ils
doivent arriver à temps. L'avion ne les attendra pas, c'est trop risqué pour lui de rester. Finalement, ils arrivent au point de rendez-vous, et aperçoivent la porte de sortie aérienne. Mais au moment de monter dans l'avion, l'animagus comprend qu'il sera le seul à voyager. Pourquoi ? Ils ont tout fait ensemble ces dernières années, ont vécu tant de choses tous les deux, ont travaillés en équipe depuis le début... Antonin est autant en danger que lui, alors pourquoi ne pas venir aussi ?
–Viens. On.. On travaillera encore ensemble. On change pas une équipe qui gagne, pas vrai ? En plus, tu parles bien mieux anglais que moi !
–J'peux pas, Cam'. J'peux pas.
–Mais toutes ces missions, c'est ensemble qu'on les a fait ! Pourquoi c'est juste moi qui part ? Tu seras autant en danger que moi, réfléchis un peu !
–C'est toi qui a été directement sur place à chaque fois. Toi dont on a remarqué le visage. Toi qui a vu et transmis les informations. Moi, je ne suis que l'ombre, le convoyeur. L'organisateur qui te lance dans l'action.
– ….... Mais j'ai besoin de mon ombre, Antonin.
– Il faut que tu y ailles. Quoiqu'il advienne, débrouille-toi pour vivre jusqu'à la fin. On boira un pot ensemble pour fêter la libération de la France ensuite.
Rien ne va plus, et cette force qu'il pensait éternelle le quitte soudainement. Camille se rend compte combien il s'est appuyé sur Antonin tout ce temps, et à quel point il veut pouvoir continuer. Bien sûr, il veut vivre. Bien sûr il veut la France libre. Mais son frère d'arme est aussi important. Le jeune homme est désemparé et reste debout sur le chambranle de l'avion, entre ciel et terre. Non, il ne peut pas s'y résoudre. Il refuse.
Antonin, ne me laisse pas partir. Celui qui a été son mentor à son arrivée dans la faction saisit sa main avec force et le regarde intensément pour formuler ses derniers adieux.
–Prends soin de toi.
Et dans ses yeux, ça voulait dire
je t'aime.
Mais déjà, Antonin bouscule le blond et le pousse violemment à l'intérieur avant de fermer la porte. Aussitôt, le pilote lance l'appareil. Ils sont déjà restés trop longtemps, les boches arrivent. Camille hurle, tape à la porte, veut sortir. Pour la première fois depuis des années, son self-control devenu légendaire le quitte. Il ne veut pas aller chez les Bifteck, il emmerde Churchill, De Gaulle et tous ces connards hauts gradés qui n'ont même pas offert une issue de secours à son Antonin.
Guerre de merde. Le sorcier se laisse aller, et pendant une bonne partie du trajet pleure sans pouvoir s'arrêter, silencieusement. Quelque part, un sombre pressentiment lui dit que c'était la dernière fois qu'il voyait son camarade. Puis, peu à peu, le jeune homme se ressaisit. Oui, il vivra. Quoi qu'il advienne. Cette foutue Guerre, il ne la laissera pas le bouffer. Elle lui a pris sa famille, sa jeunesse, son pays, son Antonin.
Saloperie. Lorsque l'avion survole Londres et s'apprête à atterrir, il a déjà repris le dessus. Comme toujours depuis quelques années, sa douleur se transforme en colère, et nourrit cette rage qui l'habite depuis maintenant quatre ans et demi. Le jour où il foule pour la première fois le sol britannique, Camille fête ses vingt et un an. Sa majorité toute fraiche marque la fin d'une vie et le début d'une autre.
Une fois en sécurité, une fois encore l'androgyne restera parmi les moldus pour soutenir la France. Au vu de ses services accomplis au pays et de ce qu'il sait, on l'affecte aux communications avec les groupes restés en France. Il a été dans trois d'entre elle, sait comment elles fonctionnent, connait les codes. Alors il transmet les informations, dans un sens comme dans l'autre. Six mois après son arrivée, il apprend qu'une attaque allemande a sérieusement mis à mal le campement des Résistants. Justin, Herctor, Bernard, Jean, Patrick, Martin... Tous ces gars, il les connait. A partagé de nombreux moments avec eux. Antonin aussi est du nombre des victimes. Camille ne peut y croire, refuse la réalité de ce foutu bout de papier qu'il tend ensuite à ses supérieurs.
Lâcheur. Ils devaient boire un pot ensemble à la libération. Alors pourquoi ? Pourquoi lui même ne s'était-il pas débrouillé pour vivre ? Bien qu'au milieu d'une foule d'agents comme lui, Camille se sent seul. Désespérément seul.
Mais l'ennemi n'attend pas que l'on panse ses plaies pour attaquer à nouveau. En Aout 1944, alors qu'il rentrait simplement chez lui, Camille manque de se faire tuer. Ils l'ont retrouvé. Et une fois, c'est la course. Il faut trouver une planque, et vite. Mais cette fois, ce n'est pas la Résistance moldue qui le sauvera. Un sorcier vient le voir au Q.G où désormais l'animagus est retranché, et lui propose une solution : postuler au poste d'enseignant de Poudlard, l'école de Magie anglaise. Sans nul d’autre, d'après lui, l'endroit le plus sûr en Angleterre avec le Ministère de la Magie et la Banque Gringott. Sceptique, Camille se renseigne. Postuler à quel poste ? Astrologie. Le jeune homme fait la moue. Oui, il connait bien les étoiles, c'est vrai. Mais entre savoir se repérer parce qu'on fuit les allemands et faire rentrer ces mêmes étoiles dans le crâne de morveux... Mais finalement, le français accepte et postule pour le poste. Au vu de la situation, on lui a vivement conseillé de rechausser les talons afin de brouiller un peu mieux les pistes. On ne sait jamais. Alors Camille se métamorphose à nouveau. Au fond, il s'en fiche un peu, maintenant, homme ou femme. Sans Antonin pour se moquer de lui, beaucoup de choses deviennent de moindre importance. Pour la peine, par égard à la demande de celui-ci, le jeune homme se décolore les cheveux en blond et demande de nouveaux papiers. Et lorsqu'on lui demande s'il a une préférence, le concerné réfléchit puis rend le verdict. Shame. Il veut s'appeler Shame.
Tant à cause de ses origines qu'à cause de cette guerre qui lui aura pris tout ce qu'il aimait.